28 septembre 2018

Le Cinéma de F.F. Coppola VII. 2007-2012

Youth without youth (L'Homme sans âge), 2007
Après dix ans sans tourner, dix années une nouvelle fois pavées de projets avortés comme l'arlésienne Megalopolis, Coppola revient. En 2007, une telle annonce pouvait encore faire figure d'événement. D'autant que ce fut un retour via une œuvre difficile, très personnelle, et non un énième film de commande — quand bien même il est toujours parvenu dans ces cas-là à des résultats ne respirant pas trop la compromission (on se rappellera que The Godfather était une commande).

Comme la plupart du temps avec le cinéaste, la source est littéraire. Adaptant une nouvelle de Mircea EliadeL'Homme sans âge est une œuvre de poète, osée, étrange et finalement très attachante, riche d'idées formelles qui laissent deviner la touche du fidèle complice Walter Murch au montage. Coppola, qui imprima si souvent dans nos rétines l'image d'une Amérique mythique, s'exporte et laisse enfin pleinement s'exprimer sa sensibilité européenne. Le film raconte l'histoire d'une quête douloureuse à travers le temps des Hommes, et invite à un voyage passionnant aux origines du langage. Progressivement émerge une émouvante romance mystique qui n'est pas sans évoquer, toutes proportions gardées, Bram Stoker's Dracula, alternant moments dérangeants et pur envoûtement. Tim Roth et Bruno Ganz sont de la partie et l'on se dit alors que Mister Francis is still alive.





Tetro, 2009
C'était il n'y a pas si longtemps encore un cinéaste qu'on n'attendait plus. Miraculeusement, voilà que Coppola se retrouve à enchaîner les tournages, et parvient encore à surprendre, manifestement désormais affranchi des exigences commerciales des studios et libre de créer. Le spectateur est embarqué dès les premiers plans dans l'atmosphère très épurée, presque rêvée, d'un Buenos Aires intemporel magnifié par le noir et blanc. Échappant à toute catégorie, Tetro rappelle comme une évidence ce qu'est le cinéma, ce qu'il doit être : splendeur de la photographie, élégance des cadrages, goût du risque avec un rythme fait de nonchalance et de sorties de routes, confiance donnée à des acteurs capables de tenir une scène dans sa durée. J'ai apprécié retrouver Vincent Gallo, perdu de vue depuis sa grande période dans les 90's, et le jeune Alden Ehrenreich est une vraie et belle révélation. Le film développe leur relation fraternelle complexe, entre admiration et salutaire mise à distance, tandis que la figure de Maribel Verdu complète le triangle. Se cantonnant pour un temps à l'observation de leur cohabitation en appartement, le film fascine par sa liberté et sa théâtralité, comme si le maître retrouvait la fraîcheur du débutant.

Et puis la vie de Buenos aires s'immisce, on se familiarise avec le petit monde exubérant du music hall et de cette troupe de théâtreux de quartier. Gallo avait plus ou moins réussi à s'y faire une place en tournant le dos à son passé, et son petit frère va en quelque sorte réussir à trouver sa voie en occupant la place laissé vacante. Entre deux fulgurances visuelles où Coppola rend hommage au cinéma de Powell et Pressburger, le récit déroule une histoire très riche sur la famille, le poids de l'héritage, la soif d'absolu de l'artiste confrontée à la présence écrasante du patriarche auquel on est censé tout devoir (impeccable Brandauer). Et l'on est une nouvelle fois fortement tenté d'y voir une projection du cinéaste lui-même et du combat de toute sa vie. Mes seules réserves porteront sur un dernier quart d'heure moins convaincant, où les situations semblent un peu s'embourber dans le cadre d'un festival présidé par Carmen Maura qui manque étrangement de vraisemblance, alors que jusqu'ici authenticité et poésie se mariaient idéalement.




Twixt, 2012
Retour au film de vampire, que Coppola avait lui-même revitalisé exactement vingt ans plus tôt. Mais on est loin du baroque de son Dracula. Tourné avec peu de moyens, et en équipe réduite, Twixt ressemble presque à un film de jeunesse. Inspiré d'un rêve du cinéaste, le scénario ne cherche jamais à solidifier cette base, et aurait sans doute mieux tenu la distance sur un court-métrage. Coppola nous invite à un voyage aux sources de l'inspiration de l'artiste. Ici il s'agit d'un écrivain, mais on pourrait aussi y voir le portrait du cinéaste, écartelé entre les nécessités matérielles qui le contraindraient presque à la commande commerciale, et ses envies d'œuvres plus personnelles mais que personne ne veut financer. Son imagination s'abreuve autant de son vécu, douloureux ou prosaïque, que de ses rêves, qui sont eux-mêmes le fruit de la réalité qu'il vit et de ses références culturelles. Le terreau est donc assez riche.

Placée sous le signe de la poésie macabre et romantique d'Edgar Poe, mais loin de la vision romanesque qu'en donna Roger Corman, la trame est relativement lâche, et si elle fonctionne à peu près, c'est en partie grâce à l'amusante prestation d'un Val Kilmer gentiment hagard. Visuellement, reflétant la fièvre et les fantasmes de son protagoniste, le film présente une esthétique très travaillée et volontairement artificielle. Le traitement numérique de l'image est toutefois moins heureux que les effets optiques tout aussi anachroniques d'un Dracula. Le budget n'explique pas tout, mais difficile de résister à l'impression d'avoir davantage affaire à un Direct to video qu'à un long-métrage de cinéma. Jusqu'à l'épilogue qui tient presque de la blague. Mais je prèfère ça plutôt que de nous infliger un sérieux papal tout du long. 

Twixt tient donc un peu de la récréation, et court sans doute le risque de ne pas marquer les esprits, mais pour une fois son peu d'ambition n'est pas pour autant indigne d'intérêt. On notera enfin l'excellente bande son, pas du tout conventionnelle dans ses orchestrations, signée par l'Argentin Osvaldo Golijov, qui collaborait ici pour la troisième fois avec le metteur en scène. 



DOSSIER FRANCIS FORD COPPOLA :

21 septembre 2018

Le Cinéma de M. Night Shyamalan II. 2004-2006

The Village (Le Village), 2004
Un très beau film, peuplé de personnages forts et émouvants, richement habités par ses acteurs. Dans le rôle d'Ivy, Bryce Dallas Howard est une vraie révélation, tandis que Joaquin Phoenix est d'une dignité bouleversante. Tout juste auréolé de son prix à Cannes pour Le Pianiste, Adrien Brody s'est joliment dépêtré d'un rôle qui aurait pu sombrer dans la caricature (je le dis parce qu'il m'a ému). Par rapport à ce qu'ils vivent et aux passions qui les animent, le fait qu'ils aient souvent les larmes aux yeux me semble plutôt justifié. Le travail de réalisation est une nouvelle fois passionnant de bout en bout, bénéficiant des complicités de Roger Deakins, pour les yeux, et James Newton Howard, pour les oreilles, qui font ici des merveilles.

Comme dans les précédents films de Shyamalan, ce que vivent les personnages, le regard attentif et délicat qui leur est accordé, la vérité des sentiments qu'ils expriment, sont bien plus puissants et prégnants que la seule quête du "twist final", la révélation de la clé du mystère guettée par le spectateur blasé. On est sans doute ici face à son film le plus matérialiste, puisqu'il s'agit cette fois d'interroger la valeur de la fiction et de la fantaisie. SPOILERS // Le film peut très bien être lu comme une fable, avec ces adultes qui, exploitant (trahissant) la confiance de leurs enfants, vont leur imposer, leur fabriquer, un monde idéal et sous contrôle. Ils prétendent pouvoir ainsi protéger leur innocence et les préserver d'une réalité violente, qu'importent les moyens. C'est le rêve d'une société déjà privilégiée, pères et mères de famille médecins qui ont financé cette enclave et ses employés voués au secret. Les intentions sont bonnes, mais le rêve se transforme en cauchemar. Sans jamais le nommer, on baigne dans les conséquences traumatiques du 11 septembre, de la violence aveugle et absurde qui pousse à s'abstraire du monde extérieur. Shyamalan est un conteur magicien, et prouve que son inspiration est loin d'être tarie.




Lady in the water (La Jeune fille de l'eau), 2006
Après une série de films aussi réussis, intelligents dans leur mise en scène et originaux dans leur idées, j'eus un peu de mal à en convenir au sortir de cette Jeune fille de l'eau, mais pour la première fois Shyamalan me décevait. Je partais pourtant confiant, prêt à me laisser surprendre et embarquer dans une nouvelle fable sur la foi et l'incursion du fantastique dans le quotidien le plus trivial, savourant à l'avance de nouvelles trouvailles de mise en scène. On retrouve effectivement clairement sa patte dès le plan d'ouverture. La réalisation est par la suite souvent passionnante, la musique de Newton Howard une nouvelle fois pleine de majesté. Shyamalan propose un dispositif scénique plutôt intriguant avec cette résidence en huis-clos et ses locataires pittoresques (trop pittoresques ?). Après Le Village, le commentaire politique du réalisateur s'affirme, avec cette idée d'une œuvre qui influencera peut-être dans le futur un dirigeant, et ces images de guerre discrètement captées sur les écrans de télé. Ce Lady in the water est également le film où Shyamalan utilise le plus d'effets spéciaux. Les créatures sont très réussies, la terreur fonctionne bien. Mais c'est un peu comme si son cinéma perdait un peu de sa "pureté".

Je pense que c'est son film où il se lâche le plus côté humour et si ça fonctionne plutôt bien, ça finit aussi par donner l'impression qu'il croit lui-même à peine à ce qu'il raconte. Pas mal de scènes et de dialogues semblent commenter l'action elle-même, comme s'il fallait en désamorcer le risque de ridicule, taper du coude le spectateur pour susciter sa connivence, mettant à bas ce qu'on appelle le quatrième mur. En soi, c'est plutôt amusant, mais ça crée une distance, une ironie à laquelle il ne nous avait pas habitués. Ses films précédents flirtaient dangereusement avec la suspension d'incrédulité, mais parvenaient à chaque fois à s'en sortir intelligemment en abordant leurs sujets avec une grande sincérité. Parasité par ce métadiscours, le récit écope alors d'un rythme bancal, s'enlisant laborieusement dans la mise en place de sa mythologie, qui finit par prendre trop de place au détriment des personnages eux-mêmes. Au lieu de fasciner, Narf est inexplicablement sous-exploitée, laissant les humains faire le boulot. Je comprends bien que ce sont les intentions du réalisateur, mais du coup on passe complètement à côté de la force d'une telle figure. Malgré la beauté du visage et du corps de Howard, à aucun moment son personnage ne m'a vraiment charmé. Le final se rattrape heureusement, retrouvant enfin de l'élan et porté par un beau souffle. La dédicace en fin de générique est également assez touchante.

Je suis pas sûr que ça veuille dire grand chose, mais c'est à la fois un film très étrange et peu conventionnel dans sa narration, et en même temps celui qui fait le plus de concessions aux goûts du public. Comme si Shyamalan avait perdu confiance en son imaginaire. Façon sans doute courageuse de ne pas se reposer sur ses lauriers, d'interroger son statut mais aussi les attentes de ses spectateurs. Mais ça devient du coup davantage un objet de réflexion qu'un divertissement, et les quelques moments qui tentent de faire surgir un émerveillement au premier degré sont trop vite dilués.



DOSSIER M. NIGHT SHYAMALAN :

15 septembre 2018

Le Cinéma de M.Night Shyamalan I. 1999-2002

The Sixth sense (Sixième sens), 1999 
Ses deux premiers long-métrages étant restés inédits chez nous, c'est donc avec The Sixth sense que M. Night Shyamalan fait en 1999 une entrée fracassante sur la scène (il cosigna également cette année-là le scénario de Stuart Little). Inattendu triomphe commercial, il s'agissait à la base d'une production modeste portée par une filiale de Disney, et donnant l'opportunité à Bruce Willis de revenir à un vrai rôle dramatique, bien éloigné des blockbusters héroïques dans lesquels il s'était dernièrement complu à jouer. Je n'oublierai jamais le traitement qu'en firent alors Les Cahiers du cinéma. Non content d'ignorer la révélation d'un cinéaste au talent si manifeste — forcément rendu suspect par son succès démesuré au box-office américain — ils en avaient relégué la critique dans la rubrique finale des sorties en vrac qui ne méritent pas un article trop poussé, avec cette conclusion lapidaire : « le premier film intello-chiant de l'année. » Évidemment, chacun a le droit d'avoir un avis mais c'était, je trouve, aller un peu vite en besogne.

Vingt ans après, je reste pour ma part toujours aussi admiratif et respectueux du pari que réussissait ici Shyamalan, auteur complet, de l'originalité de son approche des codes du fantastique, de la maîtrise de sa mise en scène, de la finesse de ses dialogues et de la justesse de ses choix de casting. En plus de la sobriété de jeu de Willis, le film révèle le jeune Haley Joel Osment et permet de retrouver Olivia Williams déjà appréciée dans le Rushmore de Wes Anderson. Mais au fil des révisions, c'est surtout la  magnifique présence de Toni Collette qui me semble mériter les éloges. Le cinéma fantastique a souvent aimé mettre au cœur de ses récits des figures enfantines, mais a trop souvent échoué à rendre touchant le lien parental (même dans The Exorcist, j'avoue que si je compatis à ce que vit Ellen Burstyn, je ne suis pas non plus vraiment ému). Ici, la relation entre la mère et l'enfant s'exprime de façon déchirante, et à chaque fois je fonds en larmes lors de leur dialogue final pris dans les embouteillages, démonstration magistrale de la sensibilité extrême dont fait preuve Shyamalan, extraordinairement attentif à ce que les ressorts fantastiques de son film ne prennent jamais le pas sur la justesse des personnages.

C'est du beau cinéma, qui réussi à la fois à terrifier et à émouvoir, loin de se résumer comme on l'a trop souvent fait à son twist, et à la capacité qu'aurait le spectateur à l'anticiper. Sur ce terrain-là, Shyamalan n'a rien inventé, c'est un procédé par exemple typique des épisodes de Twilight zone. Mais il fit un tel effet sur les spectateurs, qu'il est vrai qu'il inspira une mode dans pas mal de productions par la suite, avec plus ou moins d'opportunisme (The Others, Fight club).




Unbreakable (Incassable), 2000
Relecture réaliste de l'univers des superhéros de comics et drame familial à la fois, Unbreakable reste à mes yeux le chef-d'œuvre de son auteur. Sommet de l'économie de son langage cinématographique, avec ce goût pour des plans longs à l'implacable rigueur, refusant toute virtuosité technique ostentatoire. Au contraire tout est dans la suggestion, avec une quasi absence d'effets spéciaux, ce qui est une vrai gageure par rapport au sujet, et dans la continuité du Sixième sens. L'objectif étant de renforcer l'immersion du spectateur, le sentiment profond de réalisme. Ce qui passe également par une photographie relativement terne (signée Eduardo Serra), des décors peu engageants, des acteurs absolument pas glamourisés, et une interprétation qui refuse les excès mélodramatiques.

Traversée des envolées orchestrales de James Newton Howard, la bande sonore du film semble pour l'essentiel composée de chuchotements. Les personnages étouffent sous les non-dits, et le salut du protagoniste passera par le fait d'enfin regarder en face son destin. En plus de la fidélité à son compositeur, la cohérence de l'univers de Shymalan passe également par l'attachement qu'il exprime pour sa ville, Philadelphie (comme il y eut Pittsburgh pour George Romero, Baltimore pour Barry Levinson, Portland pour Gus Van Sant, ou New York pour Woody Allen).

Cette approche du fantastique, servant avant tout comme le révélateur d'une souffrance familiale, cette attention portée au regard de l'enfant, cette croyance dans l'existence du merveilleux, plus le côté wonderboy champion du box-office à 29 ans, tout cela a fait qu'à cette époque Shyamalan est apparu comme un nouveau Spielberg (qui récupérera d'ailleurs Osment pour son A.I.).





Signs (Signes), 2002
Signs joue sur la notion de Hasard (avec un grand H) selon lequel chaque chose en ce monde aurait un sens, même les évenements absurdes ou injustes. Notre existence d'humain faible et misérable trouve sa place sur le plan cosmique, chaque individu a un rôle à jouer. J'ai toujours été fasciné par les histoires de coïncidences — la musique du hasard, dixit Paul Auster  qu'on a tous l'occasion de vivre au quotidien. La grande force de Shyamalan, c'est qu'il installe ces thèmes-là au milieu d'un film de genre que sa caméra revisite, débordante d'idées.

L'édifice se fissure néanmoins. Le réalisateur perd de sa belle rigueur, donnant à voir en usant d'effets numériques, et perdant donc la force de la suggestion à laquelle il s'était si brillamment tenu jusque là. Alors qu'il est question de foi, paradoxalement dès lors qu'on voit, on ne peut plus douter, et on échappe à cette sensation de trouble qui rendait justement ses précédents films si passionnants.

Le final grandiloquent fera s'en étrangler certains. Je sais que les avis sont partagés, mais personnellement j'ai marché à fond, le film m'a ému et enthousiasmé. S'il m'a certainement moins plu par rapport à The Sixth Sense et à Unbreakable, c'est peut-être la faute à Mel Gibson, dont la palette de jeu me semble plus limitée, ou en tous cas que je trouve moins convaincant lorsqu'il faut jouer en sourdine. C'est un film quoi qu'il en soit qui mérite une seconde chance.


DOSSIER M.NIGHT SHYAMALAN :

12 septembre 2018

100 films, 100 réalisateurs

Cette liste n'est par nature que le reflet de mes goûts personnels à ce jour. On n'y trouvera pas forcément d'indisputables chefs-d'œuvres. Ce sont simplement des films qui demeurent en moi malgré les années, ceux dont je peux reconnaître d'éventuelles faiblesses dont je suis capable de passer outre, et qu'il me semblerait vain de chercher à défendre. C'est ce que je qualifie depuis longtemps de « films fétiches », ceux qui m'ont marqué et qui continuent malgré les années à m'accompagner. Ceux qui m'apportent le plus de plaisir et d'émotion, vers lesquels j'aime revenir, comme on aime retrouver un paysage familier.

Pour arriver à cent, le principe est d'écrémer. Mais ce n'est pas parce qu'un titre manque à l'appel qu'il n'est pas méritoire. Toute hiérarchie serait pareillement absurde, et je me contente donc d'un commode classement alphabétique. Enfin, quitte à être arbitraire en fixant une limite, j'ai choisi de ne citer qu'un seul film par réalisateur, afin de mettre par la même occasion en lumière le titre que je préfère au sein d'une filmographie, privilégiant mes chouchous à des films « objectivement » supérieurs. Les liens cliquables renvoient à la chronique que j'en ai faite...


25e heure, La (Verneuil, 1967)
2001 : l'odyssée de l'espace (Kubrick, 1968)

Abattoir 5 (Hill, 1972)
À bout de course (Lumet, 1988)
Affiche rouge, L' (Cassenti,1976)
Ailes du désir, Les (Wenders, 1987)
Amants du cercle polaire, Les (Medem, 1998)
Apprentis, Les (Salvadori, 1995)
Armée des douze singes, L' (Gilliam, 1995)

Bande à part (Godard, 1964)
Bandits à Milan (Lizzani, 1968)
Barabbas (Fleischer, 1962)
Barton Fink (Coen bros., 1991)
Batman, le défi (Burton, 1992)
Beau fixe sur New York (Donen & Kelly, 1955)
Before sunset (Linklater, 2005)
Bienvenue Mr Chance (Ashby, 1979)
Blade runner (Scott, 1982)
Bostella, La (Baer, 1999)
Boulevard du crepuscule (Wilder, 1950)

Casablanca (Curtiz, 1942)
Catch-22 (Nichols, 1970)
Chansons d'amour, Les (Honoré, 2007)
Chasseur blanc cœur noir (Eastwood, 1990)
Chaussons rouges, Les (Powell & Pressburger, 1948)
Citizen Kane (Welles, 1941)
Cinema Paradiso (Tornatore, 1989)
Convoi de la peur, Le / Sorcerer (Friedkin, 1977)
Crash (Cronenberg, 1996)
Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, Le (Greenaway, 1989)
Cyrano de Bergerac (Rappeneau, 1990)

Deuxième souffle, Le (Melville, 1966)
Dodes'kaden (Kurosawa, 1970)
Drame de la jalousie (Scola, 1970)
Drunken master II (Liu & Chan, 1994)

Empire du soleil (Spielberg, 1987)
Enfer du dimanche, L' (Stone, 1999)
En quatrième vitesse (Aldrich, 1955)
Eternal sunshine of the spotless mind (Gondry, 2004)
Étoffe des héros, L' (Kaufman, 1983)

Famille Tenenbaum, La (Anderson, 2001)

Géant (George Stevens, 1956)
Géant de fer, Le (Bird, 1999)
Gerry (Van Sant, 2002)

Hatari ! (Hawks, 1962)
Heat (Mann, 1995)

Il était une fois la révolution (Leone, 1971)
Impasse, L' (De Palma, 1993)
Incassable (Shyamalan, 2000)

Jackie Brown (Tarantino, 1997)
Jin-roh (Okiura, 1999)

Kids return (Kitano, 1996)
Killer, The (Woo, 1989)
King Kong (Schoedsack & Cooper, 1933)

Lawrence d'Arabie (Lean, 1962)
Locataires (Ki-Duk, 2004)
Lumières de la ville, Les (Chaplin, 1931)

Mad Max 2 (Miller, 1981)
Magnolia (Anderson, 1999)
Manhattan (Allen, 1979)
Man on the moon (Forman, 1999)
Mar adentro (Amenabar, 2004)
Mary Poppins (Stevenson, 1964)
Master and commander (Weir, 2003)
Mo' better blues (Lee, 1990)

Nosferatu (Murnau, 1922)
Nuit américaine, La (Truffaut, 1973)
Nuit du loup garou, La (Fisher, 1961)

Pain et chocolat (Brusati, 1973)
Panic sur florida beach (Dante, 1993)
Parrain 2, Le (Coppola, 1974)
Piège de cristal (McTiernan, 1988)
Porco Rosso (Miyazaki, 1992)
Proies, Les (Siegel, 1970)

Raisins de la colère, Les (Ford, 1940) 
Règle du jeu, La (Renoir, 1939)
Rocky (Avildsen, 1976)
Roi et l'oiseau, Le (Grimault, 1980)
Rois et reine (Desplechin, 2004)

Salaire de la peur, Le (Clouzot, 1953)
Scaramouche (Sidney, 1952)
Soldier of orange (Verhoeven, 1977)
Soleil trompeur (Mikhalkov, 1994)
Sueurs froides (Hitchcock, 1958)

Talentueux Mr Ripley, Le (Minghella, 1999)
Thing, The (Carpenter, 1982)
THX 1138 (Lucas, 1971)
Tokyo godfathers (Kon, 2003)
Touchez pas au grisbi (Becker, 1954)
Tout sur ma mère (Almodovar, 1999)

Une étoile est née (Cukor, 1954)

Victor/Victoria (Edwards, 1982)
Voyage au bout de l'enfer (Cimino, 1978)

West side story (Wise & Robbins, 1961)

Zombie (Romero, 1978)

1 septembre 2018

Le Cinéma musical de Brian De Palma V. 1990-1993

The Bonfire of the vanities (Le Bûcher des vanités), 1990
Dans la famille « les outsiders coups de cœur », voilà sans doute l'un des titres les moins considérés de la filmographie de De Palma, courageuse adaptation, inévitablement appauvrie, du monument de Tom Wolfe. L'auteur de L'Étoffe des héros y offrait une satire véritablement hénaurme et grinçante de la société newyorkaise de cette fin des années 80, miroir à peine déformant du politiquement correct renvoyant impitoyablement tout le monde dos à dosPorté à l'écran, ça donne un film que je trouve plutôt brillant dans sa première partie (et pas seulement son incroyable plan-séquence d'ouverture), contenant encore de beaux morceaux par la suite bien que se délitant un peu.

Le rythme y est particulièrement enlevé, avec un côté classique de la comédie hollywoodienne, et on sent que le réalisateur s'amuse autant que ses acteurs, gage d'un plaisir communicatif. Ne craignant déjà pas les rôles à contre-emploi, Tom Hanks me régale, personnage complétement dépassé par les événements (la scène où il pête les plombs lors de la party est complétement délirante). Melanie Griffith de son côté interprète une superbe gourde. Bref, on est dans du divertissement de haut vol, et ça reste qui plus est toujours filmé avec brio. Pour la musique, De Palma fait appel à Dave Grusin qui compose un thème plein d'élégance, forcément jazzy et teinté d'une discrète ironie :





Raising Caïn (L'Esprit de Caïn), 1992
Un film qui m'a toujours semblé mal-aimé, mais devant lequel je n'ai jamais boudé mon plaisir tant il enchaîne les morceaux de bravoure cinématographique. Alors oui, c'est à voir comme un pur exercice de style avec tout ce que cela comporte de gratuité (le plan séquence avec la psy, ainsi que le climax sur le parking du motel sont d'étonnants moments quasi abstraits). Je le place donc aux côtés de Body doublePulsions et Femme fatale, c'est-à-dire dans cette famille des films depalmiens portés par une très grande inventivité formelle mais dont le scénario est plein de trous.

Le réalisateur se serait inspiré du Voyeur de Powell pour écrire son scénario (les expériences du père sur son fils), ainsi que d'une histoire d'adultère qu'il a lui-même vécu (la femme mariée avec qui il couchait s'étant une fois endormie chez lui). Le film mettant en scène un monstre devient ainsi lui-même une sorte de monstruosité, avec un scénario et une construction particulièrement tordus. Le bouleversement de la chronologie aurait d'ailleurs beaucoup influencé Tarantino.

Si je me refuse également à me montrer trop sévère avec ce titre en particulier, c'est parce que je suis particulièrement reconnaissant au cinéaste d'avoir développé ce projet pour mettre à l'honneur le talent de John Lithgow. J'imagine que s'il l'a régulièrement fait tourner (ObsessionBlow out), c'est bien qu'il l'appréciait, et je ne crois pas que l'acteur ait eu tant d'opportunités pour être tête d'affiche à Hollywood, ayant quand même un physique particulier (et quand je pense à lui, c'est aussi sa magnifique prestation dans Le Monde selon Garp qui me vient en tête). C'est d'autant plus osé que De Palma est alors dans une période difficile, et après les cuisants échecs d'Outrages et surtout du Bûcher des vanités, il ne choisit toujours pas la facilité. Dans ses entretiens, le cinéaste comparait la réception de son film à L'Hérétique de Boorman« Boorman et moi avons le même problème avec le public, nos films sont tellement baroques, tellement stylisés, que les gens ont ri aux mauvais endroits. » Pour ce retour au thriller vénéneux, De Palma retrouve celui qui l'a si bien servi sur ce sujet, son vieux complice Pino Donaggio, avec lequel il n'avait plus collaboré depuis Body double (1984). Le résultat mérite d'être réévalué :





Carlito's way (L'impasse), 1993
Retour au chef-d'œuvre incontestable, après plusieurs films difficiles boudés par le public et la critique. Je me souviens qu'il fit la couverture de Positif, dont l'éloge m'avait particulièrement marqué. Scénario, photographie, mise en scène, interprétation, musique... De Palma semble ici touché par la grâce, accouchant d'une œuvre immense, superbe par son ton mélancolique et sa dimension tragique.

C'est un polar fiévreux, riche de péripéties et étonnamment crédible par son goût du détail, adaptation par David Koepp de plusieurs volumes mettant en scène le personnage de Carlito Brigante. C'est aussi une extraordinaire galerie de portraits, parfois pathétiques mais tous inoubliables : Luis Guzman, Sean Penn, Viggo Mortensen, John "Benny Blanco from the Bronx" Leguizamo. Du très grand art, et la nouvelle preuve que lorsque De Palma choisit un compositeur, ce dernier a des chances de livrer une de ses œuvres majeures. Ainsi ici avec le rare mais précieux Patrick Doyle, qui signe un chant funèbre et poignant qui exprime pleinement le destin tragique du protagoniste :