King of kings (Le Roi des rois), Nicholas Ray, 1961
La superproduction antique a été à partir du milieu des
années 50 une étape presque obligée pour un grand nombre de réalisateurs
hollywoodiens. Parmi les plus notables : De Mille (The Ten commandments), Hawks (Land of the Pharaohs), Wyler (Ben-Hur), Vidor (l'embarrassant Solomon
and Sheba), Aldrich (Sodom and Gomorrah), Mankiewicz (Cleopatra), Anthony Mann (l'intelligent
et somptueux The Fall of the roman empire), Kubrick (Spartacus), George
Stevens (The Greatest story ever told) ou encore Huston (The
Bible). Ce sont des œuvres mal aimées, déconsidérées souvent à raison par
rapport aux autres films de ces cinéastes, car jugées comme de grands barnums
forcément impersonnels.
Film peu connu, parce que vite mis dans le même panier, King of kings version 1961, c'est du Nicholas Ray en fin de carrière, à une époque où le cinéaste était plus que porté sur la bouteille. C'est un film de commande, qui se révèle avant tout très illustratif, n'ayant donc absolument pas pour ambition de proposer un semblant de réflexion sur les Évangiles. Certes. La raison pour laquelle j'en parle et le loue, c'est parce que c'est magnifiquement mis en scène. Le film ne trouve en effet pas son intérêt dans son récit mais bien dans sa forme. Pas un plan, pas un enchaînement qui ne soit surprenant, riche d'inventivité, rendant vraiment le visionnage d'autant plus jubilatoire qu'on n'en attendait pas tant. Ray ne s'est clairement pas endormi pendant le tournage, et l'on retrouve par moment la patte sophistiquée du metteur en scène de Rebel without a cause. Orson Welles assure la narration en voix-off, tandis que dans le rôle-titre, les yeux bleus de Jeffrey Hunter incarnent ce qu'il faut de magnétisme. Mais c'est surtout Robert Ryan qui en impose en Jean le baptiste. L'acteur donne l'impression d'être fait d'un seul bloc, prêt à assumer son destin jusqu'au bout. Il ne faut vraiment pas rater l'occasion de découvrir ce film méconnu qui propose donc un spectacle visuellement époustouflant... avant d'enchaîner avec son pendant satirique, le génial Monty Python's life of Brian.
Film peu connu, parce que vite mis dans le même panier, King of kings version 1961, c'est du Nicholas Ray en fin de carrière, à une époque où le cinéaste était plus que porté sur la bouteille. C'est un film de commande, qui se révèle avant tout très illustratif, n'ayant donc absolument pas pour ambition de proposer un semblant de réflexion sur les Évangiles. Certes. La raison pour laquelle j'en parle et le loue, c'est parce que c'est magnifiquement mis en scène. Le film ne trouve en effet pas son intérêt dans son récit mais bien dans sa forme. Pas un plan, pas un enchaînement qui ne soit surprenant, riche d'inventivité, rendant vraiment le visionnage d'autant plus jubilatoire qu'on n'en attendait pas tant. Ray ne s'est clairement pas endormi pendant le tournage, et l'on retrouve par moment la patte sophistiquée du metteur en scène de Rebel without a cause. Orson Welles assure la narration en voix-off, tandis que dans le rôle-titre, les yeux bleus de Jeffrey Hunter incarnent ce qu'il faut de magnétisme. Mais c'est surtout Robert Ryan qui en impose en Jean le baptiste. L'acteur donne l'impression d'être fait d'un seul bloc, prêt à assumer son destin jusqu'au bout. Il ne faut vraiment pas rater l'occasion de découvrir ce film méconnu qui propose donc un spectacle visuellement époustouflant... avant d'enchaîner avec son pendant satirique, le génial Monty Python's life of Brian.
Barabbas, Richard Fleischer, 1961
Une superproduction chapeautée
par De Laurentiis, le mogul italien que Fleischer retrouvera
en fin de carrière pour ses adaptations rigolotes des romans de Robert
E. Howard. J'ai écrit plus haut que s'il semblait pourtant idéalement
s'y prêter, le genre du peplum n'a pas vraiment donné de films réussis sur le
sujet religieux, préférant privilégier le folklore et le spectaculaire, plutôt
que de traiter dignement la représentation et le sens des mythes, ou de poser
la question de la croyance. Adaptant le roman du Suédois Pär Lagerkvist,
prix Nobel de littérature, le film de Fleischer procède un peu comme le Ben-Hur de Lewis
Wallace : il s'agit en effet dans les deux cas d'aborder la figure et
le message du Christ via un personnage secondaire, en marge des textes
canoniques. Là, le prince déchu Ben-Hur, ici le bandit Barabbas, être fruste
grâcié par la foule et qui va lutter pendant des années pour donner un sens à
ce nouveau destin.
La force du film s'impose au
spectateur dès les premières images, qui projettent sur l'écran les moments
forts de la Passion du Christ. Clair-obscur impressionnant et maîtrise
admirable d'un format cinemascope exploité dans toutes ses possibilités.
Et c'est peu de dire que le film prend une toute autre dimension si on a
la chance de le voir sur grand écran. Fleischer définissait ce film comme
une superproduction intimiste, et le résultat est en effet aussi spectaculaire
qu'intelligent. Des mines de souffre, aux arènes de gladiateur, des bas-fonds
de Jerusalem à l'émergence d'une lumière intérieure, la trajectoire du
protagoniste propose un voyage d'une très grande richesse. Le film
est vraiment une des plus belles réussites du genre selon moi — et sur
tous les plans (interprétation, scénario, photo, musique, réalisation). Et
dans le rôle-titre, Anthony Quinn est tout
simplement prodigieux, trouvant certainement là un de ses rôles les plus
intéressants.
Il Vangelo secondo Matteo
(L'Évangile selon Saint-Matthieu), Pier Paolo Pasolini, 1964
Des visages, des figures... Soucieux
de vérité et de retour aux sources, Pasolini refuse ici toute
fabrication dramaturgique. Il donne corps au texte, rien qu'au texte et on a
ainsi l'impression comme jamais auparavant que la parole du Christ nous est
donnée dans toute sa force. L'Évangile de Saint-Matthieu procédant par
épisodes, Pasolini respecte cette construction lacunaire et ne craint pas les
ellipses brutales, au risque parfois de faire décrocher le spectateur devant
l'avalanche des paraboles. Mais comme cette vision qui nous est proposée est
inédite, on reste fasciné et, malgré tout, la voix et les idées du prophète
nous pénètrent.
Portée par la seule présence des
acteurs, la force du film nait également de cette rigueur esthétique qu'impose
le cinéaste. L'inscription des personnages dans la Nature et la lumière en
devient alors souvent envoûtante. Le noir et blanc violemment contrasté de Tonino
Delli Colli est absolument magnifique, et même si on peut trouver
que Pasolini en abuse un peu à force de répétitions, les musiques
choisies (Bach, Mozart, du gospel) créent de beaux moments,
l'émotion parvenant finalement à surgir lorsque le Christ arrive au bout de son
chemin et entre dans la douleur.
The Last temptation of Christ (La
Dernière tentation du Christ), Martin Scorsese, 1988
Au-delà de ses audaces discutables —
la scène des baptêmes de Jean-Baptiste est un peu trop rock n'roll —
il s'agit pour moi d'un des films les plus justes et intelligents jamais
réalisés sur les origines du christianisme, l'approche la plus
convaincante de ses mystères et de son message originel, un évangile qui me
parle vraiment, un choc dont je ne me suis jamais remis (sans remettre en cause
mon athéïsme, je précise). Formidablement secondé par le scénario de Paul
Schrader, Scorsese nous fait assister à la naissance d'une morale
moderne qui a pour but de libérer l'homme en lui révélant l'amour de son
prochain. On constatera ensuite l'évolution douteuse de cette morale, et
comment bien vite elle est détournée puis confisquée pour devenir dogme et
mystique.
Je trouve les partis-pris du
scénariste et de son réalisateur passionnants, avec cette volonté de demeurer à
hauteur d'homme, quand bien même il s'agirait de cet Homme-là (ecce homo).
Scorsese n'élude pas les tourments qu'il aurait pu éventuellement connaître, sa
conscience de se sentir réellement possédé, sa peur d'un destin de souffrance,
l'horreur de soi-même. Autant de thèmes abordés avec une justesse et une poésie
confondantes. Riche de réflexions, le film est aussi un spectacle fascinant,
avec ce qu'il faut d'éléments romanesques et de tension. On sent qu'il a été
tourné difficilement et avec peu de moyens, mais cette sobriété sert
parfaitement son propos. Le score supervisé par Peter Gabriel
s'associe avec grâce à la mise en scène de Scorsese qu'on sent viscéralement
habité par son sujet, alternant entre moments de rage et de contemplation.
Et Willem Dafoe, Harvey Keitel et Barbara
Hershey en particulier livrent une interprétation absolument sublime.
Bref, j'idolâtre ce film.
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