6 décembre 2018

Le Cinéma musical de Brian De Palma VIII. 2002-2006

Femme fatale, 2002
Bizarrement, c'est lorsqu'il a enfin les mains libres, affranchi de l'écrasante tutelle des studios, que De Palma peine à convaincre. À l'époque de sa sortie, il était de bon ton de se gausser de cette production franco-suisse, qu'on pouvait sans trop d'hésitation mettre dans le panier des films ratés du cinéaste. Si je persiste aujourd'hui à le considérer comme une œuvre dispensable, force m'est de reconnaître qu'au vu des titres qui ont suivi, ce Femme fatale apparaîtrait presque comme une réussite. De Palma y est certes en totale roue libre, absolument pas gêné par la foule d'incohérences d'un scénario qu'il signe seul. Il cède à nouveau à la tendance mauvais goût qui donnait son cachet à ses Pulsions et autres Body doubleMême l'interprétation est déficiente. Et pourtant, malgré ses aberrations, le spectacle vaut le coup d'œil.

Preuve d'un inexplicable charme, c'est un film que je me plais à revoir, qui procure une jubilation certes totalement inconséquente mais néanmoins efficace. Le plaisir pris repose autant sur le caractère ludique d'une mise en scène qui ose tout, que sur la plastique de Rebecca Romijn-Stamos, qui tient complètement le film sur ses épaules (ça restera d'ailleurs son seul rôle en tête d'affiche). Visuellement Femme fatale souffle le chaud et le froid. La photographie de Thierry Arbogast s'applique à révéler le caractère fantastique de Paris, et tout le film invite à être considéré comme un rêve éveillé, mieux un délire où règne le sentiment du déjà vu. Toutes proportions gardées, c'est un peu le Lost Highway de De Palma. Pour la bande son, le cinéaste prolonge après Snake eyes son heureuse association avec Ryuichi Sakamoto. Le compositeur japonais signe une élégante partition sous le signe des influences conjuguées de Ravel et Satie :





The Black dahlia (Le Dahlia noir), 2006
En apparence, The Black dahlia se présente comme un gros polar en costume, avec reconstitution fastueuse des rues de Los Angeles et des villas hollywoodiennes de la fin des années 40. La photographie du grand Vilmos Zsigmond est du meilleur tonneau. De Palma s'efforce de capturer au mieux l'atmosphère poisseuse du roman de James Ellroy et de peindre fidèlement le triangle amoureux qui en est le cœur. Par son cadre comme son intrigue, le film pourrait raisonnablement prétendre s'inscrire dans la filiation d'un Chinatown ou d'un L.A. Confidential.

Mais le résultat est désespérément plat, malgré la participation d'acteurs brillants (Aaron Eckhart, Hilary Swank et Scarlett Johansson). Le roman parvenait à captiver par la richesse de son étude de caractères, quitte à nous détourner de l'enquête proprement dite. Ici, durée de long-métrage oblige, dès que De Palma se voit contraint de revenir à l'élucidation du mystère, ça devient lourd. En étant indulgent, on retiendra cette scène de mort très stylisée dans un escalier, seul moment où l'intérêt du spectateur s'éveille un tant soit peu et qui renvoie aux belles heures de De Palma (d'autant plus qu'on y retrouve le vieil ami William Finley). Belles heures qui semblent de plus en plus lointaines. Pour la musique du film, le réalisateur fait pour la première fois appel à Mark Isham, et le compositeur-trompettiste se montre ici parfaitement à l'aise dans le registre du film noir. Il livre un très beau score qui va au-delà de la simple et attendue inspiration jazz cool, apportant une classe bienvenue à un film vraiment peu attachant :


Aucun commentaire: