19 octobre 2018

Le Cinéma musical de Brian De Palma VII : Mission to Mars, 2000

Mission to Mars, 2000
Encore un titre avec « Mission » dedans, pour un film de commande que De Palma parvient tant bien que mal à s'approprier, glissant quelques-unes des figures de style qui lui sont chères. Avec pas moins de 4 scénaristes crédités, la production fut cependant laborieuse, expédiée sur la fin par le studio malgré la grosse exigence en terme d'effets spéciaux à finaliser. Présenté hors compétition à Cannes, Mission to Mars sort sur les écrans sans grand soulèvement d'enthousiasme, alors que voir De Palma s'atteler à un genre inédit pour lui avait de quoi exciter les curiosités.

Lors de ma découverte en salle, j'avais été emballé par le plan séquence d'ouverture (qui démarre d'emblée sur une image-leurre), impressionné par la spectaculaire scène du vortex, et je me régalais de la beauté des images et la fluidité d'une caméra en apesanteur. En d'autres termes, il y a bien un réalisateur à la barre, et le film bénéficie tout du long d'une excellente tenue visuelleAvec un vrai souci de crédibilité, la direction artistique s'est appuyée sur les dernières recherches de la NASA en matière d'exploration martienne, plus que jamais d'actualité depuis la mission Pathfinder de 1996. Malgré le rush de la post-production, les effets visuels sont magnifiques et toujours remarquablement intégrés à la mise en scène, avec le même type de rendu qu'on retrouvera dans Space cowboys sorti la même année. Toutes les séquences de suspense dans l'espace sont d'une tension remarquable, et l'histoire d'amitié entre les différents astronautes est rendu de façon à la fois pudique et convaincante. J'aime l'intégralité du casting, y compris les seconds rôles, avec le sympathique Jerry O'Connell et le toujours impeccable Don CheadleMon enthousiasme commençait cependant un peu à retomber à partir du moment où la seconde mission posait enfin le pied sur la planète rouge. Je ne me focalisais plus que sur l'intrigue elle-même, au détriment de ce qui animait les personnages, le suspense du sauvetage reposant alors sur des ressorts déjà plus conventionnels. 

Par la suite, lorsque j'évoquais le film, je le considérais donc comme à moitié réussi. S'il me fascine désormais, et même me bouleverse, c'est parce que j'ai fini par saisir son véritable propos. Par son esthétique qui renvoie clairement au 2001 de Kubrick, le film prétendrait s'inscrire dans la veine philosophique de la science-fiction. Le voyage spatial se transforme certes en quête des origines de l'humanité, même si la réponse est apportée par une peu heureuse projection de planétarium. Mais c'est une fausse piste, l'essentiel n'est pas vraiment là. La clé du film invite en effet à redescendre à hauteur d'homme, s'adressant au cœur bien plus qu'au cerveau. 



Tout est déjà contenu dans ce raccord qui nous montre la toute première vue sur Mars, passant de l'empreinte tracée par Gary Sinise dans le bac à sable à une vue en plongée sur le robot progressant dans l'étendue martienne. Cet enchaînement conclue la scène où Sinise se confie à son ami autour de l'aire de jeu. S'appuyant littéralement sur le terreau de l'enfance, le véritable cœur du film, c'est le parcours de ce personnage, accomplissant une vocation remontant à loin. L'appel des étoiles a donné un sens à sa vie, et occasion va lui être donnée de se reconnecter à ce passé perduUne fois cette dimension repérée et intégrée, le film peut alors apparaître dans toute ses beautés, et le revoir sous cet angle l'enrichit grandement, révélant le soin avec lequel le scénario a été écrit et construitLe propos peut paraître naïf : de l'aventure humaine, on revient à un destin individuel, et c'est sans doute ce qui a déçu la public et la critique, qui espérait un message d'une plus large ampleur. Cette capacité à s'émerveiller, encore et toujours, à grandir sans tourner le dos aux rêves et aux désirs de l'enfance, sont pour moi des thèmes précieux, qui me touchent beaucoup.

Et quel bonheur de voir Morricone remettre sa baguette au service de De Palma, après la franche réussite que fut leur collaboration sur Les Incorruptibles et Outrages. Le climax avec le montage de souvenirs de Sinise, porté par la musique véritablement splendide du compositeur atteint de nouveaux sommets d'émotion. C'est une partition symphonique qui n'est classique qu'en apparence, avec de discrets ajouts d'instruments électriques et électroniques, distillant une mélancolie qui fait de ce Mission to Mars un film sensible et humble, loin des blockbusters à effets spéciaux qui ne visent qu'à un divertissement décérébré et aussitôt oublié. Pour moi, Mission to Mars est bien plus qu'un De Palma mineur (à l'aune de ce qui a suivi, c'est même son dernier vrai bon film). Il a une âme, une sensibilité — un cœur. Après il ne s'agit pas de convaincre qui que ce soit, et j'ai appris à me sentir un peu seul lorsqu'il s'agit de défendre ce film. Il mérite néanmoins une reconnaissance, et j'espère vraiment que ceux qui sont passé à côté finiront par le revoir cette fois avec la bonne clé, trouveront la bonne porte pour accéder à son mystère :



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