Après le prodigieux succès du Parrain (1972), Coppola fait feu de tous bois, produisant, écrivant et réalisant ce projet sans concessions, qu'elles soient artistiques ou commerciales, qui obtiendra tout de même la Palme d'or au Festival de Cannes cette année-là. Discrètement soutenu par la musique épurée de David Shire, The Conversation est un film d'espionnage froid et déprimant, comme le sont les meilleurs (L'Espion qui venait du froid, La Lettre du Kremlin). Il se propose comme un jeu de pistes volontairement hermétique (comme nous l'est son protagoniste) dans son déroulement, mais passionnant, aussi bien formellement que dans son interprétation.
Coppola plonge le genre dans la sauce du Nouvel Hollywood, fait d'errance et de personnages en rupture, et nous invite à marcher dans les traces d'un impressionnant Gene Hackman, et à s'abandonner progressivement avec lui à la paranoïa. Cette façon d'aller faire surgir d'indices sonores l'idée d'un complot inspirera certainement De Palma pour son Blow out, qui lui même payait son tribut au séminal Blow up d'Antonioni. J'avoue ne l’avoir vu qu’une fois et en VF, or il me semble que le doublage dénature pas mal le sens des mots recueillis par Hackman lors de son écoute du parc, qui contiennent la clé de l'intrigue. Quand bien même l'intérêt du film repose moins sur l'élucidation de l'énigme que sur ses mécanismes, c'est d'autant plus impardonnable lorsqu'on sait que le montage est l'œuvre du perfectionniste Walter Murch. Un bijou.
Coppola plonge le genre dans la sauce du Nouvel Hollywood, fait d'errance et de personnages en rupture, et nous invite à marcher dans les traces d'un impressionnant Gene Hackman, et à s'abandonner progressivement avec lui à la paranoïa. Cette façon d'aller faire surgir d'indices sonores l'idée d'un complot inspirera certainement De Palma pour son Blow out, qui lui même payait son tribut au séminal Blow up d'Antonioni. J'avoue ne l’avoir vu qu’une fois et en VF, or il me semble que le doublage dénature pas mal le sens des mots recueillis par Hackman lors de son écoute du parc, qui contiennent la clé de l'intrigue. Quand bien même l'intérêt du film repose moins sur l'élucidation de l'énigme que sur ses mécanismes, c'est d'autant plus impardonnable lorsqu'on sait que le montage est l'œuvre du perfectionniste Walter Murch. Un bijou.
The Godfather part II (Le Parrain deuxième partie), 1974
La figure du yoyo est décidément celle qui figure la mieux la carrière du cinéaste. Après l'échec du précédent film, Coppola retrouve le goût du triomphe avec cet indisputable chef-d'œuvre, magistralement mis en scène, qui défie tous les superlatifs. Une vraie leçon exécutée par un maître de 35 ans qui ne semble jamais dépassé par l'ampleur d'une production qui multiplie personnages, époques et lieux de tournage, mais aussi atmosphères. La photographie de Gordon Willis surpasse encore les prodiges du premier volet. Le score de Nino Rota est renversant de beauté.
Adoptant plus que jamais le ton funèbre et poignant de la tragédie, exploitant tous les recoins de l'œuvre de Mario Puzo, le scénario avec sa construction en flashback conçue comme une immense boucle est un modèle d'écriture, captivant du début à la fin. J’adore la façon dont on ressent au long de la saga le poids de la culpabilité, du remords et de la fatalité qui entraîne la famille Corleone sur la voie du sang. C'est une fresque époustouflante qui ne devrait pas intimider par sa longueur, et que je placerais devant les autres épisodes seulement parce que j’aime beaucoup tout ce qui y concerne John Cazale, acteur dont la trop courte carrière rend précieuse chacune de ses apparitions. On savoure également la présence de Lee Strasberg, évoluant avec Pacino son élève de l'Actor's studio. Et on sourira aussi du petit rôle donné à Roger Corman, histoire de solder les comptes avec celui qui lança la carrière de Coppola.
Adoptant plus que jamais le ton funèbre et poignant de la tragédie, exploitant tous les recoins de l'œuvre de Mario Puzo, le scénario avec sa construction en flashback conçue comme une immense boucle est un modèle d'écriture, captivant du début à la fin. J’adore la façon dont on ressent au long de la saga le poids de la culpabilité, du remords et de la fatalité qui entraîne la famille Corleone sur la voie du sang. C'est une fresque époustouflante qui ne devrait pas intimider par sa longueur, et que je placerais devant les autres épisodes seulement parce que j’aime beaucoup tout ce qui y concerne John Cazale, acteur dont la trop courte carrière rend précieuse chacune de ses apparitions. On savoure également la présence de Lee Strasberg, évoluant avec Pacino son élève de l'Actor's studio. Et on sourira aussi du petit rôle donné à Roger Corman, histoire de solder les comptes avec celui qui lança la carrière de Coppola.
En 1977, pour contribuer au difficile financement d'Apocalypse now, Coppola remontera pour la NBC les deux premiers volets du Parrain en incluant des scènes inédites et en replaçant l'intégralité des séquences dans l'ordre chronologique. Cette mini-série se verra augmentée après la sortie du troisième film, et diffusée sous le titre The Godfather trilogy : 1901-1980, aboutissant à un métrage d'une dizaine d'heures.
Apocalypse now, 1979
Une œuvre fondamentale de ma cinéphilie. Un poème épique et halluciné dont j'oublie vite les folles conditions de tournage pour me laisser emporter par son rythme sinueux et me perdre dans sa jungle et sa fièvre. L’ouverture du film m’avait tout simplement terrassé lors de ma première vision. Harmonie miraculeuse de l'image et du son (Walter Murch aux commandes), Martin Sheen faisant littéralement corps avec son personnage, Marlon Brando sculpté par la lumière de Vittorio Storaro, et présence tellement logique de l'easy rider Dennis Hopper, fondateur malgré lui d'un Nouvel Hollywood arrivé ici au bout de sa route.
On peut se laisser emporter par l'étrange folie des images, mais percevoir aussi de vision en vision les interrogations soulevées par le film. Le Vietnam est transfiguré en champ de bataille où l'homme a fini par se hisser au rang de Dieu. Coppola réussissait là quelque chose de rare, poussant jusqu'à l'excès sa volonté de maîtrise et des tournages sans limites. Deuxième Palme d'or en une décennie pour le cinéaste qui verra cependant cette même année 1979 ses collègues Spielberg et Cimino fracasser leur propres rêves de mégalomanes (le premier avec 1941, le second avec Heaven's gate).
Selon mon humeur, je n'ai pas d'hésitation à opter parfois pour la version dite "redux", proposée par Coppola en 2000. Absente du montage de 1979, la scène de la plantation française est sans doute trop longue, imposant aux 3/4 du récit un retour à un rythme narratif plus conventionnel avant le basculement final dans l'hallucination. Mais je continue à la trouver intéressante sur le fond comme sur la forme. C'est une sorte de purgatoire, un monde de fantômes encore accrochés à leurs fantasmes, le dernier cercle à traverser avant d'atteindre l'apocalypse.
On peut se laisser emporter par l'étrange folie des images, mais percevoir aussi de vision en vision les interrogations soulevées par le film. Le Vietnam est transfiguré en champ de bataille où l'homme a fini par se hisser au rang de Dieu. Coppola réussissait là quelque chose de rare, poussant jusqu'à l'excès sa volonté de maîtrise et des tournages sans limites. Deuxième Palme d'or en une décennie pour le cinéaste qui verra cependant cette même année 1979 ses collègues Spielberg et Cimino fracasser leur propres rêves de mégalomanes (le premier avec 1941, le second avec Heaven's gate).
Selon mon humeur, je n'ai pas d'hésitation à opter parfois pour la version dite "redux", proposée par Coppola en 2000. Absente du montage de 1979, la scène de la plantation française est sans doute trop longue, imposant aux 3/4 du récit un retour à un rythme narratif plus conventionnel avant le basculement final dans l'hallucination. Mais je continue à la trouver intéressante sur le fond comme sur la forme. C'est une sorte de purgatoire, un monde de fantômes encore accrochés à leurs fantasmes, le dernier cercle à traverser avant d'atteindre l'apocalypse.
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