Apothéose du musical selon la Freed unit chez MGM. Un de mes films fétiches pour lequel je serais bien tenté d'employer une formule aussi définitive que stupide (ce qui me ressemble si peu) : la plus belle comédie musicale de tous les temps (découper selon les pointillés) ! Souvenir d'une projection en plein air sur la pelouse de La Villette. Avant que le film commence, on avait eu le temps de pique-niquer... sous la pluie, en se demandant combien de temps on allait tenir avant de remballer. Et puis (miraculeusement ?), la pluie cessa quelques minutes avant la projection. Nous étions trempés mais heureux. Le public, incroyablement réceptif, applaudissait à chaque fin de numéro de danse, emporté par l'enthousiasme communicatif de Gene Kelly, Donald O'Connor et Debbie Reynolds. À la fin du film, tout le monde chantonnait You are my lucky star, Good morning ou Singin'in the rain, en rassemblant ses affaires, le sourire aux lèvres, exécutant des pas de danse jusqu'à la sortie !
Quel que soit le nombre de visionnage, le film reste toujours aussi étonnant par certaines audaces de mise en scène, ses cascades, son délire contrôlé, le côté documentaire sur le passage d'Hollywood au parlant, prétexte à de nombreux gags et pastiches, le génial cabotinage de Jean Hagen, le charme fou de Reynolds, la magie d'O'Connor, et le sourire de Kelly (bien placé dans mon panthéon personnel). Intemporel.
Seven brides for seven brothers (Les Sept femmes de Barberousse), 1954
Sur un scénario trèèèès léger et franchement peu moderniste sur la place dévolue à la femme (épouse et ménagère), Donen concocte un spectacle qui déborde de bonne humeur et d'énergie. Le réalisateur accorde un soin maniaque à sa mise en scène, exploitant le format large avec une vraie intelligence dès lors que les scènes se déroulent à l'extérieur dans cette campagne de studio.
Les comédiens (Howard Keel, Jane Powell, Russ Tamblyn) jouent avec générosité, incarnant des personnages aussi caricaturaux qu'amusants. Ce qui emporte le morceau, ce qui lui permet d'acquérir cette dimension ébouriffante et irrésistible, ce sont bel et bien les extraordinaires chorégraphies du génial Michael Kidd, follement acrobatiques où les corps des danseurs semblent traités comme autant d'accessoires.
It's always fair weather (Beau fixe sur New York), coreal. Gene Kelly, 1955
Ultime association du duo qui fit souffler un vent nouveau sur le musical hollywoodien avec On the town. Un film éblouissant, tourné en Cinemascope, et c'est peu de dire qu'il s'affirme dans toute sa dimension lorsqu'il est projeté sur grand écran. Signé Betty Comden et Adolph Green, les auteurs d'On the town — le titre français suggère clairement une passerelle avec ce dernier — Singin' in the rain et The Band wagon, le film propose un récit aux détours surprenants. Derrière le pur entertainment des scènes de danse rafraîchissantes et de comédie débridée, It's always fair weather est aussi une très belle histoire d'amitié, qui sait distiller quand il le faut une certaine gravité. Les retrouvailles de ces trois anciens camarades de régiment, 10 ans après, tournent au désastre, et la scène du restaurant chicos où on entend les pensées de chacun est pleine d'amertume. On y évoque les désillusions de l'existence lorsqu'on prend conscience qu'on est bien loin de ses rêves de jeunesse. Le film est également une mise en boîte aussi méchante que jubilatoire de la télévision. Satire d'autant plus inspirée qu'elle prend ici pour cible une émission de télé-réalité (déjà !) qui se propose de filmer en direct, sans les avoir prévenus, la réunion des copains, le tout au bénéfice d'une marque de savon.
Donen fait des merveilles avec sa caméra, incroyablement mouvante. Une séquence est particulièrement bluffante, qui nous montre les trois amis danser simultanément mais chacun dans un endroit différent, grâce au split-screen. Effet réutilisé à plusieurs moments, souvent avec beaucoup de drôlerie. Les orchestrations sont riches et les chorégraphies de Michael Kidd pleines d'humour. Le saccage complètement burlesque de la party guindée par l'excellent Dan Dailey où il se lance dans une série d'imitations en bousillant tout sur son passage est un grand moment, de même que le numéro à la Marilyn de Dolores Gray. Cyd Charisse est comme toujours sublime, et lors de son incroyable scène de danse dans le gymnase on pouvait sentir un frisson parcourir la salle tellement chacun de ses mouvements respirait la grâce. Pour ce mélange au sommet entre profondeur scénaristique et génie de la mise en scène, je considère ce film comme un chef-d'œuvre.
Kiss them for me (Embrasse-la pour moi / Une sacrée blonde), 1957
Affiche prometteuse pour ce film relativement méconnu. L'action se situe en 1944, trois héros de guerre profitent d'une permission de 4 jours pour foncer faire la nouba à San Francisco. Au programme, party dans la suite d'un grand hôtel, descente dans des clubs de jazz, et courir les filles (Jayne Mansfield gloussante et ondulante, mise à l'honneur par le titre français, et la très belle rousse Suzy Parker). Le service des relations publiques de la Navy ainsi que plusieurs industriels s'efforceront en vain de profiter de la renommée grandissante des gars.
Le scénario est signé Julius Epstein (Casablanca), d'après une pièce de théâtre et un roman. J'avoue que le début du film m'avait moyennement enthousiasmé. La mise en scène de Donen, en scope couleurs me semblait un peu figée. Et puis, progressivement, le vernis de la comédie se craquelle. On se rend compte que la soif de délire des trois soldats cache en fait le besoin de s'abstraire des horreurs vécues sur le front. La rencontre au milieu du récit avec l'un de leurs compagnons, invalide et condamné, fait son petit effet. J'ai trouvé ça assez audacieux de balancer ainsi dans une comédie typiquement hollywoodienne un commentaire aussi sec sur les réalités de la guerre. L'amitié entre les trois soldats est touchante, la romance entre Cary Grant et Suzy Parker vraiment réussie, et pas mal de répliques font mouche. Bref, une excellente surprise, un film attachant.
Two for the road (Voyage à deux), 1967
Voilà typiquement le genre de film dans lequel je marche à fond. Cette chronique d'une passion, tantôt drôle par sa légéreté, tantôt impitoyable de trivialité, m'a touché au plus haut point. C'est un vrai film adulte, qui aborde la relation de couple dans toute sa douloureuse et belle complexité, forçant à l'occasion le trait pour renforcer précisément les sentiments (l'impayable famille de vacanciers avec la gamine tête à claque). Quelle merveilleuse idée de représenter les allers-retours dans les différentes époques par des passages de relais entre les voitures, sur la même route, dans la campagne française. On retrouve les mêmes étapes mais vécues de façon différente, avec une science du montage pas loin de m'évoquer ce que faisait à la même époque Alain Resnais. C'est d'une inventivité constante, et ça n'empêche jamais les personnage d'exister au contraire.
Les dialogues, brillants, ne sonnent jamais faux ou sursignifiants. C'est fluide, et l'interprétation absolument magistrale de Finney et Hepburn rend plus que vivants les personnages qu'ils incarnent. Alors qu'on n'a passé qu'un peu plus d'une heure et demi avec lui, on finit par avoir l'impression de connaître ce couple de façon incroyablement intime, d'avoir véritablement partagé leur existence, sans jamais être tenté de les juger, conscient du miroir qu'ils peuvent aussi renvoyer de nous-même. Et puis bon sang, le somptueux thème de Mancini qui apporte tout de suite une mélancolie, un goût doux-amer. Et puis le générique de Maurice Binder étonnant de modernité. Un bijou, une merveille, qui hantera durablement le spectateur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire