Aaah... les yeux de Debra Winger, ces paysages du Maroc magnifiés par la photo de Vittorio Storaro, ses images au charme étrange, et ces dialogues à la poésie déchirante. Aaah... le thème somptueux et poignant de Ryuichi Sakamoto, dans un style très proche de ce qu'on entendra sur Little Buddha du même Bertolucci ou sur le Snake eyes de Brian De Palma. Par son rythme faussement indolent, c'est un film qui transporte et impose son caractère de fascination très vite. Un fabuleux voyage sur le couple et le désœuvrement, où l'être se détache progressivement de sa condition antérieure et accepte de se perdre dans le mystère de l'inconnu, ici le désert et ses habitants. Un film-songe qui invite à s'abandonner comme le font ses personnages à cette espèce de force mystique, et que je suis pas loin de trouver parfait dans le genre.
Si les thèmes abordés par le film sont aussi puissants, ils le doivent évidemment au roman éponyme de Paul Bowles, ici très intelligemment transposé. Je ne peux qu'en recommander la lecture tant je considère ce texte comme un véritable chef-d'œuvre. Une œuvre étrange et chargée de mysticisme, qui fut pour moi une lecture très marquante. De Bowles, j'adore aussi ses nouvelles réunies dans le recueil intitulé Le Scorpion, contes à la poésie assez cruelle prenant place dans différents endroits de la planète.
Little buddha, 1993
Bertolucci conclut sa trilogie world entamée avec l'impeccable The Last Emperor en 1987. Il reviendra ensuite à l'Italie de sa jeunesse et à des films beaucoup plus intimistes (Beauté volée, Innocents). Dédié à Francis Bouygues, Little Buddah sera également la dernière production de CiBy2000, studio qui a marqué le cinéma d'auteur des 90's, permettant à Almodovar, Lynch, ou Kusturica de tourner leurs meilleurs films. Avant que Scorsese (Kundun) ou Jean-Jacques Annaud (Sept ans au Tibet) s'y intéressent à leur tour, Bertolucci voyait dans ce film l'occasion d'amener le public occidental à la rencontre de la spiritualité bouddhiste. Au premier visionnage, on reste sur l'impression d'un récit se déroulant sans trop de surprise, histoire limpide et évidente reposant sur une opposition facile entre d'une part le monde désincarné et matérialiste de l'Occident (photo glacée), et d'autre part la chaleur humaine et le sens des valeurs des moines tibétains.
Les acteurs américains (Bridget Fonda et Chris Isaak) se montrent cependant au diapason, et font passer ce qu'il faut de subtilité dans le regard porté à cette culture étrangère. À la revoyure, je dois avouer avoir cédé à l'envoûtement, et pas seulement lorsque le réalisateur raconte la vie de Siddhartha, incarné par un inattendu Keanu Reeves. Là, bien sûr c'est un ravissement visuel, entre le luxe des décors, la flamboyance des couleurs, et des effets visuels qui convient tout l'art de l'illusion cinématographique (maquillages, animatronics, effets optiques). Soit toute une esthétique volontairement artificielle qui assume la dimension livre d'images que souhaite partager Bertolucci avec ses spectateurs. Et là encore, lorsqu'intervient la musique sublime de Sakamoto, c'est l'extase, et je reste même sur le souvenir d'un final fort émouvant.
Les acteurs américains (Bridget Fonda et Chris Isaak) se montrent cependant au diapason, et font passer ce qu'il faut de subtilité dans le regard porté à cette culture étrangère. À la revoyure, je dois avouer avoir cédé à l'envoûtement, et pas seulement lorsque le réalisateur raconte la vie de Siddhartha, incarné par un inattendu Keanu Reeves. Là, bien sûr c'est un ravissement visuel, entre le luxe des décors, la flamboyance des couleurs, et des effets visuels qui convient tout l'art de l'illusion cinématographique (maquillages, animatronics, effets optiques). Soit toute une esthétique volontairement artificielle qui assume la dimension livre d'images que souhaite partager Bertolucci avec ses spectateurs. Et là encore, lorsqu'intervient la musique sublime de Sakamoto, c'est l'extase, et je reste même sur le souvenir d'un final fort émouvant.