Après un break de huit ans loin des studios hollywoodiens, Nichols revient au cinéma avec ce très très beau
film, co-écrit par Nora Ephron. Aucun crédit ne le précise à l'écran mais il
s'agit d'une histoire vraie, celle de Karen Silkwood, jeune femme travaillant
dans une usine de conditionnement de plutonium en Oklahoma, qui va
progressivement s'investir dans la lutte syndicale et dénoncer notamment les dysfonctionnements liés à la santé et à la sécurité des employés. On est donc
plongé en pleine Amérique profonde, au sein d'une communauté qui vit presque en
vase clos. Parce qu'elle en bouscule les codes, l'attitude de l'héroïne ne va pas tarder à déranger. Le titre français Le Mystère Silkwood est bien trouvé car les auteurs n'ont finalement aucunement l'ambition d'éclairer les faits. Le film laisse en effet vraiment de côté toute l'intrigue syndicale et les quelques rebondissements de thriller qu'elle engendre pour suivre avant tout son héroïne et en tracer un portrait honnête, dans toute sa complexité et sa profondeur. Nichols évite ainsi intelligemment le biopic édifiant ou le film à thèse démago. Silkwood n'est au fond qu'une chronique, attachante et poignante.
Pour la première fois, Nichols laisse de côté les audaces visuelles de ses
précédents films. C'est là sans doute l'une des conséquences de ces années passées sans tourner, qui ont rendu son style plus humble, moins tape-à-l'œil (et moins percutant, fatalement). Cette évolution s'effectue ici sans pour autant donner l'impression d'un quelconque appauvrissement. Le réalisateur filme ses personnages avec autant de chaleur que de pudeur,
sa caméra prenant souvent grand soin à les suivre de très près. L'importance
accordée aux personnages, à leurs relations quotidiennes — qu'elles soient d'ordre professionnel ou sentimental — offre véritablement aux acteurs un formidable écrin à leur talent. La latitude qui leur
est donnée peut sans hésitations être portée au crédit d'un directeur d'acteur en totale maîtrise de ses moyens. On devine à certaines répliques et réactions qu'une certaine
liberté à été laissée pour autoriser des improvisations. Le résultat gagne incroyablement
en naturel. Dans le rôle-titre, c'est peu de dire que Meryl Streep est magnifique. On est admiratif devant chacune de ses scènes comme on peut l'être face à la performance d'une grande virtuose. À ses côtés, Kurt Russell et Cher sont plus que parfaits dans des rôles franchement pas évidents qu'ils incarnent tout en sensibilité. Georges Delerue achève d'emballer le tout avec une partition très délicate qui renforce le caractère profondément tragique du récit. C'est un film à l'atmosphère très douce, très émouvant, et qui reste longtemps en mémoire.
Après cette incontestable réussite, Nichols ne cessera plus de tourner. Il continue à enrichir sa filmographie mais on est vraiment loin de l'ambition qui l'animait à ses débuts. S'enchaînent en effet une suite de films commerciaux, exécutés sans trop de personnalité et au sujets peu risqués. Il conserve néanmoins l'aura qui est la sienne (il demeure le réalisateur mythique du Lauréat), qui lui permet de réunir sans trop de souci un casting prestigieux.
Heartburn (La Brûlure, 1986) réunit Meryl Streep et Jack Nicholson, au service du récit autobiographique de la relation maritale de Nora Ephron. Nichols est ici à sa place, décidément spécialiste de l'étude du
couple. Biloxi Blues (1988) adapte quant à lui une pièce de Neil Simon, dramaturge que Nichols a souvent mis en scène au théâtre. On est là dans la grande période de gloire de Matthew Broderick. Working Girl (1988) prend
le pouls de son époque, mais au lieu de creuser la critique sociale préfère la plus consensuelle comédie de mœurs. Le film mériterait sans doute d'être revu comme une vraie capsule temporelle, témoignage de ce que furent les 80's.
Dans Postcards from the edge (Bons baisers d'Hollywood, 1990), Nichols offre un nouveau rôle fort à sa complice Meryl Streep. Je n'ai pas vu ce film qui s'inspire de la relation tumultueuse entre Carrie Fisher et sa mère Debbie Reynolds. Plus trop de souvenirs non plus de Regarding Henry (À propos d'Henry, 1991), à part le côté scénar de petit malin (signé J.J. Abrams) et un des rares rôles ambigus d'Harrison Ford qui va après ça cesser de tourner des films intéressants et choisir des metteurs en scène sans trop de personnalité. Wolf (1994) s'efforce de livrer une vision contemporaine et urbaine du mythe du loup-garou. La démarche est originale, Nicholson est un choix parfait, le film adopte un ton sombre et adulte, et le score de Morricone est très beau. Malheureusement, dès qu'elle abandonne la suggestion, la mise en scène de Nichols se révèle tristement pauvre en idées, et entre les scènes ridicules de saut à trampoline et les effets gore mal maîtrisés, le film se transforme en spectacle embarrassant.
The Birdcage (1996) est la luxueuse adaptation de La Cage aux folles. Plus précisément, le film transpose à l'écran la version scénique américaine qui, dans les années 80 cartonnait sur Broadway face à Cats. J'avoue cependant ne pas être particulièrement curieux de le découvrir, contrairement à Primary colors (1998), où Travolta se mettait dans les pas de Bill Clinton lors de sa première campagne présidentielle. Hollywood a toujours su faire de bons films politiques, et c'est déjà plus intéressant de voir Nichols aux manettes d'un tel projet. D'autant plus qu'il retrouve ici sa comparse des débuts Elaine May qui signe le scénario.
Ce sursaut d'intérêt retombe malheureusement dès le film suivant, dont l'improbable pitch à base d'alien venu chercher une terrienne à féconder semble aussi improbable que sa réputation est catastrophique. What planet are you from ? (De quelle planète viens-tu ?, 2000) sous ses dehors de conte philosophique tournerait vite à la fable vulgaire. Le film a d'ailleurs coûté incroyablement cher et fut un vrai four, pas aidé par une campagne marketing illisible.
À l'aube du XXIe siècle, Nichols semble complètement perdu pour le cinéma et son nom finit par être totalement déprécié aux yeux des critiques. Qu'on est loin du talent si audacieux des 70's. Une nouvelle fois, le sursaut va venir de Broadway, et des nouveaux moyens de production qu'offre désormais la télévision...
Dans Postcards from the edge (Bons baisers d'Hollywood, 1990), Nichols offre un nouveau rôle fort à sa complice Meryl Streep. Je n'ai pas vu ce film qui s'inspire de la relation tumultueuse entre Carrie Fisher et sa mère Debbie Reynolds. Plus trop de souvenirs non plus de Regarding Henry (À propos d'Henry, 1991), à part le côté scénar de petit malin (signé J.J. Abrams) et un des rares rôles ambigus d'Harrison Ford qui va après ça cesser de tourner des films intéressants et choisir des metteurs en scène sans trop de personnalité. Wolf (1994) s'efforce de livrer une vision contemporaine et urbaine du mythe du loup-garou. La démarche est originale, Nicholson est un choix parfait, le film adopte un ton sombre et adulte, et le score de Morricone est très beau. Malheureusement, dès qu'elle abandonne la suggestion, la mise en scène de Nichols se révèle tristement pauvre en idées, et entre les scènes ridicules de saut à trampoline et les effets gore mal maîtrisés, le film se transforme en spectacle embarrassant.
The Birdcage (1996) est la luxueuse adaptation de La Cage aux folles. Plus précisément, le film transpose à l'écran la version scénique américaine qui, dans les années 80 cartonnait sur Broadway face à Cats. J'avoue cependant ne pas être particulièrement curieux de le découvrir, contrairement à Primary colors (1998), où Travolta se mettait dans les pas de Bill Clinton lors de sa première campagne présidentielle. Hollywood a toujours su faire de bons films politiques, et c'est déjà plus intéressant de voir Nichols aux manettes d'un tel projet. D'autant plus qu'il retrouve ici sa comparse des débuts Elaine May qui signe le scénario.
Ce sursaut d'intérêt retombe malheureusement dès le film suivant, dont l'improbable pitch à base d'alien venu chercher une terrienne à féconder semble aussi improbable que sa réputation est catastrophique. What planet are you from ? (De quelle planète viens-tu ?, 2000) sous ses dehors de conte philosophique tournerait vite à la fable vulgaire. Le film a d'ailleurs coûté incroyablement cher et fut un vrai four, pas aidé par une campagne marketing illisible.
À l'aube du XXIe siècle, Nichols semble complètement perdu pour le cinéma et son nom finit par être totalement déprécié aux yeux des critiques. Qu'on est loin du talent si audacieux des 70's. Une nouvelle fois, le sursaut va venir de Broadway, et des nouveaux moyens de production qu'offre désormais la télévision...
Dossier Mike Nichols