Pour moi le sommet de la filmographie de Cukor (même s'il m'en reste encore un paquet à voir). Mélodrame flamboyant magnifié par l'emploi magistral du format Cinemascope et du Technicolor que Cukor exploitait ici véritablement pour la première fois sur l'intégralité d'un film (précédemment : une scène de The Women, et sa poignée de plans conservés pour Gone with the wind). Et il se montre aussi à l'aise dans les scènes musicales — très adroitement intégrées au récit — que dramatiques, avec un sens de la composition et un usage de la couleur extraordinaires. Le cinéaste reprend et parfait la trame de son What price Hollywood ?. Chaque élément esquissé dans le premier film se voit développer et donner l'ampleur qu'il mérite. D'où une longueur jugée démesurée qui entraînera un charcutage du film, dont le premier montage est irrémédiablement perdu.
En l'état, A star is born a beau être truffé de numéros musicaux euphorisants, c'est d'abord et avant tout une représentation assez impitoyable de l'industrie du spectacle, en particulier du studio system hollywoodien alors en vigueur, où les stars appartiennent corps et âme à leurs employeurs. Cukor nous fait passer derrière le rideau, et les coulisses qu'il révèle ne sont pas toujours glamour. Et si le film est à ce point bouleversant d'émotion, c'est parce qu'il a l'intelligence de ne pas oublier l'humain au sein de ce paysage crépusculaire. Le parcours de Vicky Lester n'est évidemment pas sans écho avec celui de Judy Garland elle-même, dont la vie privée a été constamment sous les feux parfois cruels des projecteurs. Quant à James Mason, c'est une nouvelle et inoubliable composition qu'il accroche à son palmarès, rendant palpable toute la fragilité de son personnage fissuré. Chef-d'œuvre.
En l'état, A star is born a beau être truffé de numéros musicaux euphorisants, c'est d'abord et avant tout une représentation assez impitoyable de l'industrie du spectacle, en particulier du studio system hollywoodien alors en vigueur, où les stars appartiennent corps et âme à leurs employeurs. Cukor nous fait passer derrière le rideau, et les coulisses qu'il révèle ne sont pas toujours glamour. Et si le film est à ce point bouleversant d'émotion, c'est parce qu'il a l'intelligence de ne pas oublier l'humain au sein de ce paysage crépusculaire. Le parcours de Vicky Lester n'est évidemment pas sans écho avec celui de Judy Garland elle-même, dont la vie privée a été constamment sous les feux parfois cruels des projecteurs. Quant à James Mason, c'est une nouvelle et inoubliable composition qu'il accroche à son palmarès, rendant palpable toute la fragilité de son personnage fissuré. Chef-d'œuvre.
Bhowani junction (La Croisée des
destins), 1955
Dans la foulée d'A star is born, film déjà ambitieux, Cukor embarque Ava
Gardner, Stewart Granger et toute son équipe pour tourner cette étonnante superproduction au
Pakistan. Étonnante par sa façon de mélanger la grande et la petite histoire,
traitant à la fois de façon très spectaculaire de la lutte pour l'indépendance
de l'Inde (avec un peuple tiraillé entre lutte pacifique et action violente),
et les désarrois d'une jeune femme mi-anglaise, mi-indienne, qui se cherche une
identité. S'il est incontestable qu'Ava Gardner est sublimissime quand elle porte le sari, l'actrice est tout de même assez peu crédible en métisse, et les scènes
s'attardant sur ses tourments ne sont pas toujours écrites avec finesse. On pourra même sourire du bizarre choix de caractérisation de son personnage : on nous dit
que les métisses, péjorativement appelés "chee-chee", ont tendance à se mettre en rogne facilement, ce qui donne lieu à de régulières mais involontairement cocasses crises de nerfs de la Ava.
Loin de l'exotisme de pacotille des films hollywoodiens fabriqués en studio, l'authenticité
naît de la façon qu'a Cukor d'inscrire ses stars au sein de plans grouillant de
monde. On devine que la main-d'oeuvre locale était bon marché, permettant à la production de ne pas lésiner sur les embauches de figurants. La
photographie de Freddie Young, toute en teintes terreuses, offre un spectacle somptueux. Généreux, le film propose une
très grande variété de situations dramatiques, mixant romance, suspense, guerre et drame
historique. On a parfois l'impression que Cukor refait un peu le Autant en emporte le vent dont il avait
été privé, notamment lors de l'incroyable séquence de l'accident de train, où l'héroïne traverse la foule des blessés, entre les carcasses des wagons en
feu. On pourra regretter une narration un peu lourde en voix off, tout le film
étant en effet un long flashback raconté par Granger, sans que cette vision
retrospective fasse vraiment gagner quelque chose au récit. Ce procédé lourdaud serait un ajout de la MGM contre la volonté du réalisateur,
et Gardner se serait vue sucrer quelques scènes jugées trop chaudes. Bref, une
tentative vraiment intéressante de proposer une atmosphère et un spectacle un peu hors des clous qui, malgré ses défauts, reste pas mal en mémoire.
Les Girls, 1957
Mettant à l'honneur les chansons de Cole Porter, Cukor signe là une farce franchement noire, une nouvelle fois située dans ce monde du spectacle qu'il a si souvent illustré, sans pour autant
en faire un film sur le monde du
spectacle. Le mensonge et ses petits arrangements avec la vérité sont vraiment au cœur du récit, construit de façon ludique en une suite de témoignages contradictoires à la Rashomon. C'est plein
d'humour, très irrévérencieux et souvent sexy. Le film apparaît même étonnamment osé par rapport aux bonnes mœurs et aux conventions
hollywoodiennes des fifties. Les filles multiplient les tenues affriolantes (les costumes de
scène bien dénudés, les nuisettes à la maison), ça parle de coucheries, et la morale est loin d'être sauve quand la conclusion
arrive. Et il serait vraiment absurde d'accuser Les Girls de misogynie,
les hommes n'étant ici pas mieux lotis.
On s'amuse donc beaucoup, et il se trouve que j'ai été assez sensible au charme de
Mitzi Gaynor, ici magnifiée. Du côté des séquences musicales, je retiens
en particulier la géniale scène de danse dont le début parodie L'Equipée sauvage avec Brando. Une chorégraphie digne des plus
grands numéros de Kelly, morceau de bravoure virevoltant et visuellement splendide. Réalisé avec une maestria ébouriffante en Scope et en Technicolor, le film prend évidemment sa pleine mesure projeté sur grand écran. Cukor a toujours aimé faire durer ses plans le temps d'une scène entière, choix parfois paresseux sauf qu'ici soutenu par de discrets mouvements de caméra qui
composent au final une sorte de montage dans le plan, et témoignent au contraire de la présence à la barre d'un grand maître.
DOSSIER GEORGE CUKOR :
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