29 septembre 2014
Let my people go !
The Ten commandments
(Les Dix commandements), Cecil B. De Mille, 1956
Un film que
l'inconscient collectif rattache à notre enfance et aux multidiffusions de fin
d'année. J'avais précédemment proposé le passage en revue d'une sélection de chouettes péplums.
22 septembre 2014
Coup de cœur pour Françoise Hardy
Devenue star du jour
au lendemain avec son tout premier 45t, Tous les garçons et les filles, — un classique instantané — Françoise Hardy construit depuis plus de 40 ans
une œuvre profondément personnelle et cohérente. Elle compose et écrit la plupart
du temps elle-même, s'accompagnant à la guitare, et ceci joue sans doute pas
mal dans le fait que ses chansons me touchent, parce qu'on y devine une voix et
des pensées en parfait accord avec la sincérité de leur auteur. Un ton qu'on retrouvera intact dans son indispensable autobiographie.
Sale+Loeb
C'est avec ce Hulk grey que j'ai découvert le dessin de Tim Sale et en suis devenu instantanément fan. J'ai eu, plus récemment encore, le plaisir de baver des yeux devant les somptueux visuels qu'il a fournis pour la première saison de la plus que recommandable série Heroes.
On pourrait qualifier son style d'expressionniste, remarquable pour son incroyable liberté de trait, qui sait aller à l'essentiel sans perdre de sa force, et une harmonie parfaite entre la case et la page qui composent au final une narration toute en mouvements, d'un superbe dynamisme. La mise en couleur elle-même est pleine de personnalité, en particulier dans ce bouquin-ci, Hulk Grey, avec ses emplois aussi pertinents que réussis de la couleur directe.
L'histoire raconte en
gros les premiers pas du héros. Dans une démarche ouvertement nostalgique (bien
qu'il m'ait semblé percevoir l'influence du film d'Ang Lee sur certains
parti-pris), elle s'intercale précisément entre les deux premiers épisodes
originels de Stan Lee et Jack Kirby, lorsque le monstre était
encore gris. Lee décidait de passer au vert sans explication dès le second épisode,
estimant que le rendu serait plus percutant à l'impression. Je suis plutôt
client de ce genre de relectures à distance. Ce pitch plutôt
alléchant ne tient malheureusement pas ses promesses. Le sujet se révèle en
effet assez sous-exploité et le traitement plutôt inconséquent.
Il y a pourtant de belles idées, notamment dans cette caractérisation aussi juste que touchante du personnage en tant que freak, ces allusions à la créature de Frankenstein qui ne connaît pas la méchanceté mais se retrouve victime de son incontrôlable force. Ce retour aux origines est également pour les auteurs l'occasion de placer de petits clins d'oeil sympathiques, comme cet affrontement rigolo avec un Iron Man débutant. Mais le scénariste Jeph Loeb manque vraiment d'idées pour remplir son intrigue. Il n'aura pas creusé bien loin, peut-être bridé par les contraintes du format, et la conclusion est à ce titre particulièrement pathétique, avec son diagnostic psychanalytique de supermarché, d'autant plus regrettable qu'il nous est présenté comme la justification de tout ce qui a précédé et de ce qui est à venir. Heureusement, l'ouvrage reste graphiquement délectable, mais on ne peut qu'éprouver la regrettable impression d'être passé à côté d'un formidable terrain de jeu.
Il y a pourtant de belles idées, notamment dans cette caractérisation aussi juste que touchante du personnage en tant que freak, ces allusions à la créature de Frankenstein qui ne connaît pas la méchanceté mais se retrouve victime de son incontrôlable force. Ce retour aux origines est également pour les auteurs l'occasion de placer de petits clins d'oeil sympathiques, comme cet affrontement rigolo avec un Iron Man débutant. Mais le scénariste Jeph Loeb manque vraiment d'idées pour remplir son intrigue. Il n'aura pas creusé bien loin, peut-être bridé par les contraintes du format, et la conclusion est à ce titre particulièrement pathétique, avec son diagnostic psychanalytique de supermarché, d'autant plus regrettable qu'il nous est présenté comme la justification de tout ce qui a précédé et de ce qui est à venir. Heureusement, l'ouvrage reste graphiquement délectable, mais on ne peut qu'éprouver la regrettable impression d'être passé à côté d'un formidable terrain de jeu.
The Long Halloween est une mini-série
brillante et inspirée, publiée par DC entre 1996 et 1997. Les auteurs ont posé
un concept aussi simple que diablement efficace : durant treize épisodes —
chacun représentant un mois — c'est toute une année de la vie du Dark Knight qui
va défiler sous nos yeux, avec en toile de fond une enquête haletante sur un
mystérieux serial killer baptisé Holiday par la presse, qui assassine
systématiquement les jours de fête (Thanksgiving, Noël, St-Valentin, le 4
juillet, etc.). Une sorte de whodunit bien distrayant, qui joue avec les
clichés du genre tout en revisitant avec intelligence le sombre univers du héros
de Gotham. Ces différentes célébrations sont en effet l'occasion de faire le
point sur lui-même et sur les figures qui l'entourent. A ainsi été conviée
la quasi intégralité du bestiaire dément créé par Bob Kane, qui défile épisode
après épisode, entre ombre et lumière. Du Joker à Poison Ivy en passant par
Catwoman, Alfred ou le commissaire Gordon, avec en fil rouge sang les origines
d'un personnage qui n'a jamais été rendu aussi intéressant : Harvey Dent, dit
Double-face.
Le dessin de Tim Sale,
son travail sur les ombres en particulier, est ici plus époustouflant que
jamais. À tel point qu'on devine que si ça ne tenait qu'à lui, il composerait
l'ensemble de son ouvrage entièrement en noir et blanc. D'ailleurs, chaque
nouveau meurtre est toujours représenté en monochrome, avec comme seul élément
de couleur un objet symbolique lié à la fête du jour, que l'assassin dépose près
de ses victimes. Sale gère son découpage de main de maître, avec audace mais
sans esbroufe. Le schéma narratif posé par Jeph Loeb suppose une
construction qui joue sur la répétition, et le dessinateur s'amuse précisément
à créer des effets de miroir et de symétrie, avec un usage aussi pertinent que
spectaculaire des cases pleine page qui interviennent avec régularité tout au
long de la lecture. Et malgré toutes les spéculations, le dénouement parvient
encore à surprendre, nous faisant refermer l'ouvrage franchement comblé.
Il s'agit d'un recueil
dont le gros morceau est un récit intitulé Peurs, daté de 2000. Batman
chasse un ennemi envahissant, l'Épouvantail, mais cette lutte n'est qu'un
prétexte pour nous plonger avec réussite dans les angoisses qui agitent le
vengeur masqué, plus torturé que jamais par la lourde charge qu'il s'est
imposé. Le scénario de Loeb pose la question du choix, la possibilité d'une
autre existence. Voir Batman mal rasé, harassé par la fatigue et le manque de
sommeil, reprendre nuit après nuit son costume de chauve-souris pour aller
risquer sa peau sur les toits de Gotham est une proposition rendue ici tout à
fait convaincante.
La mise en case est
encore une fois superbement inventive, avec certains passages qui,
esthétiquement, semblent devoir davantage à la bande dessinée indépendante
qu'au comix de super-héros. C'est précis, ça prend son temps, sans effets
superflus mais toujours plein d'idées. Je suis par contre moins fan de la mise
en couleurs qui abuse un peu des effets de traitement numérique, offrant ainsi un rendu un
peu trop lisse (pas sur l'extrait que j'ai choisi ci-dessous). On notera
toutefois un superbe passage entièrement tramé en noir et blanc. Bref, une bande dessinée comme je l'aime, aux ambitions incontestablement autorisantes, qui réjouit l'oeil sans lui faire mal.
Le recueil se poursuit
avec un exercice de style somptueux mais loin d'être vide de sens, peint cette
fois par Tim Sale lui-même au lavis, avant de s'achever sur une double page
plus anecdotique qui nous propose une brève rencontre entre Clark Kent et Bruce
Wayne gamins.
The Rocky story
Loin de l'image de
vainqueur qui s'est superficiellement imposée dans les esprits, Rocky Balboa
est en fait un anti-héros magnifique, absolument typique du ciné ricain des
70's, avec ces personnages sans gloire qui s'en prennent plein le lard. On suit
ici les errances d'une racaille des faubourgs au sens de l'humour vaseux,
figure pathétique mais dotée d'une lucidité qui la rend digne. Oscillant entre
l'espoir et le doute, il a tout à fait conscience de la mascarade que
représente son affrontement programmé avec Apollo Creed.
Finalement loin d'appartenir au genre du film de boxe, Rocky est avant tout une belle étude de caractère, qui nous offre le portrait d'une Amérique désenchantée mais profondément humaine. Le scénariste Stallone
nous offre des individualités complexes que l'on a envie d'aimer, malgré des
comportements parfois inexcusables (Paulie et l'extraordinaire interprétation
de Burt Young). Nous ne sommes jamais encouragés à les juger. Et
lorsqu'ils se laissent aller à la tendresse, leur sincérité est touchante,
voire bouleversante. Le film est riche en scènes d'anthologie, témoignant d'une
observation juste et profonde de l'âme humaine : le premier baiser entre Rocky
et Adrian, la dispute entre Mickey et Rocky dans l'appartement sont de purs
bijoux de cinéma. La vérité du jeu des acteurs est aussi subtile
qu'époustouflante. La mise en scène est à l'avenant, réellement magistrale,
sachant parfaitement inscrire le parcours de ses personnages dans la ville. Le
film est d'une constante sobriété, à l'image de son générique. J'ai été très
étonné de l'utilisation de la musique de Bill Conti. Les premières
mesures interviennent tardivement sous forme de douces nappes de cordes, puis
le rythme va s'amplifier au fur et à mesure de la motivation retrouvée lors des
différents entraînements (superbe lumière du matin), jusqu'à l'apothéose lors
du match final, tous cuivres et cordes dehors. Ce film est un authentique
miracle sur pellicule.
Cette suite m'a
semblée avant tout pensée pour les fans du premier volet. On démarre en effet
sur ses 5 dernières minutes — amorce qu'on retrouvera systématiquement dans les
films suivants — avant de suivre tout naturellement les conséquences de ce match
de folie. Rocky emmène Adrian au zoo, comme le lui avait méchamment suggéré un
mafieux dans le premier film. Le couple se marie, et la question va être de
savoir si Rocky va oui ou non décrocher du ring (interrogation qui sera
désormais le moteur-même de la franchise). Le prolongement n'est pas
particulièrement imaginatif, mais si on a aimé comme moi les personnages, on
apprécie de pouvoir les suivre encore, d'autant plus que les lendemains ne sont
pas roses. Rocky se retrouve encore à galérer et le film enchaîne des scènes
assez tristes.
La revanche d'Apollo
Creed est un bon prétexte pour nous livrer une relecture parfois ironique du
premier film. Ainsi la séance d'entraînement dans les rues de Philadelphie est
reprise quasiment plan par plan, sauf que cette fois Rocky est soutenu et suivi
par la foule, scène particulièrement euphorisante. Bref, encore de beaux
moments, avec un combat final bien prenant. C'est quand même moins fort que le
premier film qui semblait avoir déjà tout dit, mais la modestie de
l'entreprise, son absence de prétentions, reste touchante.
Le dispositif narratif
est désormais établi. Après avoir fait défiler le titre du film le long de
l'écran et repris la fin du précédent, Stallone insère un montage extrêmement
malin pour nous montrer l'évolution de son protagoniste, désormais champion du
monde, richissime et icône nationale. Le réalisateur s'autorise des placements
de produits éhontés (c'est tout le merchandising officiel qui défile) tout en
faisant la critique de cette réussite qui est aussi la sienne. Rocky est
maintenant bien loin des faubourgs de Philly, et m'est apparu moins attachant.
Le personnage a perdu son accent populo, s'est civilisé. De fait, il s'est
lui-même perdu de vue. Le nouveau défi lancé par un Mr. T ahurissant de colère
sera pour lui l'occasion de retrouver la rage qui l'avait autrefois fait
vaincre et qui se voyait dans son regard.
Cette fois pur film de
boxe au fort taux de testostérone, ce troisième volet est quand même un bon film, porté par de belles images
(la course sur la plage), et aux affrontements spectaculaires (le match contre
Hulk Hogan est génial et fait vraiment peur). Et l'émotion est loin d'être en
reste grâce à la présence toujours incroyablement talentueuse de Burt Young, Talia
Shire et Burgess Meredith.
Le scénario se
dégraisse méchamment. Le choc Est/Ouest est assez savoureux, tandis que le
costume d'Uncle Sam d'Apollo Creed trouve enfin sa pleine dimension. On a un peu vite assimilé ce volet à une apologie du modèle reaganien. Il faut le revoir pour constater parfois avec étonnement que la réalité est plus nuancée, ce qui ne veut pas
forcément dire plus subtile : Plus qu'un film de propagande, ce 4e volet m'est
en effet apparu comme un véritable message de paix et de fraternité que vient
apporter Rocky à la planète entière. Il semble en effet renvoyer dos à dos
Américains et Soviétiques dans leur obstination à se faire face. Les deux ont
leurs travers, et le film s'avère bien plus ambivalent que ce que certaines images peuvent laisser penser.
Le méga-show style Las
Vegas du début se solde en effet par la chute d'Apollo, refroidissant avec
violence cette arrogance typiquement américaine. Le public sera aussi haineux
face à Drago que les Soviétiques face à Rocky. On n'est pas du tout dans la
préférence d'un modèle sur un autre mais dans l'encouragement à dégeler les
relations entre les peuples. C'est assurément naïf, mais pour autant cela n'a rien
d'idéologiquement puant puisque la critique est partagée. L'imagerie utilisée
et les situations sont très amusantes. Au rayon musique, Bill Conti est remplacé
par Vince DiCola (magnifique Training montage), il y a du hard
rock FM et des séquences d'entraînement plus irréalistes que jamais, où les
escaliers du Museum of Art de Philadelphie sont remplacés par les montagnes.
Moins flamboyant que dans mon souvenir mais un spectacle au final bien
agréable.
Toujours au scénario,
Stallone choisit plus ou moins logiquement de boucler la boucle avec ce film en
forme de retour aux sources. Par une suite d'événements plus ou moins
convaincants (un comptable escroc), la famille Balboa se retrouve ruinée et
contrainte de réduire son train de vie. Ils s'installent dans leur vieux
quartier de Philly, qui a eu le temps de bien se dégrader depuis la dernière
fois. Rocky retrouve ses habits du premier film et son accent des faubourgs, et
ça fait plaisir. Ces retrouvailles sont plutôt touchantes pour le spectateur,
toujours dans cette idée de prolonger l'aventure avec ces personnages qu'on
connaît désormais bien, et de revisiter un univers familier, d'autant plus
qu'on sait ici que Rocky, définitivement trop abîmé, ne retournera plus sur le
ring, ce qui renouvelle bien les attentes. Cela donne lieu à quelques scènes
toujours très réussies.
Adrian, fidèle au
poste pour redonner le sens des réalités à son chéri, est la garante du capital
émotion du film. Les péripéties mettant en scène leur gosse ou le jeune boxeur
sur la pente glissante du succès manquent certes de force et sont assez
archétypales. Le climax quant à lui, totalement inattendu, détourne plutôt
intelligemment l'étape obligée du match final. John G. Avildsen
récupère son poste de réalisateur et reprend ses plans à la steadycam là où ils
les avait laissés, mais il faut bien convenir que sa mise en scène échoue
souvent à trouver un peu de personnalité, ne fait pas trop d'étincelles. Bill
Conti est là aussi, donnant à ses thèmes une couleur hip hop bien dans la
tendance du jour mais pas forcément de très bon goût.
Rocky Balboa, Stallone, 2007
Le 5e opus proposait déjà de boucler la boucle sous la forme d'un retour aux sources, avec
visite amère des lieux du passé. Avec une lucidité vraiment touchante, Stallone
semble vouloir enfoncer le clou en reprenant ici le même principe mais dénudé à
l'extrême, réduisant au maximum les intrigues secondaires pour ne se focaliser
que sur son antihéros, plus paumé que jamais avec cette impression de n'avoir
toujours pas atteint le moindre bout d'une quelconque route. « Take you back », chante une nouvelle fois
Frank Stallone sur le générique d'ouverture, et les tortues sont de retour dans
l'aquarium. Philly est plus
dépeuplée que jamais, il n'y a plus personne dans ses rues ou bien les gens
sont mauvais (autrefois même les truands apparaissaient comme des êtres solidaires). Mais s'il y a bien une absence qui pèse sur l'ensemble du film
c'est celle d'Adrian. J'ignorais que Talia Shire ne faisait pas partie de ces
retrouvailles, et même sans être là elle parvient une nouvelle fois à incarner
le coeur du film. Les scènes avec Burt Young m'ont quant à elles régulièrement mis la larme à l'oeil. J'ai retrouvé véritablement intact
son personnage qui cache derrière ses mauvaises manières d'authentiques sentiments.
On peut être gré
au scénariste de ne pas s'être trop acharné sur son protagoniste, en en faisant
un mec qui s'en sort relativement bien avec son resto qui n'est en rien un
boui-boui. Sa relation avec la petite Mary qui a bien grandi est incontestablement
l'aspect le plus réussi du film, et Stallone joue plutôt subtilement de
l'ambiguité amoureuse qui peut exister entre eux. De même, le
parcours de Mason Dixon est assez bien vu, arrivé au sommet de la richesse mais
qui se sent finalement bien seul dans sa riche villa et ressent le besoin de
revenir aux bases. Si le monde des
cols blancs où vit le fils Balboa n'échappe pas toujours à la caricature, ça
reste néanmoins assez sobre et surtout porté par l'envie sincère de donner
quelques leçons de vie. Cela dit, ses
sentences sonnent parfois un peu trop écrites pour vraiment coller avec l'image
que j'ai du personnage. Plus gênante, parce que pas très
crédible, est cette histoire de match virtuel, avec des modélisations
impeccables et un découpage un peu trop travaillé). Les autres volets
parvenaient à faire passer mieux que ça le fait que Rocky s'acharne quand même
à remonter sur le ring. Le spectateur ne se faisait certes pas d'illusions face
à ses hésitations, mais ici j'ai trouvé que l'évolution du personnage était un
peu platement rendue. Et c'est limite si le training
montage — LA scène à ne pas foirer — a failli ne pas m'emballer. Les frissons
ne m'ont enfin parcouru que lorsque les fameuses marches sont apparues, mais
voir Rocky tout en haut avec son gros chien, ça fait un peu douche froide...
On sent que
Stallone aime cet univers qu'il a créé et qu'il a conscience que c'est le cas
de son public. Il leur/nous rend hommage et on a vraiment l'impression
qu'il recule le plus possible la fin de son film : superbe arrêt sur image de
cette main dans la foule qui attrape celle de Rocky... disparition de la
silhouette dans le cimetière... et encore ce dernier plan large en haut des marches
dans la nuit de la ville. On a envie de dire : « encore, encore ! » Quand bien même
j'ai été sensible à cet aspect fanfilm, ça n'a pas été suffisant
pour rester aveugle et sourd devant une relative médiocrité de la mise en
scène. J'ai d'abord été étonné par la photographie qui semble curieusement
manquer de goût (couleurs au rendu bizarre, comme mal maîtrisées). Stallone
semble justement chercher une certaine rupture avec les films précédents, en
privilégiant notamment la caméra portée et en abandonnant la steadycam si
caractéristique du premier volet. Trop de champs/contrechamps m'ont donné
l'impression d'une pauvreté d'inspiration, nuisant à la vérité de certains
dialogues. Le monteur a manifestement pêté un câble au milieu du match final
avec cet espèce de montage stroboscopique qui m'a semblé totalement inexpressif, me
laissant sur la touche. Le pire c'est que je n'ai vraiment ressenti aucune
progression dans le rythme du match, aucun suspense. Alors que dans les 4
premiers films, ces mêmes matches de fin parvenaient vraiment à raconter une
histoire, rendaient percutants les enjeux. Là, je guettais en vain
l'oeil du tigre de l'Étalon italien. Au
final je suis donc mitigé et aurais
voulu y croire davantage.
En conclusion, je
dirais que même si ça n'a pas été prévu comme ça et que seule la vidéo le
permet aujourd'hui, ça a vraiment du sens de s'enchaîner les films dans un
court laps de temps, un peu comme les épisodes d'une série télé. Pris
isolément, je ne suis pas sûr que j'aurais éprouvé les mêmes impressions, sauf
pour le premier film. Le Rocky de 1976 reste un film profondément touchant, plein de sincérité et de sensibilité et pourrait se suffire à lui-même.
Gonna fly now...
21 septembre 2014
Métaphysique De Chirico
« Toute l’oeuvre de Chirico n’est en réalité qu’une longue autobiographie, transposée, comme sur une scène de théâtre, en figures changeantes et insaisissables en tant que réalité — parce que la réalité n’existe pas —, mais plus vraies et durables que la réalité elle-même, par la force symbolique que leur art leur confère. »
Paolo Baldacci, Giorgio De Chirico 1888-1919, la métaphysique
Automne
1906, le jeune peintre Giorgio de Chirico s’inscrit à
l’Académie des Beaux-arts de Munich. Souffrant régulièrement d’une affection
intestinale, alité, il lit beaucoup et se passionne en particulier pour la
philosophie de Nietzsche, Schopenhauer et Héraclite.
C’est sa lecture de Des fins ultimes du Viennois Otto
Weininger, où apparaît la notion de métaphysique géométrique, qui lui
inspirera la formule “pittura metafisica”. Par la suite, les villes italiennes
(Florence, Turin) vont nourrir son imaginaire et lui révéler pleinement cette
perception métaphysique de l’espace et des objets.
Ferrat forever
En groupe en ligue en procession
Et puis tout seul à
l'occasion
J'en ferai la preuve par quatre
S'il m'arrive Marie-Jésus
D'en avoir
vraiment plein le cul
Je continuerai de me battre
On peut me dire sans rémission
Qu'en groupe en ligue en
procession
On a l'intelligence bête
Je n'ai qu'une consolation
C'est qu'on peut
être seul et con
Et que dans ce cas on le reste.
Poète
inféodé né en 1930, Jean Ferrat est un artiste sans pareil qui
s'est longtemps tenu isolé du cirque médiatique. Son talent d'auteur et de
compositeur s'avère aussi inspiré et à l'aise lorsqu'il chante l'amour que
lorsqu'il crie sa révolte, son dégoût de l'armée et du clergé, de même
lorsqu'il se moque de la mode préfabriquée des yéyés, toujours entre satire et
colère. Il est le chroniqueur des espoirs et des désillusions d'une époque
troublée, d'une société en constante perte de repères.
Irrévérencieuses,
cruelles, drôles ou profondément bouleversantes, ses chansons sont de celles
qui me touchent, certaines étant devenues des compagnons de route, des
confidentes, me semblant tantôt ne parler qu'à moi, tantôt parler pour moi.
Tandis que certains s'attarderont plutôt sur ses morceaux engagés, mon côté
mélancolico-fleur bleue nourrit évidemment un faible pour ses chansons d'amour
aussi belles dans leurs arrangements que dans leurs textes. Car la délectation
que procure Ferrat vient notamment du soin de ses arrangements, parfaitement en
accord avec le sujet traité. Chœurs, cordes, cuivres, ambiances, tout est
travaillé avec goût et intelligence, sans jamais céder à la grandiloquence. Et
si les émotions sont aussi fortes, c'est justement parce que la musique est
constamment en écho avec les paroles, avec une vraie progression rythmique et
mélodique au cours du morceau. Combien de ses textes pourraient servir de
déclaration d'amour irrésistible, exprimant la viscéralité d'un attachement, la
beauté de l'être aimé, mais également toute la sensualité d'un corps, la fougue
d'une étreinte ?
Que
ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin, minuit, midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble
C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.
Bucolique, Ferrat l'homme des bois sait aussi chanter
les joies simples de la vie, les beautés de la Nature, de cette Ardèche qu'il a
choisi comme patrie. Il sait comme personne célébrer la douceur d'une grasse
matinée au soleil d'été, tant de belles choses qui permettent de garder espoir
et de tourner le dos aux mensonges de la société. Chez Ferrat, les amants
vivent leur bonheur loin des hommes, de préférence dans une maison de campagne
entourée d'oiseaux.
Au début des années 80, pour de pénibles questions de droits,
Ferrat a été amené à réenregistrer l'intégralité de son répertoire et de
publier l'ensemble de ces sessions sur une douzaine de compilations. Force est
de constater que, même si les arrangements ont été à peu près conservés, le
style et l'interprétation différent et sont loin de valoir les versions
originales. Ces dernières charment parce qu'elles ont un son lié à leur époque.
Pendant un temps, on ne trouvait en CD que les douze volumes de ces réenregistrements.
Heureusement, il y a eu depuis toute une série de rééditions qui mentionnent à
juste titre sur leur pochette : "versions originales". C'est
clairement celles-ci qu'il faut privilégier.
Boycottant
les plateaux télés, Ferrat publie en 1991, après pas mal d'années de silence,
un nouveau disque, Dans la jungle ou dans le zoo. C'est à cette
époque que je l'ai découvert. Le son y est plus rude, un peu froid, fait de
guitares électriques, de synthés et de rythmes plus agressifs. Toujours en
phase avec son temps, le chanteur dresse un constat assez désabusé de l'état du
monde, dénonçant la putasserie de la télé (Dingue), l'arrivisme de la
jeunesse (Les Petites filles modèles), et n'oublie pas de fournir encore
de très beaux hymnes à l'amour. Les Tournesols mettent
tristement en parallèle la misère dans laquelle a vécu Van Gogh et
les records de vente de ses oeuvres aujourd'hui.
Dernier
album studio du monsieur, Ferrat 95 propose à nouveau des
mises en chansons d'Aragon. Très agréable d'écoute, revenant à des
orchestrations plus traditionnelles et chaleureuses (instruments à vent,
cordes, etc.), ce disque livre encore de vraies perles (L'Amour est cerise,
J'arrive où je suis étranger).
Bref, dans la famille "chanson
française", Ferrat est un des artistes auxquels je suis le plus attaché,
tant pour l'esprit que pour la lettre. Son œuvre me touche, au même titre
qu'un Moustaki ou une Françoise Hardy.
Inscription à :
Articles (Atom)