8 août 2018

Le Cinéma musical de Brian De Palma IV. 1986-1989

Wise guys (Mafia salad), 1986
Le film fut à peine distribué, et sans aller jusqu'à dire qu'il mériterait d'être redécouvert, ça n'en fait pas non plus un objet honteux. Bien avant The Sopranos, Wise guys s'inscrit dans le genre de la comédie mafieuse, comme il commence à s'en tourner à l'époque (L'Honneur des Prizzi, Premiers pas dans la mafia), Hollywood ayant un peu épuisé les possibilités de singer sérieusement Le ParrainIl faut juste oublier que c'est le réalisateur de Blow out derrière la caméra, et n'espérer aucune étincelle de mise en scène. Cinématographiquement c'est en effet assez nul. Tout passe par un scénario vaudevillesque aussi con que loufoque, et par l'abattage de comédiens qui ne cherchent pas la finesse. Danny De Vito est à l'aise dans un nouveau rôle d'antihéros méchant, cupide et cynique. L'acteur est alors super bankable depuis son second rôle dans le diptyque Diamant du Nil/Diamant vert, et peut désormais assurer la tête d'affiche.

Si elle ne témoigne d'aucune ambition et ne réflète rien de la personnalité de De Palma, cette pochade m'a quand même bien fait rigoler par ses enchaînements de situations volontairement idiotes, pas très éloigné dans l'esprit d'Un sacré bordel, que Blake Edwards tourne la même année. De mon point de vue, la VF serait presque à privilégier, tant le doublage rempli de voix familières ajoute au côté crétin des personnages. Aucun souvenir de la B.O. par contre, signée Ira Newborn, un fidèle de John Landis (Blues brothers, Police squad, Into the night) et de John Hughes (Sixteen candles, Ferrie Bueller, Weird science, etc.) :







The Untouchables (Les Incorruptibles), 1987
Bien avant la mode des adaptations de série TV — à laquelle De Palma contribuera pleinement dix ans plus tard avec Mission : impossible The Untouchables se veut la version grand format d'un feuilleton à succès. C'est pour le réalisateur un retour au divertissement de classe A, une production de très haute tenue, aussi élégante visuellement qu'efficace dramatiquement. Le scénario aux petits oignons signé David Mamet se voit magnifié en une succession de morceaux de bravoure dont on oublierait presque les enjeux (quel est le sujet de l'embuscade à la gare ?) et de passages plus sensibles (la première rencontre entre Malone et Ness) qui fonctionnent grâce à la perfection du casting. La machine ronronne impeccablement, de la constitution de l'équipe aux confrontations à distance entre le gentil et le bad guy, jusqu'à la résolution merveilleusement cathartique pour le spectateur.

Après Scarface, le film permet à De Palma d'être promu spécialiste du film de gangster, lui qui s'était d'abord imposé comme maître du fantastique, puis du suspense hitchcockien. Devenu une icône du genre grâce à Leone, Scorsese et Coppola, De Niro retrouve le réalisateur qui l'avait fait démarrer à l'écran, et s'amuse en composant un savoureux Al Capone. Et non content de bénéficier de l'interprète d'Il était une fois en Amérique, De Palma récupère également le compositeur. Morricone, qui vient de triompher avec la BO de The Mission, livre ici une extraordinaire partition, très variée dans ses registres, avec des thèmes parfaitement identifiables. Et j'ai vraiment l'impression qu'on n'en fait plus des comme ça :






Casualties of war (Outrages), 1989
Il en fallait du courage pour produire un film aussi âpre, et y embarquer entre deux Retour vers le futur Michael J. Fox, pour ce qui restera comme un de ses rares rôles purement dramatiques. Choix audacieux et payant puisque l'acteur parvient vraiment à incarner avec évidence ce personnage torturé entre les notions de morale et de devoir. De Palma prouve une nouvelle fois qu'il est loin d'être un réalisateur purement formel, accordant précisément ici une grande attention à ses acteurs, et on a sans doute là une des prestations les plus impressionnantes de Sean Penn.

Si la guerre du Vietnam a souvent été présente en arrière-plan dans l'œuvre du cinéaste, c'est la première fois qu'il aborde le sujet de front, plongeant au cœur de l'enfer vert que fut le conflit. Sa mise en scène parvient à renouveler encore l'approche du film de guerre, et l'on n'oubliera pas de sitôt cet assaut nocturne en sous-sol, ou la course contre la mort sur un pont ferroviaire. Derrière la maestria de ces séquences, nulle indécence de la part du réalisateur, qui pose à chaque fois la question du juste point de vue sur cette histoire particulièrement odieuse. Un peu comme dans le Platoon d'Oliver Stone, l'ennemi est intérieur. Mais le film pose un dilemme d'autant plus insoutenable qu'il n'apporte nulle réponse. Il s'agit finalement moins d'une énième condamnation de la culpabilité américaine que d'un réquisitoire terrible contre la guerre en elle-même, et ce qu'elle fait faire aux hommes. Et l'épilogue du film me bouleverse toujours autant, pudique, simple et très émouvant.

Nous épargnant les sempiternels tubes rock de la période, De Palma a la chance de prolonger ici sa collaboration avec un Morricone une nouvelle fois au sommet de son inspiration. Lyrique au possible, enrichi de sonorités discrètes évoquant les dangers de la jungle sans jamais verser dans l'exotisme, le thème principal prend aux tripes, laissant se développer cordes et chœurs avec une douceur inattendue :




DOSSIER BRIAN DE PALMA :

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