Banditi a Milano (Bandits à Milan), Carlo Lizzano, 1968
Avec
Gian Maria Volontè, Don Backy, Thomas Milian, Raymond Lovelock, Piero
Mazzarella... À
Milan, au coeur d'une Italie rongée par le crime et la violence, la police
lutte difficilement contre une bande de braqueurs de banque. L'un deux est
arrêté alors qu'ils tentaient de renouveller un coup qui leur avait réussi. Il
est interrogé...
Produit
par Dino De
Laurentiis, ce
film tiré d'un fait divers authentique s'est révélé à moi comme un authentique
chef-d'œuvre qu'il serait vraiment trop réducteur d'assimiler à du ciné bis.
Historiquement, il pose les jalons d'un genre — le polar italien — qui va faire le bonheur des salles de quartier dans la décennie à
suivre, pour le meilleur comme pour le pire. Sauf qu'ici on est bien loin des
facilités du cinéma d'exploitation.
La
construction de ce Banditi a Milano est particulièrement admirable et
affirme, dès la scène d'ouverture, la présence d'un cinéaste maître de son art
comme de son sujet. Avec une brutalité sèche, le spectateur est projeté en
plein chaos urbain. Sur une place, la foule en colère est prête à lyncher un
homme blessé, des hommes courent pistolets à la main, des morts gisent sur le
trottoir ou au volant de leur voiture, des enfants crient. Les plans sont
brefs. Carlo
Lizzano
multiplie les angles de prise de vue et les subjectivités. Une voix off tente
plusieurs interprétations de ces confuses images. Progressivement émerge la
figure d'un inspecteur de police (impérial Thomas Milian) qu'on se met à suivre. Il répond à quelques
questions face caméra, et livre des anecdotes qui sont alors mises en scène,
dressant un constant aussi sévère qu'implacable de la société italienne de
cette époque, des agissements de la pègre à la bêtise criminelle de certains
citoyens. Ces témoignages font parfois froid dans le dos (le destin d'une jeune
prostituée). Et puis on finit par revenir à la scène d'émeute du début, dont la
genèse va être racontée en un long flashback lui-même complètement éclaté par
des raccords aussi surprenants que maîtrisés. Les éléments du puzzle se mettent
en place. Tout cela est d'une fluidité impressionnante.
En plus du montage virtuose de Franco Fraticelli (monteur attitré d'Argento), la mise en scène est d'une liberté folle.
Chaque scène contient son moment de stupéfaction, culminant lors d'une
poursuite en bagnole monumentale dans les rues de Milan, où l'on retient son
souffle pendant une bonne vingtaine de minutes. Et là où Lizzano devient
vraiment génial, c'est dans sa capacité à mélanger les tons. Il sait
parfaitement doser drame et humour, intime et action, suspense et émotion,
cinéma vérité et lyrisme, sans jamais succomber au romantisme factice. Son
portrait d'un petit groupe de braqueurs de banques est un modèle du genre, se
permettant de les montrer dans toute leur humanité, avec leur vie de famille,
leur joies et leurs angoisses, parvenant un temps à nous les rendre
sympathiques, à nous faire espérer la réussite de leur plan avant de nous
ramener brutalement à la réalité de leur besogne. Gian Maria Volontè est tout simplement
fabuleux en chef de bande, révélant progressivement une folie qui devient
glaçante.
Le film offre des pistes de réflexion d'une richesse insondable, tout en procurant au spectateur sa dose de sensations. On en ressort littéralement sonné.
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