Project A (Le Marin des mers de Chine), Jackie
Chan, 1983
Une comédie d'action spectaculaire située à Hong Kong au début
du XXe siècle, pleine de rythme et d'invention. Les trois complices Yuen
Biao, Sammo Hung et Jackie Chan sont réunis dans un récit
particulièrement bien construit et d'une complexité plutôt bienvenue. Les
personnages sont nombreux, ça circule entre différents genres. Jackie parvient à donner libre cours à son goût pour le pur burlesque, avec une bagarre de saloon
mémorable, les situations vaudevillesques, qui culminent lorsque les héros
infiltrent le repaire des pirates en jonglant avec les identités, sans oublier
bien sûr des scènes de kung fu virtuose et puissant, et des cascades à couper
le souffle dans des décors souvent très réussis. Et même si le film donne
l'impression de ne jamais se prendre vraiment au sérieux, cela n'empêche pas
l'affrontement final face au chef des pirates d'être impressionnant de
brutalité et de rapidité.
Bref, un spectacle hautement réjouissant, l'œuvre
d'un acrobate de génie, qui a su s'affranchir de l'héritage de Bruce Lee pour composer une identité sans pareille. Chan est ici particulièrement bien entouré. Sammo Hung est
impayable de mesquinerie, Yuen Biao s'envole avec une grâce superbe, et lorsque
tous combattent c'est un régal. On a même droit à un hommage à Harold Lloyd
lorsque Jackie s'accroche aux aiguilles d'une horloge, pendu au-dessus du vide.
Sauf que là, l'acteur lâche prise et on le voit faire une chute de plusieurs
dizaines de mètres, passant à travers deux pauvres stores pour l'amortir, le
tout filmé en un seul plan qui ne s'arrête pas de tourner lorsqu'il se relève
et continue sa course avec ses amis qui l'attendaient en bas ! Le bêtisier en
générique de fin montrera qu'avant de réussir cette prise il avait raté le
deuxième store, s'écrasant au sol (on le voit alors se traîner en hurlant de
douleur) ! Je ne sais pas si le public mérite ça mais
en tous cas merci pour lui.
Police story, Jackie Chan, 1986
On est
vraiment au cœur de l'âge d'or du cinéma de Jackie Chan, avec ici des cascades
et des bastons plus violentes que jamais. L'acteur-chorégraphe-réalisateur
délaisse la kung fu comedy pour le polar d'action contemporain. Dès le
début du film on assiste à la dévastation totale d'un bidonville par le passage
de bagnoles en fuite, sur une pente dangereusement raide. Scène totalement ahurissante, qui place d'emblée la barre très haut. Par la suite on a droit à des
scènes de pure comédie aussi idiotes que drôles, avec Jackie qui s'efforce de
concilier vie de flic et vie privée entre Brigitte Lin et Maggie
Cheung. Cette dernière, qui débute ici, ne fait certes pas d'étincelles
mais assume très bien son rôle de fiancée mimi, et son personnage sera mieux
exploité dans les suites de la franchise.
Le récit bascule soudainement aux 3/4 du film,
lorsque le héros, excédé et désespéré par le machiavélisme et l'impunité des
méchants, pête soudain les plombs. L'humour de son personnage est alors éjecté
au profit d'une impitoyable vendetta. La baston finale dans un gigantesque
centre commercial est d'une rapidité et d'une violence époustouflante, un
véritable ballet qui fait mal et laisse la mâchoire pendante. Les cascadeurs s'en prennent
vraiment plein la tête et Jackie Chan confirme s'il en était encore besoin sa
folie douce, lors d'un saut encore plus risqué que dans Project A, le
long d'une rampe qui doit bien faire une trentaine de mêtres de haut et
recouverte de guirlandes électriques. Saut qui s'achève avec la traversée d'une
verrière ! Ici encore, la stupéfaction du spectateur est produite à la fois par
l'intensité dramatique des situations et par les incroyables risques physiques
pris par Chan et ses cascadeurs. Surtout que même si on devine certains trucages, la
force des coups et le fait que certaines chorégraphies ne laissent aucun droit à
l'erreur font bien se dresser les cheveux sur la tête.
Drunken master II (Combats de maîtres), Liu Chia
Liang+Jackie Chan, 1994
Véritable apothéose de la kung fu comedy qui
enchaîne les morceaux de bravoure pour la plus grande jubilation du spectateur.
Jackie Chan reprend le rôle de Wong Feihong plus ou moins là où il l'avait
laissé dans l'excellent premier volet réalisé presque vingt ans plus tôt par Yuen
Woo Ping, sauf qu'ici on a droit à un film esthétiquement bien plus luxueux
qui va surpasser non seulement l'original, déjà anthologique dans son genre,
mais même la plupart des productions équivalentes tellement les talents et
l'inspiration ont été ici réunis pour le meilleur. Et malgré son âge, Jackie Chan demeure tout
à fait crédible en garnement indiscipliné qui va pousser encore plus loin sa
maîtrise de la boxe ivre lors de fascinantes démonstrations, au grand désespoir
de ses parents. Casting de choc puisque le père est incarné par le sage Ti
Lung, tandis qu'Anita Mui compose un personnage inénarrable de mère
qui a érigé la mauvaise foi en art, et assure presque à elle seule les
scènes vaudevillesques les plus drôles. Liu Chia Liang lui-même,
prestigieux véteran de la Shaw brothers, joue le rôle du vieux maître. La
présence d'Andy Lau est anecdotique, et j'ai été content de recroiser le
très attachant et doué Chin Kar Lok, même s'il est trop rarement
utilisé.
Les chorégraphies sont phénoménales. Virtuoses et
d'une invention constante, elles ont en plus la bonne idée de durer longtemps
et d'exploiter toutes les possibilités offertes par les décors qui n'hésitent pas à chercher la complexité. La plus
spectaculaire est peut-être celle qui réinvente la bagarre d'auberge, où Jackie
et Liu Chia Liang font face à des dizaines de sbires armés de haches. Au milieu
du film, on a droit à l'inévitable séquence masochiste où Jackie subit la
nouvelle humiliation de sa vie avant de gagner en maturité et de s'engager pour
un ultime affrontement. Lors de ce dernier acte, le personnage possède une
vraie classe, vêtu d'un costume traditionnel chinois (le même que celui de
Jet Li dans les Il était une fois en Chine). Le climax, au cœur des
flammes d'une mine de charbon, est une scène que je pourrais me passer
inlassablement tellement ce qui s'y déroule dépasse l'entendement. Le jeu de
jambe du boss de fin Ken Lo est juste incroyable. C'est pour moi à la fois le chef-d'œuvre de la star, et celui d'un genre.
DOSSIER JACKIE CHAN :
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