12 novembre 2018

Le Cinéma de M. Night Shyamalan IV. 2013-2015

After earth, 2013
Un film sans intérêt, donc nul au sens propre. Pour le peu qu'on en voit, la direction artistique se fait plaisir mais ses partis-pris ne m'ont vraiment pas convaincu (costumes, décors, tableau de bord avec de jolies loupiottes), faisant vraiment S.F. de pacotille. Cette histoire de lien à consolider entre un père et un fils pouvait donner lieu à pas mal de variations intéressantes, voire même créer de l'émotion, le père étant contraint d'assister impuissant aux difficultés du fiston. Involontairement, leur liaison par oreillette m'a quand même fait penser à la série Tonnerre mécanique, avec le pote du motard qui le guide depuis son QG, et ce n'est pas le genre de référence que j'attendais. C'est peut-être là la seule vraie audace du film, rendre la superstar Will Smith impotente pour mieux mettre en lumière son héritier.

Aussi simple soit-il, le concept de monstres qui doivent susciter la terreur chez leur proie pour pouvoir les voir est une idée très cinégénique, un terrain de jeu idéal pour un réalisateur tel que Shyamalan qui avait précisément su revitaliser la façon de filmer ce sentiment de la peur. Sauf que le scénario ne semble jamais vouloir sortir des conventions, les péripéties n'ont strictement aucune originalité ni imprévisibilité, et l'on n'est du coup jamais inquiet. Le père ayant appris à dompter ses émotions ne nous fait pas partager grand chose de ses craintes, et l'on devine que le jeune héros finira à son tour par effacer sa peur lorsque l'Ursa montrera le bout de sa truffe.

Cette volonté plutôt louable d'un récit très épuré et construit comme un jeu de plateformes n'abouti donc qu'à un spectacle parfaitement fadasse qui m'a laissé l'encéphalogramme plat, voire a encouragé mes commentaires cyniques : le vaisseau se crashe au premier champ d'astéroïdes traversé, par contre tous ses gadgets continuent à être parfaitement opérationnels, sauf bien sûr la précieuse balise, qui a en plus le défaut de ne pouvoir fonctionner qu'au sommet d'un joli volcan... Même la mise en scène ne m'a procuré aucun frisson, alors que cette aventure au sein d'une terre hostile et désertée par l'humanité avait tout pour devenir épique. Le prologue est lourdingue, les cabrioles du héros avec des créatures numériques n'entraîne aucune implication du spectateur, le flashback qui révèle le traumatisme originel est visuellement peu stimulant. Ça me désole encore plus quand je repense ou revois les premiers film du réalisateurSixième sens avait révélé un vrai talent, plein de sensibilité dans son écriture comme dans sa direction d'acteur (Bruce Willis, Toni Collette, Mel Gibson, Joaquin Phoenix et Bryce Dallas Howard y avaient l'occasion de livrer des performances poignantes), aux choix de mise en scène passionnants, en particulier dans son approche du cinéma fantastique où les effets spéciaux étaient quasiment absents. Là, on voit tout et on ne ressent rien. La déception est de mise donc.




The Visit, 2015
Voir Shyamalan s'atteler à un film s'inscrivant dans la grosse mode du "found footage" — relancée par les succès de Rec et autres Paranormal activity — peut légitimement entraîner un premier sentiment de déception. Le genre suppose en effet une mise à l'écart du réalisateur, une relative indistinction dans les choix formels. Or si le cinéma de Shyamalan a aussi été si passionnant à suivre, en tous cas dans ses premières années, c'est bien pour la maestria de sa mise en scène. Toutefois, en confiant sa caméra à un personnage de jeune apprentie-cinéaste, le petit malin qu'il demeure trouve le moyen de ne pas totalement s'abstraire, en faisant assumer à son alter ego de vrais choix dans le cadrage et le montage. La valeur ajoutée de The Visit réside précisément dans ce dispositif du film en train de se faire, mettant à nu ses ressorts. Les personnages commentent en direct certains procédés utilisés, en particulier ceux éculés du cinéma d'horreur. Puisqu'il est acquis que le travelling est affaire de morale, Shyamalan se livre ainsi à un véritable questionnement de l'éthique du réalisateur, de l'usage de la musique en contrepoint, à la façon dont on donne la main (ou pas) à son spectateur.

Car pour le reste, tourné sur les berges rassurantes de la Pennsylvanie, The Visit apparaît comme un film d'horreur presque familial. Habitué à jouer avec nos nerfs, le réalisateur se montre en effet étrangement timide dans ses effets, escamotant les séquences de terreur au lieu de les prolonger, ménageant son spectateur en lui permettant de relâcher la tension avant qu'elle ne devienne insupportable. On comprend vite qu'on n'aura plus rien à craindre lors des scènes de jour, surtout prétextes à développer un peu les personnages, à leur permettre d'exprimer la douleur intérieure qu'il s'efforcent de dissimuler. Ces séquences sont heureusement de vraies réussites, pouvant notamment s'appuyer sur l'excellente interprétation des deux jeunes acteurs, jamais inutilement agaçants.

Le film aurait pu (du ?) être bien plus inconfortable, avec ces enfants potentiellement victimes d'adultes dangereux, qui plus est dans un cadre familial qui devrait être rassurant. On sourit des allusions transparentes aux contes de Grimm, avec grand-père bûcheron et four de grand-mère. Même le climax est décevant, le réalisateur se montrant assez peu créatif dans sa gestion de l'obscurité, et carrément pudique en s'arrangeant pour faire opportunément tomber la caméra là où elle pourra rester dans la suggestion sans risque.


DOSSIER M. NIGHT SHYAMALAN :
IV. Filmographie 2017-2019 (prochainement)...

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