22 janvier 2018

Histoire permanente du cinéma italien, 1971-1973

Il Merlo mascio (Ma femme est un violon), Pasquale Festa Campanile, 1971
J'avais adoré ce film, petit bijou de l'âge d'or de la comédie italienne, plein d'idées farfelues et vraiment très très drôle. On est certes dans un registre plutôt paillard, mais qui se garde de jamais sombrer dans la complaisance scabreuse propre aux sexy-comédies transalpines (qui y ont cependant certainement  puisé leur inspiration). Seules comptent ici la dimension humoristique et cruellement satirique, avec l'histoire de cet homme incapable de voir sa femme comme un objet de désir et qui va en quelque sorte exploiter les fantasmes des autres pour mieux existerLes scénaristes mêlent ainsi avec autant de bonheur satire sociale et situations comiques, le ton devenant de plus en plus grinçant. Et le réalisateur se fait plaisir en mettant en valeur une Laura Antonelli tout simplement renversante de beauté. 

La narration subjective autorise toute une série de visions et fantasmes savoureux, qui ne sont clairement pas sans évoquer le Billy Wilder de Sept ans de réflexion, qui égratignait déjà bien la figure du mâle dans les années 50. Ça m'a rendu très curieux du reste de la filmographie de Festa Campanile, mais je n'ai pas eu depuis l'occasion depuis d'en poursuivre la découverte.




La Polizia è al servizio del cittadino ? (La Police au service du citoyen), Romolo Guerrieri (aka Romolo Girolami), 1973
Enrico Maria Salerno joue les super-flics luttant contre la corruption généralisée et les lourdeurs administratives de sa hiérarchie. Malgré que ses déductions voient toujours juste, ses supérieurs s'obstinent à lui demander de réunir des preuves pour boucler le mafieux qui fait régner sa loi sur l'industrie d'import-export des fruits et légumes de la région (Daniel Gélin). Notre commissaire va donc menacer comme il faut quelques crapules, falsifier des preuves, entrer par effraction chez les bad guys et les cambrioler. Il est aidé en cela par son adjoint, un moustachu obsédé du cul qui trempe gentiment dans la combine. Le tout bénéficie du parrainage de Marlboro, les personnages ne cessant de brandir des paquets de façon un peu trop ostentatoire pour être honnête.

Tournant sous pseudonyme, Romolo Girolami se débrouille plutôt bien dans les scènes de filatures, mais son film sombre souvent dans le ridicule par le côté jusqu'au boutiste de son héros, énième avatar de Dirty Harry qui finira par rendre justice lui-même (« car si la justice tient dans une de ses mains une balance, dans l'autre elle brandit un glaive ! »). Vu dans son toujours subtil doublage français, le film est surtout définitivement plombé par pas mal de situations et de répliques bien rentre-dedans, tout le monde se traitant de « connard » et autres « fils de pute. » Cela dit, c'est vrai que dans la dernière demi-heure, l'ambiance s'assombrit pas mal, devient plus désespérée et qu'on cesse un peu de rire. Musique de Luis Bacalov plutôt sympa.





Revolver (La Poursuite implacable), Sergio Sollima, 1973
Pas de cinéma bis ici ou de comédie licencieuse. Cette fois c'est du grand, du très grand cinéma. Réalisateur génial des westerns du péon Cuchillo (Saludos hombre), Sergio Sollima se montre tout aussi inspiré dans le genre du polar, distillant ici encore en contrebande un intelligent discours politique au cœur du divertissement le plus efficace. Avec Bandits à Milan de Lizzano, c'est pour moi l'un des chefs-d'œuvre de ce genre, si typé mais qui s'est pourtant la plupart du temps circonscrit aux exigences du cinéma d'exploitation (par exemple, chez Castellari). 

Reflet tétanisant de ces années de plomb que connaissait alors l'Italie, Revolver est un film époustouflant, très dense et assez imprévisible dans sa progression. Il n'a finalement pas grand chose à gagner à être artificiellement relié à un genre, puisqu'il relève à la fois du thriller, du buddy movie, du brûlot politique, du drame et du film d'action. Ses personnages sont faits de chair et de sang, se voyant ici élevés pratiquement au rang d'icônes tragiques. Inattendu dans cet univers, Oliver Reed est monumental, tandis que Fabio Testi impressionne par son jeu plein de fièvre, trouvant sans doute ici son meilleur rôle. Et si ça ne suffisait pas, les talents réunis ici se voient encore secondées par une mémorable partition de Morricone. J'ai un petit faible pour la jolie chanson interprétée par Daniel Beretta (qu'on connaîtra mieux plus tard comme la voix française de Schwarzenegger) qui joue dans le film une sorte de sous-Polnareff :

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