2 février 2017

Le Cinéma de George Roy Hill III. 1982-1984

The World according to Garp (Le Monde selon Garp), 1982
(...Rien que de revoir l'affiche ça me réchauffe le cœur, et me transporte à l'époque où elle squattait les murs du Grand Pavois, cinéma de quartier parisien qui a accompagné mon enfance...). En 1978, John Irving voyait sa carrière sauvée par le succès du Monde selon Garp. Pas intimidé, George Roy Hill se met courageusement à la barre pour transposer à l'écran le génial récit d'Irving. Pour l'anecdote, on notera que la carrière du romancier est liée de près à celle de Kurt Vonnegut, l'auteur de Slaughterhouse-fiveprécédemment adapté par Hill : Irving fut en en effet son élève au prestigieux atelier d'écriture de l'Université de l'Iowa. C'est Steve Tesich, l'auteur de Karoo, qui est chargé de tirer un scénario de ce bestseller jugé à juste titre inadaptableLe résultat est une adaptation vraiment intelligente qui rend bien l'essence de ce roman foisonnant à la voix si originale.

Sans jamais paraître à la traîne, le film pioche en effet ce qu'il y a à piocher dans le roman, et non seulement il n'y a nulle trahison mais tout son propos m'y semble restitué sans simplification : récit initiatique, portrait de couple, réflexion sur la création artistique, sur la sexualité, la filiation, le tout s'inscrivant dans un contexte de bouleversements sociologiques importants. Une nouvelle fois, Hill s'avère être le réalisateur idéal de cette histoire pleine de grotesque, d'humour et d'émotion. J'y retrouve avec délices son art de la tragi-comédie auquel je suis si sensible, et plusieurs scènes sont absolument poignantes. 

Car la folle biographie de Garp ne serait qu'une fable lassante si sa pleine humanité n'était pas incarné par des comédiens capable de jouer la juste note, de trouver le fragile équilibre entre farce et authenticité. Et c'est ici le cas, avec dans un de ses premiers rôles un Robin Williams aussi magnifique que bouleversant, une Glenn Close parfaite et surtout un mémorable John Lithgow, acteur que j'adore croiser et qui ici coupe le souffle dans le rôle casse-gueule de Roberta. Le film est une réussite absolue, que je place même assez haut dans mon panthéon personnel, un des rares exemples d'adaptation littéraire qui parvient à la fois à ne pas faire d'ombre à sa source ni à souffrir d'être dans la sienne.



The Little drummer girl (La Petite fille au tambour), 1984 
En vedette, une Diane Keaton étonnante dans ce qui est à nouveau une adaptation particulièrement ambitieuse et réussie d'un roman du grand John Le Carré. Un auteur qui m'impressionne par cette capacité qui est la sienne de traiter de problématiques géopolitiques brûlantes, sans jamais perdre de vue des personnages peints dans toute la complexité de leurs tourments. C'est pour moi un très grand écrivain, et il serait injuste de circonscrire son talent à la simple étiquette du roman d'espionnage. Naturellement, ses fictions ont souvent inspiré les cinéastes (Lumet, SchepisiBoorman, Mereilles), et cette Petite fille au tambour fait sans doute partie, avec L'Espion qui venait du froid de Martin Ritt des adaptations les plus convaincantes

Le film de Hill déroule donc sans complaisance son histoire d'espionnage et d'infiltration sur fond de guerre au Moyen-orient. Keaton y interprète une actrice ralliée malgré elle aux services secrets israéliens, invitée à jouer un jeu dangereux dont elle ne contrôle pas les règles et qui mettra à rude épreuve ses convictions. Particulièrement bien rythmé, le scénario avance ainsi de façon implacable, passant d'une ambiance à l'autre de façon imprévisible, creusant plusieurs pistes toutes passionnantes qui parlent frontalement de notre monde.

Au cœur de ces enjeux, se débattent les personnages. Aux côtés d'un Klaus Kinski livrant une interprétation étonnamment maîtrisée, on croise également un Sami Frey au charisme puissant. Une nouvelle fois, Hill fait très fort avec un film qui semble tracer sa propre voix sans chercher à répondre aux seules attentes d'Hollywood. Par son ton assez glaçant, et son approche désabusée du boulot inhumain qu'est celui des espions, on est ici dans la lignée des excellents The Falcon and the snowman de Schlesinger, des Patriotes d'Eric Rochant, ou du Munich de Spielberg.


DOSSIER GEORGE ROY HILL :

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