4 novembre 2018

Le Cinéma de Dario Argento II. 1982-1985

Tenebre (Ténèbres), 1982
Un giallo rigolo en forme de retour aux sources pour Argento, alors que le genre est un peu passé de mode. On y retrouve ses principaux codes — jusque dans la mise en vedette d'une petite star hollywoodienne en la personne de John Saxon (Enter the dragon), comme il y avait eu Karl Malden et James Franciscus pour Le Chat à neuf queues. Quand j'écris "rigolo", je ne sous-entends évidemment pas qu'il s'agit de comédie, mais derrière l'impact des scènes de meurtres, toujours très imaginatives et prétextes à des tours de force technique, le spectateur s'amuse beaucoup à suivre ces personnages d'apprentis détectives chassant les indices et invités à multiplier les hypothèses pour confondre le coupable.

Lorsque toutes les pièces du puzzle auront été reconstituées, Argento dévoile alors dans son intégralité le tableau du traumatisme fondateur, et s'offre dans la foulée un climax aussi spectaculaire qu'ahurissant d'improbabilité. Difficile donc de prendre tout cela au sérieux, d'autant qu'il se dégage du film une assez agréable atmosphère de promenade touristique dans les rues de Rome, avec les deux jeunes guides qui encadrent le personnage de l'écrivain, ce dernier abordant dans un premier temps l'enquête avec décontraction. En VF, le tout est joliment emballé par des grandes voix du doublage.




Phenomena, 1985
Impossible de ne pas voir ce film comme un prolongement au Suspiria de 1977, avec nouvelle protagoniste orpheline au don de clairvoyance, livrée à elle-même au sein d'un pensionnat repaire de sorcières, et progressant dans un monde de dangers telle une Alice au pays des horreurs. On y croise un singe flippant mais aussi le mercenaire Donald Pleasance en chapelier fou. Certains travers n’échappent pas au ridicule, mais une poésie intéressante s’en détache parfois, avec ces sortes de fulgurances dont le cinéaste a le secret, quand bien même leur sens nous échappe. Je n'y retrouve cependant pas la même patine et la même fascination onirique que dans Suspiria, l'image est ici plus terne moins flamboyante.

N'ayant pas revu le film depuis une lointaine diffusion TV, je reste malheureusement bloqué sur le choix musical opéré ici par Argento qui décidait cette fois de ne pas passer commande aux Goblin. En soi, j'aime beaucoup Iron Maiden et Motörhead, mais leur incursion ici est à mes yeux catastrophique, en raccord ni avec le sujet ni avec le rythme des séquences, quand bien même Argento fait beaucoup d'effort pour composer de vertigineux travellings. Le résultat est à mes oreilles autant déplacé que celui du Ladyhawke, de Donner (réalisé bizarrement à la même époque). Je doute que ça ait pu être efficace à l'époque, mais alors aujourd'hui c'est redoutable et cela ruine complètement l'implication sérieuse du spectateur ! Pourquoi Dario, pourquoi ?




Opera (Terreur à l'opéra), 1987
La recette est bien en place, toujours la même, jeu de cache-cache entre un tueur en série et une héroïne en quête d'elle-même, permettant au cinéaste de laisser libre cours à ses macabres mises en scènes, le tout dans le cadre forcément très italien de l'opéra. Le film se présente donc comme une succession de moments d'anthologie, d'idées de scènes souvent géniales — dont une en particulier qui reprend la dérangeante dialectique de la cruauté et du voyeurisme là où l'avait laissée Michael Powell avec son Peeping Tom

Passée cette scène extraordinaire, l'intérêt du film décroît inévitablement, les suivantes n'atteignant jamais la même intensité et le même degré de stupéfaction. Cette construction qui ne cherche ni l'équilibre ni la raison, finit par rendre l'intrigue proprement dite guère captivante, tant elle apparaît ouverte aux quatre vents. Production difficile et mal distribuée, Opera sera le dernier film de la décennie qu'Argento réalisera avec l'assistance de Michele Soavi, aussi bien au scénario qu'à la mise en scène, désormais prêt à prendre la relève avec son propre univers.



DOSSIER DARIO ARGENTO :

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