7 février 2019

Kings of Hong Kong II. 1982-1989

The Miracle fighters, Yuen Woo-ping, 1982 
Produit par Golden harvest, le film ne brille pas par un scénario réduit à son plus simple argument, histoire de vengeance et de relation maître-disciple telle que l'industrie en a produite à la chaîne. Yuen Woo-ping n'a pour objectif que de concocter une suite d'affrontements délirants, de la première à la dernière image. Le recours à la sorcellerie lui autorise toutes les audaces, pour un résultat pas si éloigné des ghost kung fu comedies de Sammo Hung qui triomphent à la même époque au box-office hongkongais. 

Ici, les moines taoïstes sont plus proches de Gérard Majax que des sorciers chinois. On n'est même plus dans le ballet mais bien dans le grand numéro de cirque, avec escamotages en tous genres, équilibrisme et manipulations à vue. Ça ne se prend pas une seconde au sérieux, et les idées de chorégraphies sont jubilatoires (mention spéciale à la séquence du faux nain sur son banc). L'humour y est sans complexe, à l'image du cabotinage outrancier des comédiens, dont un méchant au rire forcément démoniaque. Les scènes s'enchaînent sur un rythme trépidant, sans que jamais ne cesse l'étonnement du spectateur.




The Big heat, Johnnie To, Andrew Kam & Tsui Hark, 1988 
Un polar HK assez foutraque labelisé Film Workshop, dont le tournage fut apparemment chaotique et qui mérite assez sa catégorie 3. L'action s'enchaîne sans temps mort. La scène de l'hopital est à ce titre un grand moment de cinéma speed. Quand ça canarde, la bidoche gicle avec une générosité douteuse. Réalisé à plus de quatre mains, selon les méthodes de tournage hongkongaises expéditives, on conçoit que la cohérence de l'ensemble n'a jamais été un souci. Dans sa réalisation, le film semble tantôt traité par-dessus la jambe (scènes tournées à l'arrache en pleine rue), tantôt verse dans un lyrisme efficace, soutenu par une splendide musique signée David Wu (également monteur) où dominent les synthétiseurs. Les scènes d'actions ne sont pas toujours très claires, cherchant davantage à exprimer le danger et la fièvre. En terme de mise en scène, le climax sort vraiment du lot, avec cette fuite hallucinante du méchant en bagnole.

Dans ses grandes lignes, l'intrigue ne cherche pas l'originalité. Un flic torturé (Waise Lee correct), accepte une dernière enquête pour élucider la mort d'un collègue, dont de délicieux flashbacks montrent l'amitié passée. Quand j'ai vu débarquer sa copine dont la première réplique a été « Chéri, dans deux semaines nous nous marions... », j'ai su tout de suite que le scénario de Gordon Chan avait déjà décidé de la faire assassiner. La retrocession de Hong Kong huit ans plus tard sert déjà de background. On nous montre une société en pleine deliquescence, les autorités comme la police sont corrompues, la mafia locale s'allie avec les Russes et les big boss des multinationales s'avèrent n'être que des pantins. Le film prend également l'apparence d'un buddy movie dégénéré puisqu'il ne s'agit pas de deux potes flics mais de quatre, chacun sommairement caractérisés mais néanmoins convaincants, où l'on retrouve notamment un flic malaisien qui ne quittera pas sa paire de lunettes noires (assumé comme une excentricité), un bleu gaffeur destiné à mourir le premier, et surtout le génial Phillip Kwok également à l'œuvre aux chorégraphies. En salopard intégral, Paul Chu est impayable. Film certainement pas inoubliable, mais réjouissant par son côté viscéral.




A better tomorrow III (Le Syndicat du crime 3), Tsui Hark, 1989 
Un excellent cru, étonnant sur bien des points, qui bénéficie lui pour le coup d'un scénario vraiment solide. Je m'attendais à un truc un peu paresseux, aux visées avant tout commerciales destiné à exploiter le succès du diptyque de John Woo, produit par Tsui Hark et qui avait assis l'autorité de sa compagnie Film workshop. Il n'en est rien. Reprenant les rênes, Hark livre une œuvre étonnamment riche et complètement imprévisible. Il s'offre une vraie histoire romanesque mettant en scène des personnages attachants. Le film a de superbes moments et ne manque pas de lyrisme. Se présentant comme un prequel, il a en plus l'avantage d'être relativement autonome, repartant à zéro avec une intrigue se déroulant de Hong Kong à Saigon, alors que la guerre du Vietnam est sur le point d'éclater. On peut raisonnablement penser qu'il s'agissait pour le réalisateur d'origine vietnamienne d'un projet suffisamment personnel pour qu'il décide de le mettre en scène lui-même.

Alors qu'avec ses films Woo avait en quelque sorte redéfini une nouvelle écriture du cinéma d'action, celle-ci est ici très mesurée, et c'est sans doute ce qui peut destabiliser le spectateur s'attendant à un prolongement du polar fiévreux de maître Woo. On s'intéresse avant tout aux personnages, avec à leur tête un trio très émouvant formé par Chow Yun Fat (clope constammant visée au bec), Tony Leung Ka-fai (très attachant) et Anita Mui (vraiment resplendissante et magnifiée). Le ton est romantique jusque dans le désespoir, la mise en scène a un superbe style, avec de très beaux effets de ralenti. Le final est incroyablement fort, d'un noir lyrisme. On pourrait trouver kitsch le score 100% synthétique, personnellement j'ai bien aimé. Bref, un film vraiment passionnant, trop souvent ignoré dans la foisonnante filmographie du cinéaste.


DOSSIER KINGS OF HONG KONG :

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