23 mars 2020

Kings of Hong Kong X. 2008-2011

CJ7, Stephen Chow, 2008
Couronnés de succès chez lui comme à l'international, les précédents films de Stephen Chow (Shaolin soccerKung fu hustle) auraient pu laisser penser que le réalisateur allait pour son opus suivant faire preuve d'une ambition sans limite, affranchie de toute contrainte. Or, si ce CJ7 manque de quelque chose c'est bien d'ambition, au point qu'il sera à peine distribué chez nous. Chow s'offre une comédie fantastique gentillette — et j'écris ça avec une condescendance assumée — un film familial rempli de leçons de vie édifiantes. Il ne suffit pas cependant de peindre la relation entre un enfant délaissé et un extraterrestre pour espérer rivaliser avec E.T. L'alien de Chow n'est jamais vraiment incarné, réduit à la dimension d'un pauvre accessoire, échouant à susciter la moindre empathie.

Parce que destiné aux mômes, le film croit bien faire en sombrant dans des ressorts comiques qu'on jugera bien puérils, même s'ils correspondent finalement au registre de la comédie telle qu'elle se goûte à Hong Kong. Alors oui, on rigole quand même de la générosité cartoonesque des gags. Un peu d'humour caca-prout sans lequel on craindrait que Chow se soit totalement aseptisé. La réalisation est plutôt jolie, faite de plans larges et d'un découpage souvent élégant, mais les effets visuels sont dénués de poésie et la musique pauvrement générique. Bref rien qui marque, rien d'attachant.




Vengeance, Johnnie To, 2009
Nous voilà sans doute au sommet de la notoriété de Johnnie To en France. Les dernières productions de Milkyway image sont alors systématiquement distribuées en salle. La Cinémathèque française consacre une retrospective au cinéaste, occasion inespérée d'enrichir la connaissance de sa filmographie. Mais c'est bien la participation de Johnny Hallyday à Vengeance, sélectionné qui plus est à Cannes, qui lui offrira la plus grosse caisse de résonance, au-delà des seuls cercles cinéphiles. Malheureusement, passés la curiosité et l'argument publicitaire, ce choix de casting est bel et bien ce qui va plomber le film. Nommé Costello (hommage évident au Samouraï de Melville), le personnage de Johnny est en effet constamment vidé de son intérêt par le jeu inexpressif du comédien, incapable de susciter émotion, grâce ou force tranquille.

Il faut dire que To ne fait pas beaucoup d'effort pour asseoir son film. On assiste quand même au massacre d'une famille, enfants compris, et le réalisateur échoue à provoquer le moindre frémissement, la moindre empathie, pour appuyer le désir de vengeance du père, se rendant au chevet de sa fille agonisante (Sylvie Testud) comme s'il allait au bureau de poste. De même il y avait une belle idée à faire du protagoniste un homme menacé par l'amnésie, mais ça arrive un peu tard et sans donner lieu à des situations convaincantes (la reconnaissance des visages sous la pluie via les polaroïds). L'épilogue est dramatiquement plus réussi, avec l'abandon du héros au milieu d'enfants, heureux alors qu'il a certainement oublié le chemin qui l'a mené ici. Heureusement, le scénario trouve vite sa ligne directrice avec l'arrivée d'un trio de tueurs à gage, figure locale à laquelle s'accorde mieux le talent du réalisateur, à son meilleur lorsqu'il s'agit d'observer les dynamiques de groupe. Le goût pour le ballet et l'abstraction de To peut alors librement s'exprimer, le film dénudant au maximum son intrigue et ses dialogues. Les idées géniales de mise en scène se succèdent. L'ensemble manque donc d'équilibre, mais contient suffisamment de moments forts pour ne pas se voir boudé.




Detective Dee et le mystère de la flamme fantôme, Tsui Hark, 2010
Un récit qui ressuscite la saveur du feuilleton d'aventure, avec complot impérial, romance déjouant les obstacles, et personnages à démasquer d'autant plus doubles que même les catégorisés gentils peuvent basculer en méchants et inversement. Au centre rayonne un héros déchu : personnage charismatique précédé d'un passé prestigieux, Dee (Andy Lau) est une sorte de Sherlock Holmes virtuose aussi bien dans l'élucidation d'énigme que dans l'action. La bonne idée étant qu'il ne combat pas, mais évite les pièges, conservant la pleine maîtrise de son corps et de son esprit malgré les épreuves et les privations. Il est secondé ici par une galerie de personnages que le cinéaste réussit à rendre attachants, conservant en particulier son attachement aux figures féminines fortes. 

Pas de prétention mélodramatique cependant. Tsui Hark a à cœur de privilégier ici la notion de divertissement. Visuellement, le spectacle est ultra généreux, blindé d'effets visuels où l'on ne distingue plus le réel du virtuel, offrant des décors époustouflants d'inventivité (l'intérieur du bouddha géant, le marché fantôme). Les chorégraphies de Sammo Hung s'affranchissent de tout réalisme, et la caméra accompagne au plus près le ballet des corps. On ne peut cependant s'empêcher, et tous les films suivants du réalisateur ne feront que renforcer ce sentiment, de constater une forme de régression de la part de celui qui fut un des empereurs de l'industrie cinématographique de son pays. Time and tide restera comme une brèche laissée sans descendance, le cinéaste assume désormais sa mue de pur entertainer, avec des grosses productions qui ont perdu la rage et l'énergie folle d'hier.




Flying swords of dragon gate (La Légende des sabres volants), Tsui Hark et Jacob Leung, 2011
Hark ne cesse dès lors plus de tourner, enchaînant les superproductions en stéréoscopie. Réinvestissant une énième fois l'auberge du dragon popularisée par King Hu, ce Dragon gate célèbre aussi les retrouvailles du cinéaste avec Jet Li, volonté de ressusciter la gloire passée des Once upon a time in China. Avec une vraie boulimie, le réalisateur injecte dans son scénario ce qui pourrait donner lieu à 5 ou 6 films, chaque groupe de personnage ayant des objectifs différents, au risque qu'on ne saisisse pas exactement les motivations de tous. On y suit le regroupement d'un collectif disparate mais caractérisé avec efficacité, bandits, chevaliers, guerriers, héros justiciers, tous farouches mais avec leur propre code d'honneur, face à un pouvoir complotiste déterminé à exterminer toute rébellion. Et les femmes au même rang que les hommes. Curieusement, Jet Li n'est d'ailleurs pas placé au centre de l'intrigue. Malgré des trous narratifs, le couple qu'il forme avec la femme guerrière dégage une mélancolie qui rend ces amants magnifiques, animés d'un amour prêt au sacrifice.

Chorégraphies somptueuses et démesurées, faisant la part belle aux armes blanches en tous genre, signées cette fois Yuen Bun. Ce qui se traduira à l'écran par un festival de cascades mêlant câbles et assistance numérique. Résultat pas toujours de très bon goût, mais je comprends les intentions du cinéaste qui souhaite basiquement exploiter tous les outils à sa disposition pour porter ses visions à l'écran, sans limiter sa capacité d'imagination. Lorsqu'on découvre qu'un cyclone menace, on devine que Hark ne se privera pas d'y plonger bientôt ses affrontements et composer de nouvelles folles images.




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