Scénariste attitré du studio Milkyway image, Yau Nai-Hoi accepte de se faire seconder pour ce titre par les frenchies Julien Carbon et Laurent Courtiaud, ex-critiques de cinéma passés à l'Est, qui œuvreront encore à Hong Kong sur les scénarios de Black mask 2 et du Talisman avec Michelle Yeoh. Pour sa part, Running out of time s'impose comme une éclatante réussite, un bel exemple de ce style ludique que Johnnie To continuera à parfaire par la suite.
Excellemment menée, l'intrigue s'assume ici comme un mince prétexte pour filmer une amusante variation du jeu du chat et de la souris, ou du gendarme et du voleur. Soit d'un côté le stoïque et machiavélique Andy Lau en homme mourant et plein d'assurance qui n'a rien à perdre, et de l'autre le charismatique Lau Ching-Wan en super détective à la cool attitude, qui voit forcément toujours plus loin que ses collègues. Le duo est comme souvent chez To entouré de seconds rôles attachants, et le film bénéficie d'un humour pas trop lourd et d'une violence plutôt mesurée où priment surtout l'énergie de la scène et l'originalité des situations. Visuellement, le spectacle pourra paraître un peu terne, et on sent que le tournage a été expédié, mais c'est constamment prenant. Rencontrant un succès inattendu, Running out of time connaîtra une prequel opportuniste deux ans plus tard, coréalisée avec Law Wing-Cheong.
Excellemment menée, l'intrigue s'assume ici comme un mince prétexte pour filmer une amusante variation du jeu du chat et de la souris, ou du gendarme et du voleur. Soit d'un côté le stoïque et machiavélique Andy Lau en homme mourant et plein d'assurance qui n'a rien à perdre, et de l'autre le charismatique Lau Ching-Wan en super détective à la cool attitude, qui voit forcément toujours plus loin que ses collègues. Le duo est comme souvent chez To entouré de seconds rôles attachants, et le film bénéficie d'un humour pas trop lourd et d'une violence plutôt mesurée où priment surtout l'énergie de la scène et l'originalité des situations. Visuellement, le spectacle pourra paraître un peu terne, et on sent que le tournage a été expédié, mais c'est constamment prenant. Rencontrant un succès inattendu, Running out of time connaîtra une prequel opportuniste deux ans plus tard, coréalisée avec Law Wing-Cheong.
The Mission, Johnnie To, 1999
À cette date, l'amateur français de cinéma hongkongais devait se contenter de suivre de loin les carrières américaines décevantes des idoles d'hier, les John Woo, Tsui Hark et autres Ringo Lam. C'est avec The Mission, miraculeusement distribué en salles en 2001, que le cinéma de Johnnie To va connaître la consécration chez nous, qui culminera avec la rétrospective que lui consacrera la Cinémathèque française en 2008. C'est en tous cas par ce film que je découvrais le cinéaste, que je ne connaissais jusqu'ici que de nom en tant que réalisateur du diptyque Heroic trio / Executioners.
Sous la forme d'un polar avec mafieux et tueurs à gages, The Mission propose là encore une approche du genre presque iconoclaste, jouant à en déconstruire les codes jusqu'à l'os pour mieux les redistribuer. Pas de chevalier au premier plan, l'importance ici c'est le groupe, avec casting aux petits oignons : Anthony Wong, Lam Suet, Simon Yam, Eddy Ko, Wong Tin-Lam et autres tronches familières du studio. Cette façon d'observer un ensemble hétéroclite se constituer et éprouver sa solidité est bien typique du cinéaste, et ces petites frappes gangsters encore capables de se laisser aller à des jeux d'enfants ne sont pas très éloignées de la vision donnée par Kitano dans son merveilleux Sonatine. Avec une magnifique économie de moyens, le réalisateur réussit par la seule force de sa mise en scène à caractériser ses personnages et à contrebalancer le sérieux des situations par des touches d'humour qui lorgnent parfois vers l'absurde. Et lorsque l'action et le talent chorégraphique du cinéaste explosent au cœur de cette trame faussement légère, la jubilation du spectateur est totale. Un bijou.
Sous la forme d'un polar avec mafieux et tueurs à gages, The Mission propose là encore une approche du genre presque iconoclaste, jouant à en déconstruire les codes jusqu'à l'os pour mieux les redistribuer. Pas de chevalier au premier plan, l'importance ici c'est le groupe, avec casting aux petits oignons : Anthony Wong, Lam Suet, Simon Yam, Eddy Ko, Wong Tin-Lam et autres tronches familières du studio. Cette façon d'observer un ensemble hétéroclite se constituer et éprouver sa solidité est bien typique du cinéaste, et ces petites frappes gangsters encore capables de se laisser aller à des jeux d'enfants ne sont pas très éloignées de la vision donnée par Kitano dans son merveilleux Sonatine. Avec une magnifique économie de moyens, le réalisateur réussit par la seule force de sa mise en scène à caractériser ses personnages et à contrebalancer le sérieux des situations par des touches d'humour qui lorgnent parfois vers l'absurde. Et lorsque l'action et le talent chorégraphique du cinéaste explosent au cœur de cette trame faussement légère, la jubilation du spectateur est totale. Un bijou.
Time and Tide, Tsui Hark, 2000
Retour à Hong Kong pour l'enfant prodigue Tsui Hark, après le douloureux épisode hollywoodien. On sent le type regonflé à bloc pour la reprise en main de sa carrière. Mais le paysage a changé. Seule concession à la mode : le look des personnages, incarnés par des minets qui surjouent leur côté badass. Appliquant les expérimentations visuelles rageuses de The Blade au genre du polar à flingues, le réalisateur semble habité par une fureur formelle dont chaque parcelle d'image revendique un affranchissement définitif de toutes les contraintes artistiques qui pourraient encore subsister. Comme l'exprime le monologue d'ouverture, il s'agit de déclencher une sorte de nouvelle genèse.
Le résultat à l'écran est stupéfiant, passionnant dans sa façon d'inscrire quand même une histoire au milieu d'un chaos visuel dès l'introduction stroboscopique, où le spectateur se voit bousculé sans ménagement par un cocktail de néons aveuglants, de plongées vertigineuses et de personnages à peine présentés. Toujours animée, la caméra est autant malmenée que les personnages sont réduits à des pantins, à des corps pleins de fluides qui se vident. La matière filmique elle-même finit transformée en quelque chose d'organique, de viscéral. Loin de la bouillie visuelle des pires monteurs hollywoodiens qui confondent énergie et incohérence, la perte de repères crée quelque chose. Une frénésie prolongée en partie au-delà du film, puisqu'à partir de Time and tide, Tsui Hark ne s'arrête plus de produire et de tourner, sans toutefois reconduire le style paroxystique exprimé ici, qui demeure donc comme l'ultime point de non-retour.
Le résultat à l'écran est stupéfiant, passionnant dans sa façon d'inscrire quand même une histoire au milieu d'un chaos visuel dès l'introduction stroboscopique, où le spectateur se voit bousculé sans ménagement par un cocktail de néons aveuglants, de plongées vertigineuses et de personnages à peine présentés. Toujours animée, la caméra est autant malmenée que les personnages sont réduits à des pantins, à des corps pleins de fluides qui se vident. La matière filmique elle-même finit transformée en quelque chose d'organique, de viscéral. Loin de la bouillie visuelle des pires monteurs hollywoodiens qui confondent énergie et incohérence, la perte de repères crée quelque chose. Une frénésie prolongée en partie au-delà du film, puisqu'à partir de Time and tide, Tsui Hark ne s'arrête plus de produire et de tourner, sans toutefois reconduire le style paroxystique exprimé ici, qui demeure donc comme l'ultime point de non-retour.
Black mask 2 : city of masks, Tsui Hark, 2002
Après cet époustouflant Time and tide qui semblait remettre le compteur à zéro, Tsui Hark va étrangement enchaîner deux suites. D'abord Legend of Zu, puis cet improbable Black mask 2. Quand on voit le résultat, on se demande bien pourquoi un cinéaste en passe de retrouver les pleins pouvoirs à Hong Kong décide de se commettre dans un tel projet. Produit par Film workshop en 1993 à une époque où les superhéros à l'écran recommencent à devenir rentables (X-men, Spider-man), le premier volet avec Jet Li n'était déjà pas fameux et son héros ne manquait à personne. City of masks repose sur une intrigue débile qu'on croirait écrite par des enfants qui auraient trop regardé la série animée des Tortues ninjas. Le spectateur se farcit donc une bande de catcheurs mutants recalés d'un mauvais jeu video, dont l'interprétation est à la mesure des personnages. Quand on a Jon Polito, Traci Lords et Tobin Bell en têtes d'affiche, il est vrai que ça annonçait déjà la couleur. Même le successeur de Jet Li est pathétique d'inexistence.
Mais le plus inexplicable c'est que les scènes d'action — parfois le seul élément qui sauve les productions HK les plus indigentes — ne profitent en rien des présences conjointes de Yuen Woo-ping et Yuen Bun aux chorégraphies, que le réalisateur échoue à mettre en valeur. Face à des monstres en caoutchouc grimaçants, doublés d'effets numériques honteux, le public adulte ne peut être qu'embarrassé, persuadé d'halluciner. À un moment où mon cerveau s'est reconnecté, j'ai cru voir les personnages se battre à dos d'éléphants. C'est donc la grosse descente après les espoirs de Time and tide, un triste retour en arrière, avec ce navet cheap inférieur même à The Master (les personnages y étaient certes neuneus mais les situations au moins vraiment nanardes, et les fights de très haute volée). J'en déconseille la découverte aux complétistes, même par curiosité perverse.
Mais le plus inexplicable c'est que les scènes d'action — parfois le seul élément qui sauve les productions HK les plus indigentes — ne profitent en rien des présences conjointes de Yuen Woo-ping et Yuen Bun aux chorégraphies, que le réalisateur échoue à mettre en valeur. Face à des monstres en caoutchouc grimaçants, doublés d'effets numériques honteux, le public adulte ne peut être qu'embarrassé, persuadé d'halluciner. À un moment où mon cerveau s'est reconnecté, j'ai cru voir les personnages se battre à dos d'éléphants. C'est donc la grosse descente après les espoirs de Time and tide, un triste retour en arrière, avec ce navet cheap inférieur même à The Master (les personnages y étaient certes neuneus mais les situations au moins vraiment nanardes, et les fights de très haute volée). J'en déconseille la découverte aux complétistes, même par curiosité perverse.
P.T.U. (Police tactical unit), Johnnie To, 2002
Après un surprenant film de fantômes, My left eye sees ghosts, coréalisé cette même année 2002 avec Wai Ka Fai, To signe seul ce nouveau film qui se présente comme une contre-proposition subtile, répondant sur le fond aux attentes formatées du public tout en avançant en marge des exigences commerciales. Le cinéaste pose son rythme le temps d'une tournée de flic la nuit, filmée en quasi temps réel, narration tranquille, percée de soudaines accélérations. Le moteur de l'intrigue, révélateur du vrai visage des personnages, sera la recherche d'un flingue dans les rues spectaculairement désertes de la ville.
Anticipant sur le rendu nocturne en numérique de Los Angeles dans le Collateral de Michael Mann, le film se montre visuellement novateur. Hong Kong n'a jamais été filmée comme ça. Comme toujours chez Johnnie To, il s'agit aussi d'un film de groupe (de troupe, même), le metteur en scène appréciant de pouvoir mettre ses acteurs à l'honneur, et en particulier ici un Lam Suet qui entre davantage dans la lumière. Avec toujours une approche très prosaïque qui répugne à la moindre idéalisation, les flics étant avant tout montrés comme des prolos qui ne font pas forcément ce métier par vocation. Brillant.
Anticipant sur le rendu nocturne en numérique de Los Angeles dans le Collateral de Michael Mann, le film se montre visuellement novateur. Hong Kong n'a jamais été filmée comme ça. Comme toujours chez Johnnie To, il s'agit aussi d'un film de groupe (de troupe, même), le metteur en scène appréciant de pouvoir mettre ses acteurs à l'honneur, et en particulier ici un Lam Suet qui entre davantage dans la lumière. Avec toujours une approche très prosaïque qui répugne à la moindre idéalisation, les flics étant avant tout montrés comme des prolos qui ne font pas forcément ce métier par vocation. Brillant.
DOSSIER KINGS OF HONG KONG :
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