Une poignée de nouvelles écrites au cœur des ténèbres de la France occupée, publiées aux Éditions de Minuit, maison elle-même née dans la clandestinité. C'est merveilleusement écrit, absolument désespéré et véritablement poignant. Voire même assez courageux de la part d'un écrivain résistant que de concevoir un portrait humanisé d'officier allemand dans le récit qui donne son titre au recueil, et qui sera brillamment transposé à l'écran par Jean-Pierre Melville, à peine sonnée l'heure de la Libération.
De Vercors, je recommande également les extraordinaires Animaux dénaturés, étonnant conte philosophique, à mi-chemin entre le Huxley du Meilleur des mondes et le Pierre Boulle de La Planète des singes.
Roland Topor, Le Locataire chimérique, 1964
Une fable fantastique, digne de ces romans noirs sur l'absurde à la Kafka ou Gogol. Sur le fond, c'est une histoire assez horrible, et pourtant, parallèlement à ce sentiment, on est souvent tenté de jubiler face à la cruauté dont fait si généreusement preuve l'auteur envers son pauvre protagoniste. L'humour est grinçant mais derrière la caricature — et c'est la force du texte — la part de vérité fait froid dans le dos.
Se confronter à ce texte est évidemment aussi très intéressant comme occasion de constater à quel point le (génial) film de Polanski fit le choix de respecter à la lettre le roman de Topor.
Robert Merle, Un Animal doué de raison, 1967
Très bon roman. Le bouquin ne se résume pas à son seul postulat (des scientifiques qui tentent de percer le langage des dauphins), il est aussi étonnant dans son style. Merle y multiplie en effet les formats de texte, passant de gros blocs de paragraphes où pensées, dialogues et descriptions fusionnent, à de simples lignes dialoguées, issues d'enregistrements. Ça alterne ainsi entre la froideur militaro-scientifique et une vraie sensibilité dans l'introspection, avec des personnages forts et complexes.
L'arrière-plan politique est également très présent. Un animal doué de raison date de la fin des années 60 et est inévitablement marqué par la Guerre froide et l'intervention américaine au Vietnam. Bref, c'est passionnant, et même parfois émouvant. Dommage que l'adaptation cinématographique, à laquelle fut un temps attaché Polanski, mais finalement réalisée par Mike Nichols, soit un rendez-vous manqué, car il y avait vraiment matière pour en tirer une fable intelligente et un spectacle riche.
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