12 janvier 2017

The Sopranos, 1999-2007

The Sopranos, 1999-2007
Une série créée par David Chase
5 saisons de 13 épisodes et 1 saison de 21 épisodes
Avec : James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco, Michael Imperioli, Dominic Chianese, Steven Van Zandt, Tony Sirico, Joe Pantoliano...


De Rome à Game of thrones, en passant par True detective, la "HBO touch" reste décidément une valeur sûre, gage d'audace scénaristique, d'exigence visuelle et d'acting au diapason. Découverte tardivement, la série The Sopranos a mérité à mes yeux sa prestigieuse réputation de classique, fresque dotée d'un vrai souffle romanesque, aussi ambitieuse dans ses moyens qu'intelligente dans son traitement. Les saisons s'enchaînent et maintiennent leur très haut niveau de qualité. Les épisodes sont de temps en temps construits comme des one-shots, avec exploration/résolution d'un thème, ce dont on n'a presque plus l'habitude. C'est à chaque fois comme un petit film en soi, riche dans ses développements et ses enseignements, avec une richesse de situations qui témoigne d'une connaissance du milieu criminel presque effrayante. Le pilote démarre sur un postulat gonflé — le même que dans le Mafia blues d'Harold Ramis  où le parrain voit questionnée sa toute-puissance en consultation psy. Et il s'agira bien par la suite d'explorer en long et en large tout son univers intime, où la dimension personnelle se mêle à la dimension professionnelle, et sur plusieurs générations. 


Les personnages se présentent ainsi à nous dans toute leur complexité, ne craignant pas de mettre notre empathie à rude épreuve. Le temps nous est en effet donné de nous familiariser et donc inévitablement de nous prendre de sympathie pour la plupart d'entre eux, si pittoresques, et de se laisser convaincre par leurs valeurs. On partage ainsi de très près le quotidien de l'inénarrable Tony Soprano, entre la récupération en peignoir du journal déposé le matin sur la pelouse, et le retour tardif à la maison où on espère encore trouver dans le frigo les lasagnes qu'on réchauffera au micro-ondes. 

Le choc est alors d'autant plus percutant, lorsqu'un mouvement d'humeur, ou un geste brutal viennent soudainement nous rappeler qu'on est pas dans une famille banale mais bien chez des gangsters, soit des personnages qui sont par nature violents, odieux, grossiers, et donc moralement condamnables. C'est toute la force du show que de nous faire ainsi passer de façon vraiment bluffante du rire au dégoût, de la violence sèche à la tragédie poignante. Et cette façon de rendre inextricable le monde des affaires et de la famille est vraiment au cœur du projet. J'ai particulièrement apprécié que la série  s'attarde notamment sur tous les problèmes liées à l'éducation des mômes, que l'on voit grandir au fil des saisons. Tout est rendu avec un remarquable souci de crédibilité, de la description du milieu aux dialogues des nombreuses engueulades.

James Gandolfini, patriarche gangster en pleine crise de la quarantaine, trouvait là le rôle de sa vie, lui qui se voyait jusqu'alors coltiné à des apparitions éclairs au cinoche (parfois mémorables, comme dans le True romance de Tony Scott). Et il est entouré d'acteurs merveilleux, qui sont autant de trognes que de personnalités, au milieu desquelles le parcours heurté de Christopher Moltisanti — épatant Michael Imperioli — est sans doute le plus touchant. La série se joue avec finesse des inévitables références cinématographiques sur le sujet (de The Godfather, à Goodfellas), sauf qu'on n'est pas chez les gros poissons mais dans la mafia provinciale du New Jersey, et c'est précisément ce léger décalage, opéré dès le générique d'ouverture qui nous embarque loin de New York, qui va permettre de renouveler la peinture de cet univers si codifié, où la violence peut à l'occasion se teinter de pathétique.

Découpée en deux parties, la saison 6 donne peut-être l'impression d'être moins inspirée, d'avoir une écriture moins assurée. Il s'y passe pourtant des choses, mais ça traîne un peu la patte, et les auteurs semblent bizarrement s'acharner à creuser des pistes qui n'aboutiront pas vraiment. Heureusement, ça s'améliore bientôt, chaque épisode se révèlant de plus en plus fort, voire émouvant. On se retrouve souvent pris à la gorge, et alors qu'on s'approche de la fin, la noirceur semble tout envahir. Et c'est sur une mémorable dernière séquence, aussi belle que courageuse, que s'achève le précieux partage avec toutes ces existences (« Don't stop !... »).



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