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22 avril 2019

Kings of Hong Kong VIII. 2004-2005

2046, Wong Kar Wai, 2004
Le cinéaste profite de sa consécration sur In the mood for love pour obtenir les pleins pouvoirs, exploiter les stars les plus en vogue du moment, et s'affranchir définitivement des contraintes de production et des méthodes traditionnelles de tournage et d'écriture. Je n'ai vraiment pas su comment entrer dans cet étrange objet filmique, qui s'offre telle une rêverie, au risque d'hermétisme. Parfois je tentais de me laisser porter par les images et les sons, mais bien vite je me rendais compte que la fascination ne pouvait jouer seule. La précision des dialogues et du monologue, le récurrence de certains plans (la terrasse de l'hotel), les musiques qui tournent en boucle, tout ça m'amenait à penser que quelque chose se racontait, que tous ces élements semaient les graines d'une histoire, qu'en perdre une miette ruinerait ma compréhension.

C'est au fond assez paradoxal. D'un côté on a une forme apparemment très libre et une construction éclatée, de l'autre on a une composition des plans très rigoureuse (champs / contrechamps sans profondeur, qui écrasent les personnages dans un décor qui tourne à l'abstraction), avec des éléments très importants montrés presque en images subliminales, à l'image de Maggie Cheung, pourtant rien de moins que le pivot du récit. Ne trouvant pas de position de spectateur idéale, j'ai suivi ça sans trop de passion. Au fond, j'ai eu l'audace d'estimer que Wong Kar Wai racontait mal son histoire. Certes tous les éléments sont là, il y a une cohérence incontestable, mais c'est communiqué avec une telle distance que j'ai été trop rarement ému. Seule la relation Tony Leung / Zhang Ziyi s'est révélée belle et touchante. C'est encore un peu confus dans mon crâne, mais j'avoue être resté perplexe pendant quasiment toute la durée du métrage. Certains films sont comme des rendez-vous manqués. Peut-être celui-ci mériterait une seconde chance.





Breaking news, Johnnie To, 2004
Johnnie To ne connaît décidément pas le pilotage automatique. Pas de repos pour les braves. Ses films se suivent et ne témoignent d'aucun essoufflement ou de facilité. S'il continue à creuser le registre du polar, le réalisateur démontre ici une maestria impressionnante et une vraie volonté de livrer un divertissement qui se plaît à travailler la forme, d'exprimer un vrai amour du cinéma bien fait.

Breaking news s'impose ainsi d'entrée de jeu par un phénoménal plan séquence d'ouverture en pleine rue, jouant aussi bien sur l'horizontalité que la verticalité de l'espace. Louée à juste titre, cette prouesse technique ne constitue heureusement pas le seul intérêt d'une œuvre qui a d'autres trouvailles à proposer. S'ensuit en effet un film de siège efficace, où l'on voit se débattre des deux côtés de la barrière flics et truands, comme autant de victimes d'une situation qui leur échappe, personnages intelligemment développés et incarnés par des acteurs charismatiques. Observation, tension et toujours ce talent du cinéaste à glisser quelques touches d'humour entre deux scènes d'action explosives supervisées par Yuen Bun. Le tout se double d'un commentaire sévère sur la façon dont les médias se complaisent dans la couverture d'une actualité en temps réel, tantôt manipulant, tantôt manipulés.




Kung fu hustle (Crazy kung fu), Stephen Chow, 2005
Déjà superstar chez lui, le comédien-réalisateur Stephen Chow connaît un inespéré triomphe international avec Shaolin soccer. Trois ans lui seront nécessaires pour son film suivant. Kung fu hustle déstabilise par la différence de traitement entre l'extrême soin accordé à la forme (décors ambitieux, lumière et cadrages joliment travaillés, riche musique), et la maigreur d'un scénario qui part un peu dans tous les sens et n'a a aucun moment le moindre souci de cohérence. Le personnage de Chow lui-même déçoit pas mal puisqu'il est en mode mineur pendant la majeure partie du métrage, à tel point qu'on ne peut pas vraiment dire qu'il y ait un personnage principal. Le spectateur ne sait trop du coup à qui s'attacher, le récit semblant manquer d'un véritable point d'ancrage.

Grand spectacle, le film se montre fort généreux en action, où Chow donne libre cours à ses visions, avec les complicités de Sammo Hung et Yuen Woo Ping. Personnellement, je ne suis pas trop fan de ce style de combats assistés par ordinateur. Ça peut certes donner de très belles idées visuelles, mais lorsque les effets sont techniquement pas très fignolés comme ici, le résultat est peu emballant, ne suscitant pas de vraies sensations. En dehors de ces réserves qui font que j'en suis sorti un peu déçu (car je partais très enthousiaste), le film est quand même bon, précisément par ce souci appréciable de la forme. Les gags sont nombreux et vraiment drôles, c'est spectaculaire, cruel, violent, cartoonesque, poétique. Big up, Stephen !




Seven swords, Tsui Hark, 2005
Il est toujours bon de revenir à des valeurs sûres, en l'occurence avec Seven swords Tsui Hark s'offre une énième resucée des Sept samouraïs, référence écrasante mais pas intimidante. J'en ignore les raisons, mais le film a été présenté comme une œuvre charcutée au montage. Je l'ai donc abordé comme s'il s'agissait d'une copie de travail, d'un bout à bout qui laisserait une moitié de métrage en plan. Mais Tsui Hark n'a jamais été reconnu pour la clarté de sa narration. Cela se ressent à certaines scènes pas très compréhensibles dans leurs enchaînements (l'apparition des guerriers), d'autant plus que sur certains brefs plans, l'obscurité ou le cadrage empêchent de distinguer vraiment l'action filmée. On pourrait regretter que les personnages soient peu développés, mais j'ai trouvé au contraire que ça renforçait leur côté archétype du héros. Ce sont un peu des figures mythiques qu'on vient réveiller dans leur montagne pour les rappeler au champ de bataille. De même, j'ai trouvé très réussie la caractérisation du bad guy, avec son rire sifflant et ses moments de lassitude.

Une fois ça admis, j'ai vraiment pris mon pied devant la splendeur de la photographie, le côté brut des décors et des costumes, et des chorégraphies câblées à couper le souffle qui ne cèdent pas aux effets numériques, auxquelles a participé le grand Liu Chia Liang. Il y a un côté brut que je trouve très réussi, collant parfaitement avec le côté rustre et barbare du monde que Tsui Hark cherche à peindre, tel un retour bienvenu à la fièvre de The Blade. Sa mise en scène est dans certains plans plus calligraphique que jamais. Certaines scènes sont géniales d'audace et de poésie. Le travail de la caméra, associé à celui du son, fait des merveilles. La générosité du réalisateur, notamment lors de l'ultime baroud, est comme un cadeau fait au spectateur. On devine parfaitement la puissance des différentes épées, et le duel final autour de Chimère est un pur morceau d'anthologie. C'est virtuose, ça fait mal et c'est beau.


DOSSIER KINGS OF HONG KONG :

2 octobre 2015

Jackie Chan forever

Project A (Le Marin des mers de Chine), Jackie Chan, 1983

Une comédie d'action spectaculaire située à Hong Kong au début du XXe siècle, pleine de rythme et d'invention. Les trois complices Yuen Biao, Sammo Hung et Jackie Chan sont réunis dans un récit particulièrement bien construit et d'une complexité plutôt bienvenue. Les personnages sont nombreux, ça circule entre différents genres. Jackie parvient à donner libre cours à son goût pour le pur burlesque, avec une bagarre de saloon mémorable, les situations vaudevillesques, qui culminent lorsque les héros infiltrent le repaire des pirates en jonglant avec les identités, sans oublier bien sûr des scènes de kung fu virtuose et puissant, et des cascades à couper le souffle dans des décors souvent très réussis. Et même si le film donne l'impression de ne jamais se prendre vraiment au sérieux, cela n'empêche pas l'affrontement final face au chef des pirates d'être impressionnant de brutalité et de rapidité. 


Bref, un spectacle hautement réjouissant, l'œuvre d'un  acrobate de génie, qui a su s'affranchir de l'héritage de Bruce Lee pour composer une identité sans pareille. Chan est ici particulièrement bien entouré. Sammo Hung est impayable de mesquinerie, Yuen Biao s'envole avec une grâce superbe, et lorsque tous combattent c'est un régal. On a même droit à un hommage à Harold Lloyd lorsque Jackie s'accroche aux aiguilles d'une horloge, pendu au-dessus du vide. Sauf que là, l'acteur lâche prise et on le voit faire une chute de plusieurs dizaines de mètres, passant à travers deux pauvres stores pour l'amortir, le tout filmé en un seul plan qui ne s'arrête pas de tourner lorsqu'il se relève et continue sa course avec ses amis qui l'attendaient en bas ! Le bêtisier en générique de fin montrera qu'avant de réussir cette prise il avait raté le deuxième store, s'écrasant au sol (on le voit alors se traîner en hurlant de douleur) ! Je ne sais pas si le public mérite ça mais en tous cas merci pour lui. 





Police story, Jackie Chan, 1986

On est vraiment au cœur de l'âge d'or du cinéma de Jackie Chan, avec ici des cascades et des bastons plus violentes que jamais. L'acteur-chorégraphe-réalisateur délaisse la kung fu comedy pour le polar d'action contemporain. Dès le début du film on assiste à la dévastation totale d'un bidonville par le passage de bagnoles en fuite, sur une pente dangereusement raide. Scène totalement ahurissante, qui place d'emblée la barre très haut. Par la suite on a droit à des scènes de pure comédie aussi idiotes que drôles, avec Jackie qui s'efforce de concilier vie de flic et vie privée entre Brigitte Lin et Maggie Cheung. Cette dernière, qui débute ici, ne fait certes pas d'étincelles mais assume très bien son rôle de  fiancée mimi, et son personnage sera mieux exploité dans les suites de la franchise.



Le récit bascule soudainement aux 3/4 du film, lorsque le héros, excédé et désespéré par le machiavélisme et l'impunité des méchants, pête soudain les plombs. L'humour de son personnage est alors éjecté au profit d'une impitoyable vendetta. La baston finale dans un gigantesque centre commercial est d'une rapidité et d'une violence époustouflante, un véritable ballet qui fait mal et laisse la mâchoire pendante. Les cascadeurs s'en prennent vraiment plein la tête et Jackie Chan confirme s'il en était encore besoin sa folie douce, lors d'un saut encore plus risqué que dans Project A, le long d'une rampe qui doit bien faire une trentaine de mêtres de haut et recouverte de guirlandes électriques. Saut qui s'achève avec la traversée d'une verrière ! Ici encore, la stupéfaction du spectateur est produite à la fois par l'intensité dramatique des situations et par les incroyables risques physiques pris par Chan et ses cascadeurs. Surtout que même si on devine certains trucages, la force des coups et le fait que certaines chorégraphies ne laissent aucun droit à l'erreur font bien se dresser les cheveux sur la tête. 





Drunken master II (Combats de maîtres), Liu Chia Liang+Jackie Chan, 1994

Véritable apothéose de la kung fu comedy qui enchaîne les morceaux de bravoure pour la plus grande jubilation du spectateur. Jackie Chan reprend le rôle de Wong Feihong plus ou moins là où il l'avait laissé dans l'excellent premier volet réalisé presque vingt ans plus tôt par Yuen Woo Ping, sauf qu'ici on a droit à un film esthétiquement bien plus luxueux qui va surpasser non seulement l'original, déjà anthologique dans son genre, mais même la plupart des productions équivalentes tellement les talents et l'inspiration ont été ici réunis pour le meilleur. Et malgré son âge, Jackie Chan demeure tout à fait crédible en garnement indiscipliné qui va pousser encore plus loin sa maîtrise de la boxe ivre lors de fascinantes démonstrations, au grand désespoir de ses parents. Casting de choc puisque le père est incarné par le sage Ti Lung, tandis qu'Anita Mui compose un personnage inénarrable de mère qui a érigé la mauvaise foi en art, et assure presque à elle seule les scènes vaudevillesques les plus drôles. Liu Chia Liang lui-même, prestigieux véteran de la Shaw brothers, joue le rôle du vieux maître. La présence d'Andy Lau est anecdotique, et j'ai été content de recroiser le très attachant et doué Chin Kar Lok, même s'il est trop rarement utilisé.



Les chorégraphies sont phénoménales. Virtuoses et d'une invention constante, elles ont en plus la bonne idée de durer longtemps et d'exploiter toutes les possibilités offertes par les décors qui n'hésitent pas à chercher la complexité. La plus spectaculaire est peut-être celle qui réinvente la bagarre d'auberge, où Jackie et Liu Chia Liang font face à des dizaines de sbires armés de haches. Au milieu du film, on a droit à l'inévitable séquence masochiste où Jackie subit la nouvelle humiliation de sa vie avant de gagner en maturité et de s'engager pour un ultime affrontement. Lors de ce dernier acte, le personnage possède une vraie classe, vêtu d'un costume traditionnel chinois (le même que celui de Jet Li dans les Il était une fois en Chine). Le climax, au cœur des flammes d'une mine de charbon, est une scène que je pourrais me passer inlassablement tellement ce qui s'y déroule dépasse l'entendement. Le jeu de jambe du boss de fin Ken Lo est juste incroyable. C'est pour moi à la fois le chef-d'œuvre de la star, et celui d'un genre.


DOSSIER JACKIE CHAN :