10 avril 2019

Walt Disney pictures presents (1948-1959)

Melody time (Melody cocktail), 1948
Entre Bambi (1941) et Cendrillon (1950), Disney est financièrement à la peine. Le studio cesse de produire des longs-métrages d'animation, ne distribuant en salle que des anthologies, forcément moins coûteuses. Melody cocktail regroupe pour sa part 7 courts-métrages qui, parce que conçus autour de la musique, auraient pu prétendre à une filiation avec Fantasia, sans cependant bénéficier du prestige de s'attaquer au répertoire classique ni du parrainage d'un chef d'orchestre mondialement respecté. Les interprètes sont ici des chanteurs populaires de l'époque (Roy RogersThe Andrew sisters), et par leur modestie les films sont bien plus proches de la légèreté, presque anecdotique, des Silly symphonies.

La thématique dominante est très ancrée dans l'Americana, incarnant une sorte d'innocence idéalisée des fondateurs de la Nation américaine, pas toujours du meilleur goût. Au programme : romance faiblarde sur fond de patinage hivernal,  histoire un peu niaise du pionnier Johnny Appleseed, numéro de danse avec Donald et José Carioca autour d'Ethel Smith, virtuose de l'orgue, dans l'esprit de Saludos Amigos et des Three Caballeros, avec des effets visuels psychédéliques avant l'heure. Seul le segment mettant en image un poème bucolique ravit par sa délicatesse d'exécution, et je retiens également la véritable histoire du cowboy Pecos Bill, segment complètement délirant, qui n'a pas grand chose à envier aux meilleurs cartoons de Dingo.




Lady and the tramp (La Belle et le clochard), Clyde Geronimi, Wilfred Jackson & Hamilton Luske, 1955
Si comme moi on n'éprouve pas de sentiment particulier pour les canidés, c'est franchement pas emballant. Le scénario est étonnamment peu ambitieux, en contraste flagrant avec le soin accordé à la réalisation où tout, des décors aux couleurs, témoigne d'une volonté de perfection. Disney était un des tous premiers studios sur les rangs pour exploiter le format nouveau du Cinemascope avec 20 000 lieues sous les mers. Je ne comprends dès lors même pas que pour sa première production d'animation en scope, l'Oncle Walt fasse le choix d'un sujet aussi anodin. L'histoire, plutôt intimiste, ne propose pas la moindre dimension épique pour s'accorder à ce qui se veut quand même encore à cette date comme un format spectaculaire.

Belle est un personnage sans caractère et peu futée. Ses voisins de chien sont inexistants et leurs scènes dialoguées ne m'ont jamais intéressé, ni amusantes ni spirituelles. Et surtout, au-delà d'un discours très superficiel sur le fait qu'il faut savoir se méfier des apparences, je ne sais même pas ce que le film cherche à raconter. Ça se conclut quand même sur une image de bonheur familial et domestique, en contradiction totale avec les convictions exprimées un peu plus tôt par le rebelle Clochard / Bandito, dont je pensais naïvement qu'on serait encouragé à les partager. En réalité, je me souvenais très bien de cet épilogue, mais pas de la critique exprimée un peu plus tôt par le héros dénonçant la vie derrière une clôture et faisant l'éloge de la liberté à travers champs.

Le film donne alors l'impression, pourtant peu probable, que les scènes s'enchaînent sans vraiment tenir compte de ce que les précédentes ont construit, avec même un mélange de tons bizarre (la mélopée des chiens de la fourrière, qui enchaîne séquence tire-larmes des petits chiots derrière leur cage et comédie). Les musiques sont plutôt passe-partout, la poignée de numéros chantés étant de peu d'intérêt. On sauvera donc 2-3 séquences qui émergent d'un ensemble assez terne, au premier rang desquels la mémorable à juste titre scène des spaghettis, ainsi que le génial numéro de sournois des chats-siamois. Au final, ce qui m'aura le plus séduit dans ce titre, c'est la qualité de l'animation mise en œuvre pour le personnage de Clochard, d'une subtilité et d'une expressivité telles que chaque seconde de présence à l'écran est un enchantement. L'anthropomorphisme disneyien à son sommet. J'ignore lequel des Nine old men en eut la charge, mais c'est clairement une contribution majeure à l'Histoire de l'animation, et un témoignage précieux de leur savoir-faire. J'ai même l'impression que tout le travail effectué ici sur les chiens, a par la suite été recyclé sur les films suivants du studio mettant en scène ces animaux (des Aristochats à Oliver et Cie en particulier, en passant par Rox et Rouky).




Sleeping beauty (La Belle au bois dormant), Clyde Geronimi, 1959
J'ignore si je l'avais vu en salle, lors d'une éventuelle reprise qui aurait pu avoir lieu dans les 80's. Toujours est-il que j'avais particulièrement envie d'y revenir depuis que j'avais découvert le travail graphique époustouflant sur les décors lors d'une lointaine expo Disney. Ce fut un régal. On est encore dans cette période glorieuse où Walt Disney aborde chaque nouveau projet avec une ambition folle, animé d'une volonté de pionnier. Je suis persuadé qu'en ce temps-là, opter pour le format large du Technirama 70mm en animation devait représenter des difficultés techniques insurmontables. Fleischer servit d'ailleurs de consultant sur ce film tout comme sur le précédent. Sous la direction artistique audacieuse de Eyvind Earle, le cadre est pleinement exploité pour créer du grand spectacle, jusque dans les références graphiques à bases d'enluminures médiévales et l'emploi d'une perspective aplatie, qui rendent chaque plan fascinant. L'animation est absolument exquise, de même que le choix des couleurs. Rien que celles bien particulières des trois fées témoignent de ce souci de perfection. Et c'est évidemment formidable de pouvoir bénéficier pour ce titre comme pour les autres du studio d'éditions vidéo si soignées, rendant justice à ce travail.

Comme souvent, le film est entièrement vampirisé par le méchant, et l'on guette avec gourmandise les moindres apparitions de cette sublime Maléfice. Son design, sa gestuelle, composent un personnage en tous points impressionnant. Et ça se prolonge jusqu'au sinistre château qui l'abrite. Tout le climax à partir de l'évasion du Prince est ainsi un pur morceau d'anthologie épique, que même l'intégralité de Taram et le chaudron magique ne parviendra pas à égaler : jeux quasi-expressionnistes sur les ombres et les couleurs, cadrages audacieux et dynamiques, effets visuels, bande son, etc. Le tout culminant par le design magistral du dragon dont le faible temps de présence à l'écran serait presque frustrant. On a vraiment l'impression que le studio est ici au sommet de son art, reprenant et améliorant encore toutes les expérimentations de Fantasia, cette capacité à harmoniser sons et images en mouvement. Je suis resté estomaqué par l'animation des étoffes, du tissu qui vole lors de la confection de la robe. Quand on pense que l'animation en CGI du tapis d'Aladdin avait impressionné tout le monde à l'époque, c'est encore plus admirable de se dire qu'ici tout résulte d'un travail manuel.

Une des autres qualités du film est de ne souffrir d'aucune baisse de rythme. L'histoire se déroule de façon idéale, et toutes les facéties dévolues aux fées ne viennent jamais gâcher l'intérêt du spectateur (contrairement aux pénibles souris de Cendrillon). Même le roi Hubert m'a amusé pour l'expressivité de son animation. Et j'ai adoré le personnage burlesque du troubadour discrétement porté sur la bouteille, dont je n'avais aucun souvenir. Alors oui, la princesse Aurore n'est qu'une potiche de plus, tristement caractérisée dès son entrée en scène par sa fonction de ménagère. De ce point de vue-là, on n'a pas évolué depuis Blanche-neigeLes chansons sont sinon charmantes, pas du tout envahissantes. Le duo dans la forêt entre le Prince et la Princesse est un petit bijou, digne d'un musical hollywoodien. Et c'est là encore une des heureuses idées de Disney que d'avoir directement pioché dans Tchaïkovsky pour sa bande son.



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