4 avril 2019

Histoire permanente du cinéma américain, 1951-1955

When worlds collide (Le Choc des mondes), Rudolph Maté, 1951
Film catastrophe assez inoffensif, empêtré qu'il est dans une intrigue qui à mon sens passe à côté de son sujet. Le premier acte n'est qu'une suite de mornes discussions scientifiques sur l'imminence d'une catastrophe qui laisse incompréhensiblement les personnages concernés sans réaction de peur. C'est produit par George Pal et je m'attendais à ce que cette exposition s'assume vite comme un pur prétexte pour mieux laisser la place aux spectaculaires destructions de masse promises par le titre accrocheur. Or le film est de ce point de vue-là cruellement chiche, limité à quelques plans certes réussis d'un tsunami déboulant au milieu du récit. Effets et incrustations corrects, mais sans réel impact, débarrassés qu'ils sont de toute présence humaine (pour le coup, j'aurais même apprécié quelques stock shots). Après ça, on revient à des scènes de parlottes, aux enjeux dramatiques misérables. On est quand même censés avoir assisté à la quasi destruction de la civilisation humaine, et ça n'inspirera aucune émotion particulière aux personnages. Je veux bien qu'on ne sombre pas dans le pathos, mais il y aurait tellement de conséquences intéressantes à exploiter, ne serait-ce que sur le plan mélodramatique, comme saura si bien le faire plus tard, sur un postulat semblable, un Deep impact.

D'inspiration clairement biblique (transposition explicite de l'Arche de Noé), le film nous épargne même tout jugement moral sur une société qui aurait mérité un tel cataclysme. Le seul personnage vraiment mauvais — un milliardaire égoïste — étant trop caricatural pour qu'on lui accorde du poids. Le film n'a pas davantage de saveur nanarde, quand bien même on pourra sourire de son absence totale de crédibilité scientifique (le voyage en fusée où tout le monde est gentiment assis, et l'arrivée sur Zyra où on ne se préoccupe à aucun moment de savoir si l'atmosphère est respirable). Finalement, la seule chose qui m'a un peu amusé, et c'est sans doute involontaire, c'est la caractérisation du héros, un pilote franchement benêt qui est systématiquement à la masse pendant tout le film, se laissant manipuler par les uns et les autres en protestant mollement. Le charme de la SF hollywoodienne des fifties n'est donc pas tellement au rendez-vous.



Lovely to look at (Les Rois de la couture), Mervyn Le Roy, 1952
Une comédie musicale de papy, bien qu'issue de l'écurie MGM, inspirée d'un show de Jerome Kern et dont j'ai trouvé les chansons assez pénibles, avec Howard Keel ici en insupportable crooner. Ça se regarde gentiment et dans la bonne humeur mais c'est quand même un peu nul, dénué d'exigence. Minnelli est censé avoir supervisé et réalisé le défilé de mode final, aux costumes et décors pas particulièrement enthousiasmants.

Les chorégraphies sont signées Hermes Pan, et c'est surtout cet élément qui sauve un peu le film, en particulier deux ou trois danses assez belles et inventives mettant en scène le couple Gower et Marge Champion, ainsi que quelques bouffonneries bienvenues avec le personnage de l'impresario joyeux fêtard et une vraie séquence de one-man-show de Red Skelton, qu'on croirait plaquée là pour remplir un métrage un peu léger.




The Prisoner of Zenda (Le Prisonnier de Zenda), Richard Thorpe, 1952 
L'affiche ainsi que le long affrontement final entre Stewart Granger et James Mason — légitimement réputé — ne doivent pas faire illusion. On n'est pas du tout devant un de ces swashbucklers à la Scaramouche qui connaissent à cette époque un nouvel âge d'or. Manifestement jugé porteur, le roman avait déjà été porté à l'écran pas moins de trois fois par Hollywood. Cette version Thorpe se la joue intrigue à la Cour, avec ce personnage de touriste qui s'avère comme par hasard être le parfait sosie du monarque d'un Royaume imaginaire d'Europe de l'Est, idée digne d'une aventure de Spirou, pour ne pas citer Le Dictateur de Chaplin.

La mise en scène de Thorpe est désespérément plan-plan, confirme finalement le caractère très théâtral de ce postulat. On suit une intrigue franchement peu passionnante, avec des scènes très vaudevillesques dans leur fonctionnement, et des dialogues sans éclats qui peinent à nous rendre émouvante la passion entre Granger et Deborah Kerr (cette dernière en deviendrait presque fade et c'est peut-être le plus désolant). J'en sauve néanmoins l'étonnante composition de James Mason en vilain, et donc ce véritable morceau de bravoure du duel, qui ne mérite cependant pas qu'on s'impose le visionnage intégral.





I'll cry tomorrow (Une femme en enfer), Daniel Mann, 1955
La femme c'est Lillian Roth, chanteuse américaine très populaire dans les années 30 incarnée ici par Susan Hayward (L'Attaque de la malle-poste). L'enfer c'est celui dans lequel la plonge l'alcoolisme. Le film est l'adaptation de ses mémoires, best-seller publié à peine deux ans plus tôt, et c'est assez triste. Entre une mère possessive qui a bousillé sa vie par sa volonté presque maladive de faire de sa fille une star dès l'enfance, entre ses déboires sentimentaux (les différents hommes qu'elle a connus, avec lesquels elle s'est mariée, étaient soit malades, soit idiots, soit violents), Roth finit par perdre son identité. Le titre original, que je trouve vraiment très beau, est parfaitement bien choisi, avec cette idée d'un chagrin qu'on s'efforce de nier, de sentiments qu'on tait pour mieux supporter la vie par le mensonge. Le récit est à l'occasion interrompu par quelques numéros chantés, mais c'est davantage la vie privée de l'artiste qui est au centre du film.

Hayward trouve ici un rôle en or et livre une performance époustouflante qui lui vaudra le prix d'interprétation à Cannes cette année-là. C'est particulièrement saisissant lorsqu'on compare ses premières apparitions sur scène, fraîche et enjouée, et les scènes qui la montrent dans la plus sordide et terrifiante déchéance. Le seul aspect déconcertant, mais nullement gênant, c'est qu'il n'y a pas vraiment d"effort de reconstitution et on a vraiment l'impression que tout le film se passe dans les années 50. La mise en scène de Mann est très sobre, peut-être un peu figée, privilégiant les plans-séquences filmés depuis le même angle, mais sert néanmoins bien l'histoire, dans un noir et blanc implacable. Ce qui fait qu'au final, j'ai bien envie de considérer ce drame comme l'un des meilleurs consacrés à l'alcoolisme, au même titre que le Lost weekend de Billy Wilder ou Days of wine and roses de Blake Edwards.

Aucun commentaire: