28 novembre 2015

007 génériques


Au temps glorieux de la VHS, je m'étais amusé à enregistrer à la suite les génériques de James Bond, franchise dont la mythologie m'intéresse davantage que les films proprement dits, après lesquels je n'ai jamais trop couru (j'en ai peut-être vu huit sur vingt-quatre d'un bout à l'autre, et il n'y en a vraiment aucun qui me satisfasse pleinement). Au sein de ce que j'appelle la mythologie James Bond, il y a donc ces génériques emblématiques, petits bijoux presque autonomes dont la grammaire, œuvre de Maurice Binder, est quasiment au point dès Dr. No (1962) et ses animations de pastilles colorées. Tous ceux que j'ai pu voir valent le détour, mais certains en particulier sont de vraies perles. Je laisse volontairement de côté le Casino royale de 1967 et son score exubérant par Bacharach, ainsi que Never say never again et l'embarrassante chanson kitschouille signée Legrand, deux titres qui n’appartiennent pas à la série officielle produite par Saltzman/Broccoli et ne reposent pas sur les mêmes principes esthétiques. 



001 : En 1963, l’année même ou Andy Warhol commence à utiliser sa Super-8 pour faire du cinéma expérimental, Maurice Binder inaugure pour From Russia with love le principe de projection des crédits sur les corps de femmes nues. Dans Goldfinger (1964), ces mêmes corps seront passés au filtre doré et reflèteront des extraits du film-même, tandis que la divine Shirley Bassey finit de rendre génial le morceau-titre :




002 : You only live twice (1967) plonge pour sa part dans le même bain geishas, volcans en éruption, ombrelles et autres figures japonaises et exotiques qui seront mises en action dans le récit. En fond sonore, le superbe thème musical de l'inévitable John Barry que chantera aussi Nancy Sinatra :




003 : Premier film de la série Roger Moore, le générique de Live and let die (1973) est assez réussi également, jouant sur l’imagerie vaudou et proposant un mélange d’érotisme (femmes nues) et de macabre (crânes qui s’enflamment) très évocateur et parfaitement rythmé sur la chanson de Paul McCartney & The Wings :




004 : J’aime vraiment le très beau générique de For your eyes only (1981), enrobant d'un habillage bleu aquatique la chanson-titre de Bill Conti (Rocky), un slow qui tue parfait pour un quart d'heure américain dans une boum de l'époque. Fait unique, sa chanteuse (Sheena Easton ou une doublure ?) chante à même l’image, comme s’il s’agissait d’un clip :




005 : The Living daylight est une chanson plutôt entraînante et comme toujours soigneusement composée et arrangée par a-ha, même si c'est loin d'être ce qu'ils ont fait de meilleur. Binder est cependant ici un peu à la peine, se contentant de recycler ses figures habituelles (projections sur corps, reflets d'eau), avec une relative paresse mais surtout un manque de moyens inattendu. Le résultat paraît en effet incompréhensiblement cheap, les effets semblant filmés sans les filtres habituels qui aurait permis de rendre les images plus glamour. 

Décédé en 1991, Binder ne participera donc pas au revival de la franchise opérée avec Pierce Brosnan et Goldeneye en 1995. C’est le clippeur Daniel Kleinman (Madonna, Van Halen, Pat Benatar) qui prend la relève et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’acquitte de sa tâche avec brio, faisant autant preuve d'inventivité que d'élégance. Film de l'après-chute du mur de Berlin, Goldeneye a pour tâche de signifier le basculement dans une autre époque, politique bien sûr, mais aussi technologique. Les images de synthèse vont ainsi remplacer les effets optiques du père Binder. Le générique est assez malicieux dans sa récupération des symboles du soviétisme désormais déchu. Des silhouettes de femmes se déhanchent ainsi sur des statues de Lénine abattues, qu’elles attaquent au marteau tandis que des faucilles tombent du ciel :




006 : Sur l’excellente chanson de Sheryl Crow, l'impressionnant générique de Tomorrow never dies (1997) reprend les motifs habituels filles et flingues avec un sens graphique encore plus abouti, renouvelant notre regard en les passant aux rayons X ou en les couvrant de circuits imprimés :




007 : Enfin, particulièrement remarquable, Die another day (2002) ne craint pas d'innover davantage encore. Déjà sur la séquence d’ouverture du "gun barrel", la balle tirée par Bond est matérialisée et on la voit foncer vers la caméra, effet peu subtil mais créant d'emblée du spectaculaire. Le générique en lui-même se permet pour la première fois d’être narratif puisqu’on y assiste aux tortures de l’agent secret dans les geôles nord-coréennes, superbement esthétisées si j'ose dire. Les premiers crédits apparaissent sur le visage de Bond plongé dans l'eau, puis défile un catalogue d’images belles et désagréables à la fois, mais plastiquement magnifiques : scorpions qui grouillent au sol dressant leur dard, talons aiguilles, fouets, Bond qui se prend des baffes et qui tombe au sol, créatures de feu et de glace qui viennent tantôt le soulager tantôt le violenter. Et pour les oreilles, l'association entre les cordes de Michel Colombier, le chant de Madonna et les sons de Mirwaïs participe de cette forme de tendre brutalité :



Kleinman poursuivra ce travail sur la période Daniel Craig. À l'exception de Casino royale dont l'imagerie et l'animation ne m'ont pas du tout convaincu ni paru à la hauteur, il est parvenu sur Quantum of solace et Skyfall a regénérer encore l'imagerie attendue avec de belles et élégantes variations.

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