1 octobre 2018

Game of thrones, 2011-2018


Game of thrones, 2011-2018
Créée par Daniel B. Weiss et David Benioff 
7 saisons de 67 épisodes
Avec : Peter Dinklage, Emilia Clarke, Lena Headey, Kit Harington, Nikolaj Coster-Waldau, Stephen Dillane, Jack Gleeson...


À force d'excellence, les séries U.S. ont fini par rendre blasés les spectateurs les plus exigeants. Personnellement, je n'en reviens toujours pas qu'on puisse produire quelque chose d'aussi ambitieux à la télévision. Dès le pilote s'impose un spectacle époustouflant et visuellement splendide, à l'image de son fascinant générique. On est dans la filiation de ces productions de prestige HBO qui ne lésinent pas à la dépense, comme Rome ou Boardwalk empire. Les moyens semblent démesurés, rien ne respire l'économie, de même que la violence et le sexe ne jouent pas les timorés. Les extérieurs naturels se voient complétés par un usage spectaculaire des peintures numériques afin de rendre absolument crédible cet univers. L'intrigue est solide et ne craint pas la noirceur. On est totalement emporté par la dimension tragique du récit qui fait vraiment honneur à la richesse déployée par George R. R. Martin dans son grand-œuvre littéraire. et ce jusque dans les savoureux jeux d'esprit des scènes dialoguées.

Non seulement il y a foule de personnages, mais de plus ceux-ci sont très justement caractérisés et incarnés, la plupart des comédiens trouvant ici le rôle de leur vie, quand bien même on aurait déjà pu les croiser ailleurs (Lena Headey, Peter Dinklage, Liam Cunningham). La trame narrative ayant tendance à se déployer en une vertigineuse arborescence, on aboutit inévitablement à un dispositif pesant, où l'on passe d'un fil à l'autre, perdant de vue certains personnages pendant plusieurs épisodes, avec parfois la fausse impression de ne pas progresser et le perturbant sentiment que les saisons se déroulent finalement sur une poignée de jours, alors que ça voyage en tous sens. Mais je ne vois pas comment ça aurait été goupillable autrement, à moins de drastiquement réduire les ambitions du scénario.


À force de faire crever les héros, de les faire revenir, de trahir les alliances, et donc de redistribuer sans cesse les cartes du jeu, la lassitude du spectateur peut cependant raisonnablement pointer. Les moyens sont toujours là, usés avec intelligence pour faire pleinement exister à nos yeux ce monde, ces paysages et ces murs. Mais parvenu à la saison 6, j'en venais à penser que le récit risquait d'être interminable, et ne savais finalement même plus ce que je devais espérer comme résolution au sac de nœuds de l'intrigue. Ça a été particulièrement flagrant quand Daenerys s'est retrouvée à rejouer exactement la même scène de sortie du bûcher que dans la première saison. De même Ramsay réendossant le rôle du seigneur sadique abandonné par Joffrey. Ces allures de remake qu'a parfois la sixième saison n'étaient pas de bons présages. Les dialogues se font moins enlevés, les répliques moins piquantes, alors que la qualité d'écriture était clairement un des points forts du show. Et puis, je n'ai pas bien saisi le fonctionnement et les buts du Dieu multifaces, assistant aux enseignements d'Arya sans beaucoup d'intérêt, même si ça donne lieu à de jolis moments. Enfin, le parcours de Bran, qui ne m'avait pas trop manqué jusque là, se poursuit laborieusement, même s'il aura au moins le mérite de nous offrir les très émouvantes origines d'Hodor.

Progressivement cependant, les scénaristes parviennent à rassembler leurs pions, obtenant par conséquent une narration plus ramassée, là où auparavant on subissait des enchaînements peu harmonieux de micro-séquences, qui s'efforçaient de montrer les avancées parallèles de chaque micro-groupe de personnages. Et l'on achève cette saison en ayant l'impression inespérée de n'avoir jamais été aussi près du happy end. Évidemment, tout est relatif, mais la noirceur de la série ayant toujours été poussée à fond selon la logique du pire, j'avais perdu tout espoir de saisir un jour la moindre lueur dans cet océan d'horreurs. C'est quand même ici chose faite, et même si rien n'est encore joué, j'acceptais de me contenter de ces miettes.


Je ne vais pas retarir d'éloge sur le morceau de bravoure de l'épisode 9. Je guettais l'apparition de Neil Marshall au générique, responsable des gros épisodes de bataille sur les saisons précédentes, et s'il n'a pas rempilé, son successeur Miguel Sapochnik s'en tire formidablement bien. Encore une fois, sans tomber dans la gratuité ou l'épate, on a une scène aussi efficace qu'impressionnante. Et puis mention spéciale à la musique de Ramin Djawadi, dont les orchestrations s'étoffent pas mal ici, enrichissant remarquablement tout le mystérieux montage parallèle du début de l'épisode 10.


Après une fin de saison 6 qui épurait pas mal les enjeux, rassemblant assez radicalement des personnages jusqu'ici éparpillés et confortant certaines alliances, je me disais que ça allait vite être plié pour la suite. C'était sans compter sur le sadisme des auteurs toujours prompts à déjouer les attentes. Je n'ai pas vu venir ces coups de théâtre, ces plans machiavéliques concoctés dans le dos du spectateur par les uns et les autres, et qui font vraiment toute la saveur et les délices du feuilleton.

L'autre aspect toujours aussi enthousiasmant, et pour lequel je m'en voudrais de paraître blasé, c'est la dimension spectaculaire et épique jamais prise en défaut. Depuis l'assaut des Sauvageons sur Châteaunoir, chaque saison va proposer une séquence de bataille capable de damer le pion aux meilleures superproductions hollywoodiennes. Leur réussite tient au fait que les réalisateurs s'arrangent toujours pour y mettre une idée intéressante, qu'il s'agisse de trouvailles visuelles qui vont en renforcer l'intensité, ou par les stratégies mises en œuvres, destinées à nourrir le suspense et toujours rendues lisibles à l'écran. Et c'est peu de dire que je vais longtemps garder en têtes ces images splendides de guerriers perdus dans un paysage de braises.



Passé ce coup d'éclat, ça se tasse un peu. Profitant de la relative réduction du casting, les scènes peuvent enfin durer un peu plus longtemps, offrant ainsi aux dialogues la possibilité de simplement développer les relations entre les personnages sans forcément servir exclusivement à faire avancer la narration. D'où peut-être aussi quelques temps morts, des moments moins captivants, voire des tentatives peu convaincantes de fabriquer du faux suspense (la rivalité forcée entre les sœurs Stark qui s'achève de façon un peu incohérente, même si brillante). Et puis un peu d'émotion puisqu'on assiste quand même à des retrouvailles inespérées (mais ça aurait pu/du être plus émouvant encore vu les épreuves subies par chacun).

C'est passionnant, horrible et émouvant. Je suis conquis et ne me gêne pas pour faire trôner cette série parmi les meilleures vues jusqu'ici. Les mots finissent par manquer. Décidément un sommet de la production télévisuelle — et comme cet adjectif paraît petit pour la qualifier.




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