29 septembre 2014

Let my people go !


The Ten commandments (Les Dix commandements), Cecil B. De Mille, 1956 
Un film que l'inconscient collectif rattache à notre enfance et aux multidiffusions de fin d'année. J'avais précédemment proposé le passage en revue d'une sélection de chouettes péplums.
De Mille avait réalisé une première version en 1923, mais il s'agissait d'un projet différent qui mélangeait scènes bibliques et contemporaines. Spectacle immense, pensé par son réalisateur et par la Paramount comme le plus grand film jamais fait, Les Dix commandements version '56 me réjouissent aujourd'hui comme hier. Les effets spéciaux sont toujours aussi impressionnants, et l'emploi de l'imagerie numérique ne rendrait pas plus belle la scène d'ouverture de la Mer Rouge. Le soin accordé à l'ensemble de la production, du choix des décors à celui des costumes, force l'admiration à chaque plan.

Charlton Heston incarne Moïse avec une sorte d'évidence qui fait qu'il est difficile d'imaginer un autre acteur dans la peau de ce personnage. Dans la seconde partie du film, une fois redescendu du Sinaï où il a reçu la révélation, ses yeux bleus et perçants ne semblent quitter un au-delà divin, au-dessus de ce que peut embrasser le regard des hommes. Il appose une pierre de plus à l'édifice de sa carrière, qui comptera encore d'autres rôles prestigieux.

De même, Yul Brynner EST Ramsès. Il porte les habits de Pharaon comme personne et sa présence physique compose un méchant de cinéma réellement mémorable. Anne Baxter/Nefertiri est elle aussi absolument parfaite en reine des garces (il n'y a pas d'autre mot face à ses caprices et son machiavélisme).

À revoir le film aujourd'hui, on peut être frappé par deux aspects que l'on aurait pu légitimement négliger du temps de notre enfance. Tout d'abord la dimension politique. De Mille a réalisé un prologue, en général absent des diffusions télévisées, où il présente son film et explique sans ambiguïté que la parole de Dieu poussant le peuple à se libérer des chaînes de l'esclavage est intemporelle, et que les Pharaons d'hier sont les dictateurs d'aujourd'hui. Cette précision devait être particulièrement éloquente pour une société qui se remettait à peine d'une guerre mondiale généreuse en atrocités. Il ne s'agit donc pas que d'un conte merveilleux ou d'une leçon d'histoire. La lutte pour les droits civiques est plus que jamais d'actualité dans l'Amérique des années 50, et sous cet éclairage le film s'enrichit énormément.


Le second aspect concerne le travail de mise en scène qui apparaît en vérité extrêmement figé. Les scènes ne sont quasiment pas découpées, tout juste s'autorise-t-on à l'occasion un raccord dans l'axe. On devine que De Mille, soucieux de ne pas dénaturer ses sources au profit du seul spectacle, impose une esthétique qui semble directement inspirée des fresques antiques, et de la peinture néoclassique. Sur plus de 3h30 de métrage, il nous offre un monde fantastique, issu de la nuit des temps, et qui pourtant nous parle et n'a pas cessé de nous fasciner.


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