C'est avec ce Hulk grey que j'ai découvert le dessin de Tim Sale et en suis devenu instantanément fan. J'ai eu, plus récemment encore, le plaisir de baver des yeux devant les somptueux visuels qu'il a fournis pour la première saison de la plus que recommandable série Heroes.
On pourrait qualifier son style d'expressionniste, remarquable pour son incroyable liberté de trait, qui sait aller à l'essentiel sans perdre de sa force, et une harmonie parfaite entre la case et la page qui composent au final une narration toute en mouvements, d'un superbe dynamisme. La mise en couleur elle-même est pleine de personnalité, en particulier dans ce bouquin-ci, Hulk Grey, avec ses emplois aussi pertinents que réussis de la couleur directe.
L'histoire raconte en
gros les premiers pas du héros. Dans une démarche ouvertement nostalgique (bien
qu'il m'ait semblé percevoir l'influence du film d'Ang Lee sur certains
parti-pris), elle s'intercale précisément entre les deux premiers épisodes
originels de Stan Lee et Jack Kirby, lorsque le monstre était
encore gris. Lee décidait de passer au vert sans explication dès le second épisode,
estimant que le rendu serait plus percutant à l'impression. Je suis plutôt
client de ce genre de relectures à distance. Ce pitch plutôt
alléchant ne tient malheureusement pas ses promesses. Le sujet se révèle en
effet assez sous-exploité et le traitement plutôt inconséquent.
Il y a pourtant de belles idées, notamment dans cette caractérisation aussi juste que touchante du personnage en tant que freak, ces allusions à la créature de Frankenstein qui ne connaît pas la méchanceté mais se retrouve victime de son incontrôlable force. Ce retour aux origines est également pour les auteurs l'occasion de placer de petits clins d'oeil sympathiques, comme cet affrontement rigolo avec un Iron Man débutant. Mais le scénariste Jeph Loeb manque vraiment d'idées pour remplir son intrigue. Il n'aura pas creusé bien loin, peut-être bridé par les contraintes du format, et la conclusion est à ce titre particulièrement pathétique, avec son diagnostic psychanalytique de supermarché, d'autant plus regrettable qu'il nous est présenté comme la justification de tout ce qui a précédé et de ce qui est à venir. Heureusement, l'ouvrage reste graphiquement délectable, mais on ne peut qu'éprouver la regrettable impression d'être passé à côté d'un formidable terrain de jeu.
Il y a pourtant de belles idées, notamment dans cette caractérisation aussi juste que touchante du personnage en tant que freak, ces allusions à la créature de Frankenstein qui ne connaît pas la méchanceté mais se retrouve victime de son incontrôlable force. Ce retour aux origines est également pour les auteurs l'occasion de placer de petits clins d'oeil sympathiques, comme cet affrontement rigolo avec un Iron Man débutant. Mais le scénariste Jeph Loeb manque vraiment d'idées pour remplir son intrigue. Il n'aura pas creusé bien loin, peut-être bridé par les contraintes du format, et la conclusion est à ce titre particulièrement pathétique, avec son diagnostic psychanalytique de supermarché, d'autant plus regrettable qu'il nous est présenté comme la justification de tout ce qui a précédé et de ce qui est à venir. Heureusement, l'ouvrage reste graphiquement délectable, mais on ne peut qu'éprouver la regrettable impression d'être passé à côté d'un formidable terrain de jeu.
The Long Halloween est une mini-série
brillante et inspirée, publiée par DC entre 1996 et 1997. Les auteurs ont posé
un concept aussi simple que diablement efficace : durant treize épisodes —
chacun représentant un mois — c'est toute une année de la vie du Dark Knight qui
va défiler sous nos yeux, avec en toile de fond une enquête haletante sur un
mystérieux serial killer baptisé Holiday par la presse, qui assassine
systématiquement les jours de fête (Thanksgiving, Noël, St-Valentin, le 4
juillet, etc.). Une sorte de whodunit bien distrayant, qui joue avec les
clichés du genre tout en revisitant avec intelligence le sombre univers du héros
de Gotham. Ces différentes célébrations sont en effet l'occasion de faire le
point sur lui-même et sur les figures qui l'entourent. A ainsi été conviée
la quasi intégralité du bestiaire dément créé par Bob Kane, qui défile épisode
après épisode, entre ombre et lumière. Du Joker à Poison Ivy en passant par
Catwoman, Alfred ou le commissaire Gordon, avec en fil rouge sang les origines
d'un personnage qui n'a jamais été rendu aussi intéressant : Harvey Dent, dit
Double-face.
Le dessin de Tim Sale,
son travail sur les ombres en particulier, est ici plus époustouflant que
jamais. À tel point qu'on devine que si ça ne tenait qu'à lui, il composerait
l'ensemble de son ouvrage entièrement en noir et blanc. D'ailleurs, chaque
nouveau meurtre est toujours représenté en monochrome, avec comme seul élément
de couleur un objet symbolique lié à la fête du jour, que l'assassin dépose près
de ses victimes. Sale gère son découpage de main de maître, avec audace mais
sans esbroufe. Le schéma narratif posé par Jeph Loeb suppose une
construction qui joue sur la répétition, et le dessinateur s'amuse précisément
à créer des effets de miroir et de symétrie, avec un usage aussi pertinent que
spectaculaire des cases pleine page qui interviennent avec régularité tout au
long de la lecture. Et malgré toutes les spéculations, le dénouement parvient
encore à surprendre, nous faisant refermer l'ouvrage franchement comblé.
Il s'agit d'un recueil
dont le gros morceau est un récit intitulé Peurs, daté de 2000. Batman
chasse un ennemi envahissant, l'Épouvantail, mais cette lutte n'est qu'un
prétexte pour nous plonger avec réussite dans les angoisses qui agitent le
vengeur masqué, plus torturé que jamais par la lourde charge qu'il s'est
imposé. Le scénario de Loeb pose la question du choix, la possibilité d'une
autre existence. Voir Batman mal rasé, harassé par la fatigue et le manque de
sommeil, reprendre nuit après nuit son costume de chauve-souris pour aller
risquer sa peau sur les toits de Gotham est une proposition rendue ici tout à
fait convaincante.
La mise en case est
encore une fois superbement inventive, avec certains passages qui,
esthétiquement, semblent devoir davantage à la bande dessinée indépendante
qu'au comix de super-héros. C'est précis, ça prend son temps, sans effets
superflus mais toujours plein d'idées. Je suis par contre moins fan de la mise
en couleurs qui abuse un peu des effets de traitement numérique, offrant ainsi un rendu un
peu trop lisse (pas sur l'extrait que j'ai choisi ci-dessous). On notera
toutefois un superbe passage entièrement tramé en noir et blanc. Bref, une bande dessinée comme je l'aime, aux ambitions incontestablement autorisantes, qui réjouit l'oeil sans lui faire mal.
Le recueil se poursuit
avec un exercice de style somptueux mais loin d'être vide de sens, peint cette
fois par Tim Sale lui-même au lavis, avant de s'achever sur une double page
plus anecdotique qui nous propose une brève rencontre entre Clark Kent et Bruce
Wayne gamins.
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