Lonesome (Solitude), Paul Fejos, 1928
Dans un New York surpeuplé, le temps d'une journée de détente passée à Coney Island, boy meets girl. Et ça donne une vraie perle du cinéma muet, dans laquelle le Hongrois Paul Fejos exploite toutes les possibilités du langage cinématographique (surimpressions, raccords de panoramiques, travellings vertigineux) pour sublimer cette histoire excessivement simple, universelle et donc extrêmement touchante.
Le sourire de Barbara Kent m'a fait craquer, et les séquences sur la plage où Glenn Tryon et elle discutent ensemble et tombent amoureux sont magnifiques, donnant l'impression qu'ils sont seuls au monde dans ce partage. J'ai été triste pour le jeune couple lorsque ces deux âmes se retrouvent brutalement séparées par la foule et renvoyées une nouvelle fois à leur solitude. Un film qui a largement sa place à côté des joyaux de cette époque que sont Sunrise de Murnau ou The Crowd de King Vidor et son inoubliable James Murray.
Top hat (Le Danseur du dessus), Mark Sandrich, 1935
Par bien des aspects, on est là devant une comédie musicale passablement académique. On sent que RKO
a une image de prestige à défendre. La comédie de situation repose sur des
quiproquos bien légers face auxquels le spectateur ne devra pas se montrer
trop exigeant. Certains acteurs ne craignent pas de trop cabotiner et les décors sont d'une rare kitscherie hollywoodienne. À ce titre, l'apparition de Venise en gigantesque Disneyland de pacotille est un grand
moment. La mise en scène complètement raide et théâtrale de Sandrich paraît encore plus
désuète quand elle tente de s'ouvrir à l'expérimentation lors du
ballet final avec quelques plans qui commencent à sortir de l'ordinaire. Signée Max Steiner, la
musique de ce ballet est d'ailleurs d'assez mauvais goût et sans grand rapport
avec l'intrigue, variation sur l'exotisme italien. La
chanson-titre d'Irving Berlin est quant à elle un morceau complètement à part, le seul à être
chanté sur une scène.
Et pourtant, ce film est un
régal. Comment être insensible devant les jeux de chat et de souris de Fred et Ginger ? Comment bouder son plaisir face aux envolées des deux danseurs ? Même si elles sont plus ou moins attendues, les situations déclenchent
inévitablement le rire, il y a de très beaux moments (la danse sur sable de
Fred Astaire pour endormir Ginger Rogers à l'étage du dessous), les dialogues
sont pétillants et font souvent mouche, avec des audaces assez étonnantes pour
l'époque (l'adultère, le ménage à trois). Lorsque, quelques années plus tard, Minnelli, Gene Kelly et autres Stanley Donen entreront en piste, la comédie
musicale américaine brillera d'autres types de feux. Top Hat, est d'une autre
époque, plus music hall que cinématographique mais procure un plaisir qu'on aurait tort de bouder.
Hellzapoppin', H.C. Potter,
1941
Si l'adjectif
loufoque a un sens, il est pas loin de le trouver ici. Ole Olsen et Chic
Johnson nous concoctent un véritable cartoon live à la Tex Avery, pêté de gags
complétement absurdes dans une sorte de quadruple mise en abîme qui finit par
jouer avec les pannes techniques du projecteur. C'est un enchaînement de nawak, de quiproquos vaudevillesques, un tourbillon rendu encore plus fou par des numéros musicaux époustouflants autour d'une
piscine, avec un orchestre de musiciens et danseurs noirs ahurissant. Au sein
de la troupe, on retrouve Martha Raye franchement géniale en ouragan sur pattes
ainsi que Misha Auer en Comte russe à la présence irrésistible.
Marqueur de son époque et référence incontournable du comique américain, le film apparaît clairement comme un modèle d'inspiration pour le Joe Dante de Gremlins 2. J'ai été également
assez surpris du clin d'oeil fait à Citizen Kane, film qui est sorti la même année
et qui semble donc déjà considéré comme une référence, prête à se voir parodiée malgré sa réputation de
bide à sa sortie (lors d'un bref détour de Chic et Ole au pôle Nord,
ils tombent sur la luge de Kane en s'étonnant : « tiens, je croyais pourtant
qu'on l'avait brûlée ! »). Du génie.
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