Ayant encore les coudées franches pour manœuvrer au sein du système des studios américains, Verhoeven signait ici le thriller érotique ultime, avec d'authentiques attributs de série A. Hollywood a certainement proposé avant lui d'autres films audacieux dans leur représentation du sexe et leur permissivité. Mais avec un cinéaste aussi amateur de transgression comme Paulo, ça aboutit à un cocktail encore inédit, une plongée dans un univers où la perversion a définitivement pris le pas sur l'innocence. Le film marque ainsi une date, inscrivant instantanément sa protagoniste et certaines de ses scènes dans l'inconscient collectif. Sharon Stone crevait déjà l'écran dans Total recall. Enfin en tête d'affiche, elle est certainement parfaite dans ce qui restera le rôle de sa vie, mais je ne m'explique toujours pas le statut de star qui lui reste attaché, au vu d'une filmographie qui peine à enthousiasmer (même la carrière de Julia Roberts compte de meilleurs films, ce qui n'est pas peu dire). Alors oui, Casino...
Privilégiant les mouvements d'appareil grâcieux, impeccablement secondée par la photographie chaleureuse de Jan De Bont et le score première classe de Jerry Goldsmith, la mise en scène de Verhoeven est indéniablement pleine d'élégance, aboutissant à un spectacle visuellement très envoûtant. Basic instinct n'est cependant qu'une coquille très bien fabriquée, séduisante à l'œil, mais un travail artificiel et dénué de sincérité. Enchaînant les rebondissements gratuits, voire irresponsables, et les circonvolutions artificielles, le film ne propose à l'arrivée qu'un jeu parfaitement inconséquent, où la culpabilité avérée ou non du personnage de Catherine Tramel relève du gimmick. L'épilogue a alors des allures de triste blague, là où il aurait du créer le vertige. Il y a précisément un côté très Vertigo lors des longues scènes où le personnage de Michael Douglas suit Stone en voiture. Mais son obsession est bien loin de susciter le même trouble que le film d'Hitchcock et on pointera comme principal fautif le scénario de Joe Eszterhas d'une roublardise désarmante et que Verhoeven ne parvient jamais vraiment à transcender. Ce qui en fait à l'arrivée sans doute le film le moins intéressant de son auteur.
Privilégiant les mouvements d'appareil grâcieux, impeccablement secondée par la photographie chaleureuse de Jan De Bont et le score première classe de Jerry Goldsmith, la mise en scène de Verhoeven est indéniablement pleine d'élégance, aboutissant à un spectacle visuellement très envoûtant. Basic instinct n'est cependant qu'une coquille très bien fabriquée, séduisante à l'œil, mais un travail artificiel et dénué de sincérité. Enchaînant les rebondissements gratuits, voire irresponsables, et les circonvolutions artificielles, le film ne propose à l'arrivée qu'un jeu parfaitement inconséquent, où la culpabilité avérée ou non du personnage de Catherine Tramel relève du gimmick. L'épilogue a alors des allures de triste blague, là où il aurait du créer le vertige. Il y a précisément un côté très Vertigo lors des longues scènes où le personnage de Michael Douglas suit Stone en voiture. Mais son obsession est bien loin de susciter le même trouble que le film d'Hitchcock et on pointera comme principal fautif le scénario de Joe Eszterhas d'une roublardise désarmante et que Verhoeven ne parvient jamais vraiment à transcender. Ce qui en fait à l'arrivée sans doute le film le moins intéressant de son auteur.
Starship troopers, 1997
Incroyable
comme ce film est riche et jubilatoire par son propos. Gros film d'action bien rentre-dedans qui assure le show, soutenu par le score épique de Basil Poledouris, le film est en même temps loin d'être le blockbuster sans âme que Touchstone pensait vendre, sa lecture au second degré étant assez évidente. Signé Ed Neumeier, scénariste de Robocop, il prolonge avec encore plus d'audace la veine satirique déjà présente dans cette précédente collaboration avec le réalisateur hollandais, quitte à risquer le suicide commercial. Verhoeven s'amuse en effet à confronter des personnages aseptisés tels que l'industrie du spectacle les a moulés à la chaîne, à un monde ultra-violent qui met précisément, physiquement, leur image à mal. Comme souvent chez le cinéaste, la violence est explicite et les femmes sont à poignes, personnages appelés à dépasser leur condition pour exister à l'occasion d'une expérience éprouvante.
Ce monde est rempli de références cinématographiques, jouant avec les codes d'un tas de genres, qu'il s'agisse du film de caserne (le conditionnement des recrues), du film d'invasion extraterrestre (ou les agresseurs ne sont pas forcément ceux qu'on croit) ou du western (l'assaut final du fort, un modèle de mise en scène). On n'est pas pour autant dans une parodie, plutôt dans une réflexion et un hommage à toute une mémoire cinéphilique, mélangée aux influences de la jeunesse actuelle, entre sitcoms décérébrés, goût fascisant de l'ordre et patriotisme publicitaire. Emballé avec de gros moyens dans une mise en scène spectaculaire, Starship troopers donnait en quelques scènes de batailles dans l'espace un gros coup de vieux aux Star wars de papy Lucas — qui n'avait alors pas entamé sa deuxième trilogie prequel. Après Jurassic park, Phil Tippett tournait ici définitivement le dos à la stop-motion à laquelle il avait donné ses titres de gloire, et offrait avec son défilé d'arachnides ce qui reste encore aujourd'hui une authentique prouesse technologique.
Ce monde est rempli de références cinématographiques, jouant avec les codes d'un tas de genres, qu'il s'agisse du film de caserne (le conditionnement des recrues), du film d'invasion extraterrestre (ou les agresseurs ne sont pas forcément ceux qu'on croit) ou du western (l'assaut final du fort, un modèle de mise en scène). On n'est pas pour autant dans une parodie, plutôt dans une réflexion et un hommage à toute une mémoire cinéphilique, mélangée aux influences de la jeunesse actuelle, entre sitcoms décérébrés, goût fascisant de l'ordre et patriotisme publicitaire. Emballé avec de gros moyens dans une mise en scène spectaculaire, Starship troopers donnait en quelques scènes de batailles dans l'espace un gros coup de vieux aux Star wars de papy Lucas — qui n'avait alors pas entamé sa deuxième trilogie prequel. Après Jurassic park, Phil Tippett tournait ici définitivement le dos à la stop-motion à laquelle il avait donné ses titres de gloire, et offrait avec son défilé d'arachnides ce qui reste encore aujourd'hui une authentique prouesse technologique.
Hollow Man (L'Homme sans ombre), 2000
Le film
peut être plus que décevant à sa première vision du fait d'une narration et de
personnages franchement conventionnels. Quand on sait qu'il ne faut pas en
attendre davantage, une seconde vision permet alors de bien mieux l'apprécier. Et c'est là que le choix de Verhoeven pour traiter de l'invisibilité s'avère pertinent. Décidément incorrigible, le cinéaste distille en effet dans ce qui fut pensé comme un divertissement estival suffisamment de sa personnalité pour aboutir à un film complètement déviant, qui préfère tabler sur l'horreur plutôt que sur le merveilleux. Il aborde enfin
de front les questions évidentes qui viennent à l'esprit lorsqu'on pense aux
pouvoirs d'un homme invisible, qui peut céder à ses pulsions en toute impunité.
Les scènes de voyeurisme sont particulièrement réussie, d'autant plus
troublantes que, filmées en vue subjective, elles nous invitent à occuper la place
du protagoniste. Dans ce rôle peu aimable de savant fou, choix de carrière doublement risqué puisqu'impliquant son absence à l'écran une grande partie du métrage, Kevin Bacon est parfait.
Même dans un produit aussi calibré, la
sauvagerie du Hollandais violent trouve ainsi une nouvelle occasion de se laisser aller, dans une série de scènes plastiquement
très belles. En parfait accord avec le score tonitruant de Goldsmith (dont le thème principal n'hésite pas à plagier celui de Basic instinct), les affrontements sont brutaux et superbement réalisés, la mise en scène devant littéralement incarner la violence et la force d'un personnage affranchi de toute morale. Sur le
terrain de l'action, Verhoeven est un metteur en scène qui pourrait en
apprendre à tous les tacherons apparus ces dernières années avec leur
surdécoupage migrainesque. Ses scènes sont cadrés et montées avec une
fluidité épatante, privilégiant les plans longs, avec
encore une fois un très grand soin accordé aux effets spéciaux. Car c'est bien sur la qualité de ses effets que la réussite du film repose en grande partie. Verhoeven l'a bien compris et pousse une nouvelle fois son exigence très haut, parvenant à proposer des visions superbes et inédites. C'est sans doute
parce que je suis fan du cinéaste que j'ai du mal à être trop sévère avec ce film. Bien que dénué de toute subtilité, le contrat est largement rempli et le spectacle suffisamment
divertissant.
Zwartboek (Black book), 2006
Après cet énième film de contrebandier, les portes des grands studios se ferment pour un cinéaste qui, en ce
milieu des années 2000, n'est plus soluble dans le formatage hollywoodien. Il
est contraint à un retour en pays natal qui va se révéler salutaire puisque lui
donnant l'occasion de livrer ce qui est sans doute son meilleur film à ce jour. L'occasion pour lui de renouer avec son compatriote Gerard Soeteman, précieux complice auteur des scénarios de toute sa première période jusqu'à Flesh+blood. On se désolera cependant du fait que le film n'ait pas également été l'occasion pour le réalisateur de retrouver l'autre compagnon de route attaché à cette époque, Rutger Hauer.
Black book
peut être considéré en quelque sorte comme le second volet d'un diptyque sur ce
que la guerre fait faire aux hommes, entamé trente ans plus tôt par Soldier of Orange. À la fois
sublime portrait de femme et impitoyable portrait d'une époque, ce livre noir
est une plongée courageuse et sans concession dans les bas-fonds de l'Histoire.
Refusant de jouer le retour de l'enfant prodigue, Verhoeven n'hésite pas à bousculer la mémoire officielle et prend de vrais risques. À la fois drame historique et film d'espionnage au suspense souvent insoutenable, Black book représente pour le cinéaste une œuvre-somme, complexe, stimulante par ses infinies interrogations morales, et bouleversante jusque dans ses dernières
images. Prouvant une nouvelle fois qu'il est à l'aise dans la peinture d'un grand nombre de personnages, il a à son service un casting solide, qu'il dirige d'une main de maître. Reine de cette distribution, Carice Van Houten devient sans doute la plus belle héroïne de toute sa filmographie, à la fois condensé et dépassement de toutes celles qui l'ont si remarquablement précédée.
DOSSIER PAUL VERHOEVEN :
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