Joaquin Phoenix m'énerve à force de se montrer aussi
constant dans le génie, tout en proposant à chaque fois une composition
différente. Drôle mais sans jouer la bouffonnerie, donc foncièrement touchant,
son personnage incarne ici plus que jamais l'âme du film, tout le récit donnant
l'impression de se passer dans sa tête. En effet, pratiquement tous les
éléments de son enquête (noms de personnages, de lieux) semblent lui être
fournis par le hasard des rencontres : à moins d'avoir raté un truc, les
personnages de Tariq et Hope prennent eux-même l'initiative de le contacter, et
comme par hasard leur problème s'avère être une pièce du puzzle sur lequel il
enquête. Et même quand Sashta vient lui parler de Wolfmann, il avait lu son nom
dans le journal. Ajoutons à ça, la sensation étrange que la chronologie des
faits ne semble pas toujours rigoureusement agencée, et on finit par se dire
que le film pousse à interroger constamment les apparences, et donc à
précisément favoriser l'identification avec ce personnage de privé défoncé qui
assume par conséquent pleinement le risque de paranoïa et d'hallucination. Mais même sous influence, et même s'il passe par des moments douloureux, le héros s'avère redoutablement compétent, et c'est assez touchant de le voir réagir et redéfinir ses priorités en fonction de ses découvertes et de son sens réel de la justice.
On serait donc là face à un genre de The Big Lebowski lynchien (la présence de Benicio Del Toro qui revient faire l'avocat zarbi, renvoyant également à l'univers de Las Vegas parano). On
est dans cette Amérique de Nixon, celle dépeinte par Philip K. Dick dans ses romans des 70's, où les flics et les feds traquent les hippies
drogués de Californie. En fait, je n'ai sans doute pas compris grand chose au film, mais me suis laissé porter
par son atmosphère. La musique est cool et il y a du beau monde (coucou Martin Short
!). Au-delà de tout ça, ce que j'ai adoré c'est d'assister à l'évolution du
cinéma d'Anderson, ce film semblant finalement proposer une nouvelle direction
après l'hermétisme glaçant de The Master, qui faisait lui-même suite à
la rigueur implacable de There will be blood, qui lui-même faisait suite
à la recherche d'une narration anticonventionnelle de Punch-drunk love. Et j'aime qu'Anderson ne soit désormais plus un cinéaste rare, et qu'il puisse tourner pratiquement un nouveau film tous les deux ans.
Ici, donc, la mise en scène apparaît moins léchée, caméra souvent portée, près
des visages. Mais ça reste d'une constante fluidité alors que le récit se
déroule de façon totalement imprévisible (décidément un mot-clé dans l'œuvre du
cinéaste), tant par son rythme que par son sujet. Ce n'est donc pas une
rupture, ni une progression, c'est juste que ça vit. De même pour Jonny
Greenwood qui a mis de l'eau dans son vin. J'aime bien les cinéastes qui
refont toujours le même film, dont l'univers formel rassure, mais c'est aussi
passionnant de suivre ceux qui se réinventent, même si ça ne touche pas
toujours.
Daydreaming, 2016
Un clip puissant et plein de mystère réalisé pour Radiohead, issu de leur dernier album à ce jour, A moon shaped pool :
Phantom
thread, 2018
Avec : Daniel Day-Lewis, Lesley Manville, Vicky Krieps, Brian Gleeson, Gina McKee.
Chronique du film prochainement...
DOSSIER PT ANDERSON :
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