7 mars 2018

Le Cinéma de P.T. Anderson III. 2007-2012

There will be blood, 2007
Punch-drunk love avait déjà amorcé le virage. Avec There will be blood, Anderson accédait là à une toute autre dimension, livrant un film hors-norme qui semble réinventer le langage cinématographique, avec un souci de perfection qu'on n'avait pas revu depuis Kubrick. L'ouverture minérale impose d'emblée un registre expérimental, et le spectateur est invité à plonger dans un monde en train de se bâtir. Le voilà bientôt captif, fasciné par les beautés visuelles, le travail sonore, l'interprétation incandescente. Le film nous rend témoin privilégié de l'ascension capitaliste d'un homme, de ses drames, concessions et reniements, devenant progressivement une sorte de monstre obsédé par la maîtrise de son destin, scellé par un pacte faustien lors d'une veillée ténébreuse.

C'est une nouvelle consécration pour l'ogre Daniel Day-Lewis mais aussi la révélation de Paul Dano, qui se plaira par la suite à endosser des rôles exigeants (Prisoners, Love & mercy). Le metteur en scène peut se reposer en toute confiance sur ce casting parfait, et faire durer ses plans autant que nécessaire. Pour sa dernière collaboration avec Anderson, le chef-opérateur Robert Elswit se verra récompensé d'un Oscar mérité. On se laisse donc porter par ce grand œuvre, sans davantage chercher à mettre en mots des émotions complexes, tout en appréciant la limpidité d'un film qui gagne à être revu. Un film fou. Un film de fou.




The Master, 2012
J'adore sans réserve tous les précédents films du cinéaste. Mais si ici je ne me suis pas ennuyé — visuellement splendide, The Master est imprévisible, donc fascinant tout du long — je n'ai pas été convaincu par la démarche d'Anderson. L'histoire, le parcours des personnages sont relativement lisibles. Mais j'ai été pour la première fois gêné par cette volonté trop appuyée de fabriquer de l'hermétisme. Je n'ai pas eu suffisamment de points d'accroche. Un peu l'impression que le réalisateur a éliminé précisément tout ce qui pourrait ressembler à des scènes pivots, ces moments qui font avancer ou basculer le récit, et que ce qui reste sert surtout de super véhicule (comme disent les anglo-saxons) pour les comédiens, au premier rang desquels un Joaquin Phoenix méconnaissable, force brute presque animale.

Le film a tout de même réussi à m'émouvoir, et cette émotion a évidemment été permise par toute la patiente construction du metteur en scène. Et il se peut que ce soit le genre de film qui gagne à mûrir dans la tête, dans le souvenir. Mais à ce stade, non seulement je n'ai pas vraiment d'arguments pour le défendre ou me l'approprier mais surtout il a presque quitté ma mémoire, contrairement à tous les autres titres. There will be blood était aussi à sa façon une sorte d'objet filmique singulier, s'efforçant de créer de nouveaux codes. Mais j'y avais trouvé davantage mon compte. Retrospectivement, les dialogues m'y semblent mieux écrits, les personnages mieux incarnés, le récit plus romanesque (donc plus immédiatement séduisant).


DOSSIER PT ANDERSON :


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