Premier long-métrage — inédit en
France — d'un jeune prodige du cinéma américain âgé de 26 ans, réalisé avec le soutien du Sundance Institute. Anderson développe ici le point de
départ de son précédent court-métrage, Cigarettes & coffee, déjà avec Philip Baker Hall, aboutissant à un film noir à la mélancolie
sourde, situé dans un Vegas plein de couleurs qu'il nous montre un peu par la
porte de service. Et puis soudain, des choses étranges arrivent, comme seule la
vie est capable d'en produire, toujours surprenante et pas forcément
signifiante. Le film nous emmène ainsi sans qu'on sache vraiment où,
bifurquant brutalement au moment où on s'y attend le moins, et ce plusieurs
fois.
Involontairement — il fut contraint de raccourcir — Anderson ose laisser
dans sa narration des trous béants qui ne seront jamais comblés, et qui
renforcent le mystère et le poids de ses personnages. Dans ce monde de casinos,
de tristesse et de rêves d'argent facile, on n'est jamais à l'abri d'un coup du
sort. Tout est possible et c'est magnifiquement montré, jamais cruel. L'émotion
qui en sort au final est d'une belle intensité.
Comment décrire la véritable
fascination que le cinéaste parvient à faire naître de ses images ? Les 10
premières minutes captivent d'emblée par cette pleine maîtrise d'un langage :
cadres soigneusement composés, plans qui durent, emploi affirmé de la musique
(Michael Penn et Jon Brion) et des effets sonores. En plus d'une écriture
brillante et d'un vrai sens du portrait, l'évidente virtuosité de la mise en
scène, en même temps qu'elle ravit l'œil, est comme un écrin de rêve pour les
performances de ses acteurs. Et puis quel plaisir de voir déjà constituée une
partie de cette troupe qu'on appréciera de retrouver par la suite : J.C. Reilly
et Philip Baker Hall bien sûr, personnages vraiment sublimés. Mais aussi Philip
Seymour Hoffman qui fait un numéro mémorable, et même Melora Walters qui
apparaît le temps d'une très courte scène, et on ne sera guère étonné
d'entendre la voix de Aimee Mann sur la chanson du générique de fin. Je
retiens également une scène assez marquante qui réunit notamment Reilly, Baker
Hall et Gwyneth Paltrow dans une chambre de motel, morceau de bravoure en temps
réel pendant quasiment une bobine. Bref, Anderson fait preuve d'un appétit de
cinéma qui me comble et permet au film de supporter les multiples visions. Une
vraie réussite à (re)découvrir absolument.
Boogie nights, 1997
Un film-fleuve rempli à ras-bord mais
pas fourre-tout pour autant. Le cinéaste parvient à s'emparer d'une sujet
sulfureux sans verser dans le mauvais goût, le moralisme ou la caricature, quand bien même il aborde précisément tous ces aspects. Ça donne une fresque
somptueuse et fiévreuse, en scope pêtant de couleurs et porté par une bande son à
l'énergie purement scorsesienne. Mise en scène et montage imposent l'admiration tant tout est fluide. C'est un grand film qui n'en finit pas de dévoiler de nouvelles richesses à chaque visionnage, et dont j'adore tous les moments, y compris la période tragicomique lorsque Wahlberg et Reilly se font braqueurs amateurs.
Portrait d'une époque qui bascule dans une
autre, film-choral, Boogie nights se présente aussi comme un réservoir
d'acteurs ahurissant. Même dans des petits rôles, croiser Luis Guzman, Philip Seymour
Hoffman ou William H. Macy suffit déjà à me mettre en joie. Le film a aussi redonné
un beau rôle à un Burt Reynolds presque oublié, et en plus d'avoir révélé à mes
yeux Julianne Moore a quand même fait démarrer la carrière cinématographique de Marky Mark sur un
terrain franchement pas évident. J'aime d'ailleurs continuer à retrouver à l'occasion cet
acteur dans des films d'auteurs (chez James Gray en particulier) alors qu'on a complètement perdu Heather
Graham qui pour sa part avait tout de même démarré à Twin peaks. Tous les comédiens sont ici magnifiques, et malgré un temps de
présence forcément réduit, leurs persos sont vraiment bien traités, avec
bienveillance mais tout en assumant aussi la dimension parfois grotesque
qu'implique le milieu dans lequel ils travaillent.
Across the universe, 1998
Un clip réalisé pour sa compagne d'alors, Fiona Apple, bien représentatif de cette première période où Anderson cultivait son goût pour la performance technique, comme c'était déjà le cas sur le clip en plan-séquence Try, précédemment tourné pour son compositeur Michael Penn. On y croisera une tête familière de son petit univers :
DOSSIER PT ANDERSON :
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