J'aurais aimé
aimer mais la déception l'a malheureusement emporté. Les sujets abordés avaient
tout pour me toucher. Je suis en général friand de tout ce qui fonctionne sur le non-dit, l'implicite et le creux, mais c'est ici l'impression de banalité qui l'a emporté. Mieux vaut ça que de verser dans l'artificiel et le fabriqué, sans doute, mais si tout "fait vrai" c'est au service d'un récit sans surprise. Je perçois parfaitement les intentions, mais à l'arrivée
ça m'a semblé manquer de force, donc de profondeur. Trop l'impression d'une
suite de séquences disparates qui mettent en scène des (nos ?) vies toutes
simples, des sentiments pudiques mais filmés avec une délicatesse telle qu'elle
conduit à un manque de vitalité. J'espérais en effet une mise en scène un peu
plus concernée, une photographie un peu moins terne, j'ai même trouvé
d'embarrassants moments (le ralenti de la scène de danse qui ne m'a pas
du tout convaincu). Bref, Hers ne m'a pas donné assez à manger en tant que spectateur. Et j'ai quitté son petit monde sans beaucoup d'émotion.
En même temps
c'est un peu sévère parce qu'il y a clairement une écriture personnelle ici à
l'œuvre, dans le montage, dans les silences et l'observation, qui permet au moins de suivre ça sans ennui. Et c'est là qu'il faut louer la troupe d'acteurs, tous
excellemment bien choisis (les jeunes mais les parents aussi). Mention spéciale
à Thibault Vinçon qui a une présence assez fabuleuse, et Dounia Sichov qui
imprime assurément la pellicule. Leur naturel de jeu est plein de charme et
permet heureusement de faire exister leurs personnages. J'en viens alors à
surtout considérer ce film comme une super bande démo pour le talent de ces jeunes
interprètes (genre les Rendez-vous de
Paris II) et non comme quelque chose de pleinement abouti. Et je demeure curieux de découvrir les autres films du cinéaste, notamment ses premiers courts qu'on m'a pas mal vantés.
L'Ordre et la morale, Matthieu Kassovitz, 2011
Le réalisateur se tient à une reconstitution la
plus authentique possible, et se retient donc d'enrichir sa trame d'éléments
mélodramatiques, et en même temps cette rigueur parvient à mettre en lumière
avec une juste sensibilité l'humanité des personnages, qui échappent quasiment
tous à la caricature (y compris le ministre Pons ou le personnage du Général, qui révèlent
être eux-mêmes pris dans le jeu politique où on ne discute plus). Après, j'ai
pas trouvé ça très bien écrit, les dialogues sonnant un peu trop ampoulés, mais
ça peut passer si on considère qu'ici tous les personnages sont des militaires. Et l'interprétation ne m'a pas particulièrement épaté, alors qu'il y a une vraie volonté de construire un drame habité. Se détachent heureusement le duo
principal avec un Kassovitz impeccable et un fascinant parce qu'imprévisible Iabe
Lapacas dans le rôle d'Alphonse Dianou.
À vouloir être si près des faits, le film n'est
du coup pas non plus passionnant tout du long, mais c'est une démarche
honorable, qui évite la lourdeur de la dénonciation sans nuance. Au contraire,
on a là l'exposé d'un vrai désastre de gestion de crise, et c'est tellement
rare dans le cinéma français de traiter d'actualité que c'est en soi
remarquable (bon, avec 25 ans de retard mais c'est toujours bon à prendre). Ça
pourrait être scolaire, mais on n'a heureusement pas du tout affaire à un
produit télévisuel, Kassovitz montrant dès son ouverture son ambition de faire
du cinéma, avec des effets certes souvent voyants
mais qui ne versent jamais dans le mauvais goût. Et lorsque l'action s'impose,
il livre deux morceaux à l'intensité redoutable, inventifs et fonctionnant
vraiment bien. Musique atypique et pertinente de Klaus Badelt,
interprétée par les Tambours du Bronx, mais n'offrant finalement aucune
variation, juste là pour ponctuer les moments de tension.
Nos héros sont morts ce soir, David
Perrault, 2013
J'ai adhéré, enthousiaste à chaque choix formel, n'y ait
trouvé aucune faute de goût, suis même resté admiratif de la maîtrise du
cinéaste qui fait le pari toujours risqué de l'onirisme. Le film
est porté par une caméra qui sait capter et transmettre le mouvement. Et puis
il y a une histoire originale, riche d'évocations, avec ce concept très fort du
double et de l'échange qui va permettre l'exploration de plein de variations à
la fois poétiques et bien enracinées dans du réel. Car s'il y a l'âme, il y a aussi le corps. Ou plutôt les
corps, tant Perrault joue avec ceux de ses acteurs. Ceux-ci sont tous bons, présences
et voix marquantes.
J'ai cependant été un peu déstabilisé, ne sachant trop au départ quel personnage vraiment suivre. Le film s'ouvre sur Victor mais c'est Simon qui par sa voix off fait figure de narrateur (si j'ai bien suivi). Comme si les personnages se faisaient déjà de l'ombre. Le rythme du film accepte les digressions nouvelle-vaguesques en chambre à coucher, traitant parfois certaines scènes comme des petits morceaux de cinéma, et les dialogues pétillants fonctionnent toujours merveilleusement. De Polanski à Godard, en passant par le film noir français des années 50, avec ses bistros et ses voyous, les influences sont visibles mais digérées avec intelligence, sans jamais sombrer dans un fétichisme froid ni dans le clin d'œil trop appuyé. En fait c'est un superbe objet à commenter. Un objet singulier, pointu (donc pour un public de niche), mais j'ai personnellement vraiment aimé avoir cette impression d'un auteur libre de fabriquer une vision qu'on devine pensée, et bien pensée, du début à la fin sous tous ses aspects. On retrouvera ces mêmes maîtrise et originalité à l'œuvre dans son excellent court No hablo american.
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