16 octobre 2017

Le Cinéma de Luchino Visconti II. 1966-1971

La Strega bruciata viva (La Sorcère brûlée vive), 1966
Court-métrage réalisé par Visconti pour le film à sketch Les Sorcières, produit par De LaurentiisLire la chronique ici...



















La Caduta degli dei (Les Damnés), Visconti, 1969 
Déliquescence d'une famille d'industriels aristocrates allemands qui va payer un lourd tribut pour sa compromission avec le pouvoir politique nazi. On se manipule, on se trompe, on joue avec les sentiments. Tout ce petit monde et ses petits calculs pour le pouvoir est impitoyablement observé par le regard du cinéaste. Et l'on voit cette galerie de personnages tous richement caractérisés et interprétés évoluer et se déchirer, jusqu'à être réduits à l'état de fantômes ou de machines. Progressivement s'affirme une irrésistible logique de destruction, une tragédie forcément funèbre qui confirme décidément Visconti comme un homme profondément hanté par la mort. Le récit débute ainsi avec l'incendie du Reichstag, se poursuit avec la Nuit des Longs-couteaux, et on devine que la soif du sang ne sera jamais apaisée et qu'une telle méthode ne peut mener ceux qui l'appliquent qu'à leur propre destruction. Et Visconti préfère conclure son film sur une apparence de victoire totale pour le nazisme et sa corruption des consciences, plutôt que de nous rassurer en nous contant la suite de l'Histoire.

Le réalisateur, incontestablement fasciné par le spectacle de cette décadence est un peu moins inspiré lorsqu'il en explore les à-côtés. Ainsi les scènes qui nous montrent le penchant tragique d'Helmut Berger pour les petites filles, ou bien la loooongue partie de campagne au grotesque assumé des S.A. sont moins convaincantes (cette dernière scène reste néanmoins après coup sans doute la plus mémorable). Le film n'est vraiment passionnant que lorsqu'il revient à cette vaste et terrifiante demeure familiale, véritable théâtre du drame. Photographie absolument somptueuse de Pasquale De Santis, privilégiant les teintes chaudes (rouges et violets) et crépusculaires. Partition pas très marquante (ou mal utilisée ?) de Maurice Jarre qui donne un peu l'impression de refourguer son Lara's theme de Jivago.




Morte a Venezia (Mort à Venise), 1971
Retour aux adaptations littéraires que le cinéaste a toujours privilégié, avec cette transposition d'un récit a priori peu cinématographique de Thomas Mann, puisque drame essentiellement intérieur qui demeurera irrésolu, si ce n'est par la mort (je ne spoile pas puisque tout est dans le titre). Visconti y assume de façon plutôt pertinente le lien entre le personnage d'Aschenbach et le compositeur Mahler, inspiration à peine déguisée pour Mann, mettant à l'honneur les lancinants mouvements de ses 3e et 5e symphonies. 

Le caractère funèbre suinte de quasiment tous les plans du film, de la peinture d'une cité en quarantaine dont la caméra insiste pour étaler la décrépitude au format cinemascope, à des personnages peints volontairement comme des morts-vivants qui s'ignorent, le visage étouffé sous les fards. L'atmosphère si lourde qu'impose une telle histoire me rend personnellement peu enclin à revenir visiter trop souvent cette Venise-là, mais je reconnais les qualités du film qui offrait à Dirk Bogarde l'un de ses plus grands rôles.


DOSSIER LUCHINO VISCONTI :

3 commentaires:

Strum a dit…

Pour ma part, c'est Les Damnés que je n'aime pas. Visconti dépasse la frontère du grotesque dans ce film, je trouve. Mort à Venise, c'est très beau visuellement et il y a quelque chose de plus humain et de moins ridicule. J'ai moi aussi chroniqué quelques Visconti (dont Le Guépard et Mort à Venise).

Elias FARES a dit…

J'ai vu (et lu) tes très beaux textes, en effet. Maintenant c'est le début de sa filmographie qu'il me faudra aborder. Et j'ai aussi une grande curiosité pour son Ludwig.

E.

Strum a dit…

Merci Elias. Oui, Ludwig c'est très intéressant, comme film. Avant cette période décadente, il y a le très beau Rocco et ses frères à voir en priorité. Je n'ai pas vu ses tous premiers (La terre tremble, Ossessione...)