Dernière vraie production néozélandaise tournée par Peter Jackson avec son compère Costa Botes (qui signera plus tard le monumental makingof de The Lord of the rings), ce faux documentaire est un petit bijou. La farce fonctionne d'autant mieux qu'elle se pare ici de toute la grammaire classique du documentaire, gage de sérieux : interventions de personnalités comme caution intellectuelle (Leonard Maltin, Harvey Weinstein, Sam Neill), reconstitutions d'époque, mise en scène de l'équipe de tournage dans ses moments de doute et de progrès (exactement comme le fit Rob Reiner sur l'indépassable This is Spinal Tap !). C'est malin, inventif et drôle, et techniquement c'est un régal d'inventorier les moyens de falsification destinés à faire passer la pilule. Jackson y invente donc la figure du cinéaste néozélandais Colin McKenzie, contemporain de Griffith tombé dans l'oubli, qui aurait au début du XXe siècle inventé avant tout le monde les procédés modernes du langage cinématographique et anticipé sur ses évolutions techniques (le son, la couleur, l'écran large, la superproduction), avant de disparaître lors du tournage insensé de l'œuvre de sa vie, un peplum consacré à Salomé.
Forgotten silver se révèle comme une œuvre très personnelle et attachante, dès lors qu'on s'amuse à voir dans le portrait de ce pionnier génial celui, idéalisé, du bricolo Peter Jackson (celui qui signa ces chefs-d'œuvre de créativité que furent Bad taste et Braindead). La reconstitution des bouts de pelloche retrouvés de McKenzie annonce ce que fera le réalisateur quelques années plus tard avec la scène perdue des araignées du King Kong de Cooper et Schoedsack, amoureusement produite avec les techniques d'époque. Et ce qui s'exprime ici n'est rien de moins qu'une déclaration d'amour aussi poétique qu'émouvante au cinéma, cette fabrique du rêve, honoré comme l'art de faire passer des vessies pour des lanternes. Dans la lignée de ce qui arriva à Orson Welles et à sa Guerre des mondes radiophonique, le film fit son petit scandale lorsque ses auteurs révélèrent la supercherie. Les spectateurs néozélandais l'avaient en effet pris pour argent comptant lors de sa diffusion télévisée, persuadés de s'être trouvés une nouvelle fierté nationale.
Forgotten silver se révèle comme une œuvre très personnelle et attachante, dès lors qu'on s'amuse à voir dans le portrait de ce pionnier génial celui, idéalisé, du bricolo Peter Jackson (celui qui signa ces chefs-d'œuvre de créativité que furent Bad taste et Braindead). La reconstitution des bouts de pelloche retrouvés de McKenzie annonce ce que fera le réalisateur quelques années plus tard avec la scène perdue des araignées du King Kong de Cooper et Schoedsack, amoureusement produite avec les techniques d'époque. Et ce qui s'exprime ici n'est rien de moins qu'une déclaration d'amour aussi poétique qu'émouvante au cinéma, cette fabrique du rêve, honoré comme l'art de faire passer des vessies pour des lanternes. Dans la lignée de ce qui arriva à Orson Welles et à sa Guerre des mondes radiophonique, le film fit son petit scandale lorsque ses auteurs révélèrent la supercherie. Les spectateurs néozélandais l'avaient en effet pris pour argent comptant lors de sa diffusion télévisée, persuadés de s'être trouvés une nouvelle fierté nationale.
Réalisé par le documentariste français William Karel, grand scrutateur des rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir de l'image (C.I.A. guerres secrètes, Les Hommes de la Maison Blanche, Le Monde selon Bush...), un documentaire assez génial dans sa façon de mélanger le vrai et le faux, de détourner d'authentiques interviews en ne conservant que des phrases équivoques et en les intercalant avec des interviews bidons de vrais comédiens. De même que les images d'archives très nombreuses, provenant de plein de sources et qui finissent par exprimer ce que veut bien leur faire dire le commentaire. Le ton est dans un premier temps très sérieux et crédible, et puis ça délire joyeusement au fur et à mesure, manière de tester la crédulité du spectateur.
Le film s'appuie sur la fascinante thèse complotiste qui veut que la mission lunaire n'a été qu'une mise en scène réalisée en studio par Stanley Kubrick (thèse qui inspirera à Hollywood l'amusant Capricorn one de Peter Hyams). Karel démarre sur des faits historiques bien réels, puis va progressivement
broder toute une histoire rocambolesque, avec des types au nom un peu louche du
genre Jack Torrance, Davie Bowman ou George Kaplan, tels des coups de pied sous la table aux cinéphiles. La palme revenant à cette
série d'interviews de paysans vietnamiens qui témoignent soi-disant sur le
passage d'un commando chargé d'éliminer des espions fous. Les sous-titres en profitent pour raconter n'importe quoi, c'est hilarant. Un régal et une leçon de cinéma de
propagande.
Room 237, Rodney Ascher, 2012
J'ignorais complètement quel serait l'angle de
ce docu, m'attendant presque naïvement à un genre de makingof définitif sur le Shining de Kubrick, et
pensant instantanément que ce serait génial de soumettre au même décryptag Eyes wide shut — autre film qui donne l'impression que le moindre centimètre carré de pellicule
ne doit rien au hasard. J'ai donc mis un peu de temps à
comprendre ce qu'on me proposait là, tiquant à peu près quand la simple
récurrence du chiffre 42 et de la marque allemande d'une machine à écrire est présentée comme le seul et incontestable indice prouvant que le film serait en réalité... une
mise en abîme de l'Holocauste. Et j'ai bientôt été gêné par le fait
qu'on ne sache jamais qui s'exprime (pas de noms, de visage ou de fonction de ceux qui prennent la parole). En ce qui me concerne, ça pourrait tout
aussi bien venir de cinémaniaques psychologiquement instables, dont j'aurais pu faire partie,
étant moi-même fasciné par le film, et marqué par ce numéro de la chambre « two-three-seven », mais
m'étant toujours prudemment tenu sur le seuil et dans le refus de la sur-analyse.
Je ne m'explique donc pas ce refus de présentation de la part de Rodney Ascher, qui assume manifestement de rester dans l'indécision, pour ne pas dire la confusion. Parce que le vrai sujet me semblait plutôt de faire le portrait de ces gens-là, de leurs obsessions et de leur dépendance (puisque pour la plupart le film est devenu constitutif de leur personnalité). Le seul truc rigolo, c'est qu'au moment où j'étais en train de penser qu'on devait forcément trouver sur le Net le travail de quelqu'un qui aurait modélisé le plan de l'hôtel, ce dernier apparaissait à l'écran. J'ai aussi plusieurs fois tiqué sur certains plans qui m'étaient inconnus, pourtant persuadé de connaître le film par cœur, avant de réaliser qu'ils étaient par conséquent issus de la version longue (confirmant que non seulement je ne l'ai pas vue, mais surtout qu'elle semble bien ruiner le film). Au final, ça se regarde bien, et c'est toujours intéressant de découvrir tous ces petits détails que ces gens ont repéré dans le film. De là à me persuader que ça participe des intentions du cinéaste... C'est bien trop cryptique, et le subliminal a ses limites.
Je ne m'explique donc pas ce refus de présentation de la part de Rodney Ascher, qui assume manifestement de rester dans l'indécision, pour ne pas dire la confusion. Parce que le vrai sujet me semblait plutôt de faire le portrait de ces gens-là, de leurs obsessions et de leur dépendance (puisque pour la plupart le film est devenu constitutif de leur personnalité). Le seul truc rigolo, c'est qu'au moment où j'étais en train de penser qu'on devait forcément trouver sur le Net le travail de quelqu'un qui aurait modélisé le plan de l'hôtel, ce dernier apparaissait à l'écran. J'ai aussi plusieurs fois tiqué sur certains plans qui m'étaient inconnus, pourtant persuadé de connaître le film par cœur, avant de réaliser qu'ils étaient par conséquent issus de la version longue (confirmant que non seulement je ne l'ai pas vue, mais surtout qu'elle semble bien ruiner le film). Au final, ça se regarde bien, et c'est toujours intéressant de découvrir tous ces petits détails que ces gens ont repéré dans le film. De là à me persuader que ça participe des intentions du cinéaste... C'est bien trop cryptique, et le subliminal a ses limites.
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