16 août 2017

Deux livres d'auteurs disparus, Shepard & Saint Bris

Sam Shepard, Balades au paradis, 1996
Déjà gros respect pour le bonhomme à la base. S'il restera éternellement pour moi avant tout le magnifique Chuck Yeager de L'Étoffe des héros, j'ai toujours aimé croiser sa lumineuse présence d'acteur quel que soit le film auquel il acceptait de participer, du cinéma d'auteur exigeant (Paris, Texas) au blockbuster débile (Opération Espadon). 

De son œuvre littéraire et dramaturgique, j'ai fortement apprécié ce recueil de nouvelles, composées comme une suite de petits instants de rien du tout qui semblent pourtant contenir toute la profondeur d'une existence. Les textes vont de quelques paragraphes à quelques dizaines de pages, et s'achèvent rarement sur une vraie conclusion, laissant le soin au lecteur d'en tirer éventuellement une morale. Ou pas. J'adore ce type d'écriture anti-explicite au possible, entre Salinger et Paul Bowles. Certaines nouvelles se font écho et l'ensemble façonne en quelque sorte une vision de l'Amérique profonde, entre mythe et vérité oubliée. Et la figure de l'auteur lui-même n'est jamais bien loin, notamment dans toute une série où il évoque le tournage rocambolesque au Mexique de The Voyager, que Shepard tourna sous la direction de Volker Schlöndorff en 1990.




Gonzague Saint Bris, Les Vieillards de Brighton,  2002
Sujet assez étonnant, pour un livre en fin de compte d'une préciosité rare. Récompensé du prix Interallié, Les Vieillards de Brighton raconte les quelques mois que passe Arthur, âgé de moins de 10 ans, dans un hospice anglais pour retraités vers le début des années 50. Ce contexte, pas très éloigné de L'Étrange histoire de Benjamin Button, pourrait légitimement rebuter le lecteur, d'autant plus que Saint Bris refuse toute progression dans son récit. Mais passées quelques dizaines de pages, les portraits de ces vieillards commence à devenir à la fois cru et émouvant. Le style est d'une précision admirable, ne craignant pas de décrire à la fois la décrépitude, les désillusions, les misères du passé et du présent, mais aussi les rêves glorieux, les amours enchantés de la jeunesse. Projeté bien avant l'heure dans ce monde qui n'est pas le sien, Arthur — dans lequel on pourra sans trop de peine projeter la figure de l'auteur — va ainsi commencer sa vie à rebours, découvrant la vieillesse avant de se voir offrir l'opportunité de vivre son enfance.

Rien d'académique dans ce livre étonnant, audacieux par son sujet et vraiment beau dans sa forme, et qui suscite au fur et à mesure un véritable bonheur de lecture. On pourrait s'arrêter sur chaque phrase tant elle est ciselée, pleine de vérité et d'émotion. Je n'ai lu aucun autre ouvrage de Saint Bris, mais assurément cet homme s'affirme ici comme un poète.

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