La Révolution française, Robert Enrico & Richard T. Heffron, 1989
Il s'agit de l'ambitieux diptyque produit pour le bicentenaire de la Révolution française, un anniversaire fastueusement célébré cette année 1989, entre défilé et débats d'historiens. Les spectateurs, dont je fus, virent donc arriver sur les écrans la première partie, Les Années lumière, réalisée par Robert Enrico (Ho !, Le Vieux fusil, Les Aventuriers), bientôt suivie de la seconde, Les Années terribles, mise en scène par l'américain Richard T. Heffron, professionnel plutôt rompu au travaux télévisuels (les mini-séries V, North & South). Dans mon souvenir, je préférais cette seconde époque à la première, parce que plus sombre, et qui, par la succession d'événements souvent horribles qui s'y voyaient représentés — massacres de prisonniers, morts successives des principaux artisans de la Révolution — finissait par relever de la tragédie. Construite sur un rythme moins précipité, la première partie avait la tâche plus ingrate de l'exposition.
Il s'agit de l'ambitieux diptyque produit pour le bicentenaire de la Révolution française, un anniversaire fastueusement célébré cette année 1989, entre défilé et débats d'historiens. Les spectateurs, dont je fus, virent donc arriver sur les écrans la première partie, Les Années lumière, réalisée par Robert Enrico (Ho !, Le Vieux fusil, Les Aventuriers), bientôt suivie de la seconde, Les Années terribles, mise en scène par l'américain Richard T. Heffron, professionnel plutôt rompu au travaux télévisuels (les mini-séries V, North & South). Dans mon souvenir, je préférais cette seconde époque à la première, parce que plus sombre, et qui, par la succession d'événements souvent horribles qui s'y voyaient représentés — massacres de prisonniers, morts successives des principaux artisans de la Révolution — finissait par relever de la tragédie. Construite sur un rythme moins précipité, la première partie avait la tâche plus ingrate de l'exposition.
C'est un
film qui a surtout représenté pour moi la meilleure illustration de cette
période historique. Et aujourd'hui encore, quand je pense à Camille Desmoulins, je vois François Cluzet
haranguant la foule dans les jardins du Palais royal. Quand je pense à Louis XVI,
je vois la figure pouponne de Jean-François Balmer. Quand je pense à l'arrestation de Robespierre, je revois la
scène du film. Je n'ai toujours pas vu le Danton de Wajda incarné par Depardieu, et le personnage conserve donc pour moi la prestance de Klaus Maria Brandauer. Et on y croise encore le néozélandais Sam Neill en La Fayette, tandis que Christopher Lee
est idéal en Sanson le bourreau de la place de la Révolution. En revoyant le film, c'est finalement l'interprétation toute en
finesse et sur la réserve d'Andrzej Seweryn en Robespierre
qui m'aura impressionné. Ce casting international n'a rien d'indigeste ou de complaisant. Les personnages existent et aucun comédien ne cherche à tirer la couverture à lui, servant avant tout son rôle le temps de ses scènes. Par l'ampleur des événements qu'elle cherche à embrasser, cette fresque échappe à la seule illustration scolaire, et on peut sans problème la considérer comme l'un des meilleurs films sur cette période (parmi lesquels j'inclurais également L'Anglaise et le Duc de Rohmer). Les grands faits marquants sont reconstitués, s'inspirant à l'occasion des images emblématiques qui ont marqué l'imaginaire collectif (Le Serment du jeu de Paume et La Mort de Marat, tels qu'immortalisés par le peintre David).
Toto le héros, Jaco Van Dormael, 1991
Un film qui m'avait bien impressionné à l'époque, par l'originalité de son histoire, son sens du romanesque, la fantaisie permise par une narration qui assume pleinement sa subjectivité, portée par la voix envoûtante de Michel Bouquet. L'enfance y est montrée à la fois sous l'angle
de l'imaginaire et de la perversité. Le film est ainsi empreint de magie où tout semble possible, mais aussi d'une profonde
tristesse et d'un sentiment de rancœur qui se répand sur le récit tel un poison lent. Et la façon dont Van Dormael joue à imbriquer le passé dans le présent, avec
des raccords toujours inventifs et surprenants, me laisse admiratif.
Visuellement plein d'idées, le film enchaîne des moments très forts, où la drôlerie se teinte souvent de cruauté. Bref un petit bijou sur le monde des adultes vu par les yeux d'un enfant (dans la lignée du Tambour de Schlöndorff), qui fut à juste titre récompensé à Cannes l'année de sa sortie en tant que premier film du réalisateur. Bizarrement, alors que j'aurais du logiquement continuer à le suivre, je n'ai à ce jour rien vu de la poignée d'autres films qu'il a ensuite réalisés en 25 ans : Le Huitième jour, Mr. Nobody, Le Tout nouveau testament.
Visuellement plein d'idées, le film enchaîne des moments très forts, où la drôlerie se teinte souvent de cruauté. Bref un petit bijou sur le monde des adultes vu par les yeux d'un enfant (dans la lignée du Tambour de Schlöndorff), qui fut à juste titre récompensé à Cannes l'année de sa sortie en tant que premier film du réalisateur. Bizarrement, alors que j'aurais du logiquement continuer à le suivre, je n'ai à ce jour rien vu de la poignée d'autres films qu'il a ensuite réalisés en 25 ans : Le Huitième jour, Mr. Nobody, Le Tout nouveau testament.
Les Patriotes, Éric Rochant, 1994
Malgré l'importance de sa contribution au cinéma français d'auteur de la décennie 90's (Un monde sans pitié, Aux yeux du monde), Éric Rochant ne semble pas avoir aujourd'hui conservé l'aura qu'il avait pourtant légitimement conquis. La découverte de ses Patriotes,
précédés d'une intimidante réputation, fut à la hauteur de ce que j'en
espérais, et même au-delà. Rochant qui signe seul le scénario, est
manifestement habité par une ambition qui détonne complètement par
rapport à ce qu'on attend encore aujourd'hui du cinéma français. À quelques rares occasions, on trouve comme ça des
producteurs qui ont le courage — l'inconscience — de financer un projet
complètement hors norme et qui s'avère maîtrisé de bout en bout. Les Patriotes c'est donc un chef-d'œuvre d'écriture, qui parvient plus que brillamment à
trouver le bon ton entre description clinique du monde de l'espionnage et
romantisme du héros, une telle approche anticipant de 20 ans sur le Munich de Spielberg. L'obsession d'Yvan Attal pour cette femme qu'il a
utilisée et qui a disparu (superbe et troublante Sandrine Kiberlain)
n'apparaît en effet jamais comme un élément superflu ou déplacé. Il s'intègre
au contraire parfaitement au récit et au propos du cinéaste. Et la mécanique rigoureuse du
film fonctionne sans jamais verser dans la facilité du spectaculaire qu'affectionne le genre du film d'espionnage : pas un
seul coup de feu, aucune explosion, même pas de course poursuite.
On notera un travail sur le son discret mais constant, avec un arrière-plan régulièrement saturé de sonneries diverses, bruits de sirènes, etc., qui
renforcent cette atmosphère de surveillance et de paranoïa. Le film bénéficie de plus d'une splendide partition du discret Gérard Torikian, qui atteint à certains moments de vrais et beaux pics d'émotion. Et puis quel
casting : Jean-François Stevenin, Bernard Lecoq, Emmanuelle
Devos, Christine Pascal, Maurice Bénichou, et même Hyppolite
Girardot et Nancy Allen ! Le film est à voir évidemment dans
sa version originale, puisqu'il existe inexplicablement une version doublée où
tout le monde parle français, qu'on soit à Tel Aviv ou à Washington. Je reste juste un peu déçu par un épilogue qui manque un peu sa cible en se montrant top explicite, là où il aurait été vertigineux d'entretenir le mystère et d'abandonner le spectateur sur une note troublante. Vingt ans plus tard, Rochant aura l'occasion de mettre à profit toute son expérience pour créer la remarquable série Le Bureau des légendes.
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