10 février 2017

Luc Besson kamikaze

Kamikaze, Didier Grousset, 1986
Avec : Michel Galabru, Richard Bohringer, Dominique Lavanant, Etienne Chicot, Romane Bohringer...


Voilà un film qui m'avait vraiment marqué à l'époque, d'autant plus qu'il est longtemps resté invisible, demeurant pour moi tel un souvenir brumeux et difficilement partageable, qu'on se persuade presque d'avoir seulement rêvé. Projet singulier, Kamikaze raconte en gros l'histoire d'un ingénieur aigri qui invente un rayon capable de faire exploser les tripes des speakerines et présentateurs depuis l'écran de sa télévision. Le film s'inscrit dans cette sorte de sous-genre qu'est le cinéma fantastique français de la décennie 1980, peu prolifique mais distillant toujours le malaise et l'inconfort plutôt que le merveilleux : des premiers films de René Manzor à Simple mortel de Jolivet, en passant par Baxter de BoivinBaby blood de Robak, Bunker palace hotel de Bilal (dois-je vraiment évoquer Terminus ?). Un courant dont le festival d'Avoriaz servait alors de caisse de résonance, et qui fut en grande partie favorisé par Luc Besson. En effet, c'est lui qui, tout juste auréolé du succès de Subway, écrivit et produisit ce premier long-métrage de son assistant Didier Grousset (qui comme Boivin se retrouvera ensuite cantonné à la  télévision). 

De Besson réalisateur, je conchie vraiment Léon et son vide abyssal, Jeanne d'Arc et ses effets de mise en scène risibles, et je n'ai aucune envie de m'imposer le triple visionnage d'un Arthur et les Minimoys à la laideur incontournable. Subway serait insupportable s'il n'avait pas de valeur sociologique en tant que capsule temporelle des années 80. Je trouve par contre Le Grand bleu assez inspiré dans son écriture et plutôt regardable, même si les scènes donnent la pénible impression de manquer de liant. Je ne boude pas mon plaisir face à cocktail d'influences et au manque de prétention du Cinquième élément. Et j'aurais tendance à considérer Nikita comme son meilleur film, celui dont le scénario est le plus réussi, mais qui souffre sans doute aujourd'hui lui aussi de la lourdeur de ses effets.

En tant que producteur et scénariste, je ne peux malheureusement éprouver aucune sympathie ou bienveillance pour un type qui a permis que des trucs aussi indigents que Michel Vaillant, Taxi 2, Fanfan la Tulipe, Le Baiser mortel du Dragon et autres Wasabi  puissent atteindre les écrans. Ça fait en effet beaucoup de daubes pour sauver ses vraies bonnes idées de producteur, donnant leur chance à des acteurs tentés par la mise en scène : Gary Oldman (Nil by mouth), Patrick Bouchitey (Lune froide), Tommy Lee Jones (Trois enterrements), ou de permettre à Patrick Grandperret, auprès duquel Besson avait fait ses classes, de retrouver la faveur des écrans avec le très beau L'Enfant lion.



Pour en revenir à mon plaisir coupable qu'est ce Kamikaze, après son insuccès fatal en salles le film avait fini par retrouver le chemin du petit écran au cours des années 2000, avant d'avoir les honneurs d'une édition DVD chez Gaumont à la demande. J'avais donc eu l'occasion de l'enregistrer et de le revoir. Tout ce que j'avais apprécié à l'époque s'y retrouve : un Galabru terrifiant et à contre-emploi, une atmosphère tantôt glaçante tantôt poisseuse, de superbes idées comme cette speakerine suppliante qui s'adresse au tueur face caméra, en lâchant : « ne tirez pas ! », ou bien un final particulièrement sombre. Et puis il y a Romane Bohringer dans son premier rôle, ici avec son papa. Le pitch absolument génial ne tient peut-être pas toutes ses promesses dans ses développements, n'atteignant évidemment pas le quart de la puissance d'un Videodrome avec lequel il entretient une parenté néanmoins évidente. Mais par le travail sur les décors anxiogènes, et par son discours critique ultra-violent sur les travers de la technologie, ça donne un spectacle qui conserve sa fascination.

Le seul élément qui par contre plombe irrémédiablement le film redécouvert aujourd'hui, c'est la musique d'Eric Serra (comme un peu trop souvent malheureusement, dès que le monsieur est au générique). En effet, le camarade compositeur de Besson est alors au sommet de sa veine bontempi, et si je suis souvent le premier à apprécier les sonorités synthétiques du cinéma 80's, ici c'est tout simplement atroce, du même niveau que le carnage d'Alan Parsons project sur le Ladyhawke de Richard Donner.

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