23 mai 2018

Le Cinéma de Terry Gilliam I. 1975-1981

Monty Python and the Holy Grail (Sacré Graal !), coréal. Terry Jones, 1975
En plus d'être un cinéaste à la carrière passionnante, Terry Gilliam incarne également une figure particulièrement importante de mon parcours cinéphilique, pourvoyeur d'un univers visuel sans équivalent et d'une incontestable cohérence. Pas si prolifique, son œuvre supporte vraiment de fréquents visionnages, chaque film donnant l'impression d'un monde aussi riche que fou, telle une boîte à malice qui recèlerait sans cesse de nouveaux trésors. J'adore les animations en papier découpé de ses débuts, concoctées pour les intermèdes du Flying circus, et je savoure chacune de ses rares apparitions au sein du combo british, souvent muettes (rien que sa façon de manger une banane dans le Live at the Hollywood Bowl me réjouit).

Même s'il en cosigne la réalisation avec Terry Jones, il m'est néanmoins difficile de considérer Monty Python and the Holy Grail — premier vrai long-métrage du groupe — au sein de l'œuvre de Gilliam. Suite de sketches anthologiques, le résultat à l'écran doit avant tout au travail collectif des Python, dont il reste pour moi le sommet. Par l'écriture comme par l'interprétation, chaque membre y a mis du sien, et on ne peut véritablement en mettre un en vedette plus qu'un autre. Et pourtant, cet univers médiéval fait de sorcellerie, de récits légendaires et d'actes chevaleresques est loin d'être étranger à Gilliam.




Jabberwocky, 1976
Film pas encore tout à fait maîtrisé (quelques longueurs), qui exprime cependant déjà un style et une voix. Récit picaresque placé sous le signe de Lewis Carroll, Jabberwocky propose une vision du Moyen-âge encore esthétiquement assez proche de Holy Grail, achevé quelques mois plus tôt. On peut raisonnablement supposer que Gilliam a récupéré costumes et accessoires du précédent tournage, tout en demandant à Michael Palin de faire des heures sup. L'acteur, excellent, semble s'être impliqué à fond dans un rôle physiquement exigeant.

Même si l'humour y a sa place — le film est souvent très drôle — on sent que Gilliam croit à son histoire, et qu'il cherche à se démarquer de la veine ouvertement irrévérencieuse des Python. Le manque de moyens ne semble avoir en rien confiné son imagination. Adoptant une structure de conte de fée, le film est étonnamment riche en péripéties. Chevalerie, héros, rêves, tout est déjà là. Jabberwocky porte pleinement la signature de Gilliam, avec son univers branque et poétique, sa fascination pour le Moyen-âge et son imagerie fantastique teintée de cauchemar, son goût pour les décors baroques, les situations absurdes, et les monstres. Pour toutes ces raisons, pour la personnalité qu'il exprime, c'est de mon point de vue un film très attachant, que j'apprécie davantage à chaque nouvelle vision.




Time Bandits (Bandits, bandits), 1981
Déçu à la première vision, emballé à la seconde. Bénéficiant d'un budget relativement plus important, mais néanmoins dérisoire au vu de ses ambitions, Time bandits n'échappe pas à l'impression d'une succession de sketches avec son défilé de vedettes-trois-petits-tours-et-puis-s'en-vont (Sean ConneryIan HolmShelley Duvall). Et là encore, tant pis pour le manque de moyens, visuellement Gilliam ne s'interdit aucun bricolage d'effets (matte paintings, incrustations, maquettes). Coécrit avec Palin, le film présente un peu le même aspect foutraque que Jabberwocky, mais demeure plus qu'agréable à suivre parce que constamment surprenant.

Voyage à travers le temps et ses mythes, revisitation par l'absurde de l'Histoire, contrepied des ennuyeux récits scolaires, Time bandits c'est pour Gilliam l'occasion d'un grand fourre-tout où il peut compiler tout ce qu'il aime, donner libre cours à sa liberté d'invention. C'est le film d'un grand enfant, plutôt catégorie cancre, qui refuse de raconter des histoires sérieuses, préférant au monde réel le refuge dans l'aventure et le rêve. Une invitation à croire à l'impossible, une ode à la rêverie, au pouvoir de la fiction et du conte qui résonne pleinement avec les quêtes d'un Münchhausen et d'un Quichotte, et anticipe également par bien des aspects sur le monde féérique de The Princess bride, réalisé six ans plus tard. 


DOSSIER TERRY GILLIAM :

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