Adaptation fastueuse du roman de Di Lampedusa, le film a beau être une superproduction riche en costumes et batailles de figurants en scope couleurs, elle a une âme, qui est viscéralement celle de son metteur en scène. L'aristocrate communiste Visconti fait réellement sien le discours de son protagoniste de Prince, incarnant l'identité d'une Nation arrivée à un tournant de son histoire, sommée sinon de choisir, tout du moins de laisser le monde suivre son cours, même si ses idéaux relèvent de l'utopie, et de s'offrir avec lui une dernière danse avant de s'effacer du devant de la scène. Le propos est d'autant plus riche et touchant, qu'il se pare d'une réelle émotion avec les différents drames que vivent les personnages, émotion quasiment proustienne par la qualité méticuleuse de ses observations sur le temps.
Parmi la jeune génération, l'interprétation de Delon et Cardinale en impose, leur beauté et leurs regards brûlant littéralement la pellicule. Et la classe impériale de l'inattendu Burt Lancaster domine le film, son statut de star hollywoodienne échouée à Cinecitta — façon de parler puisque Visconti a privilégié de vrais extérieurs aux palais de studio — servant idéalement le discours.
C'est pour moi un des rares incontestables chefs-d'œuvre de cinéma, à la fois intimidant et bouleversant d'intelligence, et dont chaque plan respire la maîtrise. Maîtrise culminant lors de cette dernière heure de bal, morceau de cinéma proprement fascinant où le temps semble en suspension. Et on a raison de penser que les chefs-opérateurs italiens sont les meilleurs du monde quand on voit la sublime beauté picturale de la photographie de Giuseppe Rotunno.
C'est pour moi un des rares incontestables chefs-d'œuvre de cinéma, à la fois intimidant et bouleversant d'intelligence, et dont chaque plan respire la maîtrise. Maîtrise culminant lors de cette dernière heure de bal, morceau de cinéma proprement fascinant où le temps semble en suspension. Et on a raison de penser que les chefs-opérateurs italiens sont les meilleurs du monde quand on voit la sublime beauté picturale de la photographie de Giuseppe Rotunno.
Vaghe
stelle dell'orsa (Sandra), 1965
Un film difficile et profondément marqué par la mort. Par film difficile, j'entends que la séduction n'est pas immédiate. C'est l'histoire d'un homme qui va quasiment être forcé de perdre sa femme en
fouillant dans son passé. Et c'est aussi l'histoire d'une femme qui va devoir faire son deuil
de ce passé pour se retrouver. Après une ouverture
marquée par la frivolité (la fête de départ) et la légèreté (le trajet en
voiture), on devine très vite que ce retour au pays natal n'aura rien d'une
promenade touristique. L'action se situe dans un village italien chargé d'histoire, un trésor d'archéologie fait de vieux murs et de tombeaux étrusques, irrémédiablement et symboliquement emportés dans un ravin. La grandiose demeure familiale semble vouloir figer les
personnages au milieu du marbre et des statues. Le drame est particulièrement pesant, avec en plus de sordides histoires de famille, l'absence d'un père mort en déportation.
Visconti insiste sur les reflets dans les miroirs. Son art de la caméra suggère la présence de fantômes, errant dans une maison déserte, un jardin balayé par le vent, les ruines d'une citerne. Le spectateur devient le témoin impuissant de la détresse pathétique de ces personnages qui tantôt luttent, tantôt cèdent, face à leur propre douleur. Des damnés, déjà. La quête de la vérité permettra à certains de survivre, mais au prix de la destruction des autres.
Le mystère lui-même sera assez vite élucidé par le spectateur, mais l'enjeu est moins dans cette résolution que dans la façon de la transcender. Ces « pâles étoiles de la Grande ourse » du titre original nous montrent combien les verts paradis des amours enfantines peuvent parfois bâtir de boueuses fondations à l'existence. Visconti en profite au passage pour dénoncer la mesquinerie et le misérabilisme de pensée de la bourgeoisie de province. Les dix dernières minutes sont absolument superbes, avec une utilisation judicieuse de la musique de Cesar Franck. Le film est aussi porté par le jeu exalté et très émouvant de Jean Sorel, tandis que Claudia Cardinale à l'apogée de sa beauté et de sa sensualité est une nouvelle fois sublimée par un très beau noir et blanc.
Visconti insiste sur les reflets dans les miroirs. Son art de la caméra suggère la présence de fantômes, errant dans une maison déserte, un jardin balayé par le vent, les ruines d'une citerne. Le spectateur devient le témoin impuissant de la détresse pathétique de ces personnages qui tantôt luttent, tantôt cèdent, face à leur propre douleur. Des damnés, déjà. La quête de la vérité permettra à certains de survivre, mais au prix de la destruction des autres.
Le mystère lui-même sera assez vite élucidé par le spectateur, mais l'enjeu est moins dans cette résolution que dans la façon de la transcender. Ces « pâles étoiles de la Grande ourse » du titre original nous montrent combien les verts paradis des amours enfantines peuvent parfois bâtir de boueuses fondations à l'existence. Visconti en profite au passage pour dénoncer la mesquinerie et le misérabilisme de pensée de la bourgeoisie de province. Les dix dernières minutes sont absolument superbes, avec une utilisation judicieuse de la musique de Cesar Franck. Le film est aussi porté par le jeu exalté et très émouvant de Jean Sorel, tandis que Claudia Cardinale à l'apogée de sa beauté et de sa sensualité est une nouvelle fois sublimée par un très beau noir et blanc.
3 commentaires:
Comme toi, je considère Le Guépard comme un sommet du cinéma. Inépuisable beauté de ce film.
Oui, sachant que je n'ai toujours pas eu l'occasion de le revoir dans sa copie restaurée...
E.
C'est magnifique.
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