Tognazzi, Gassman, Mastroianni, Trintignant (père et fille), Reggiani... Casting extraordinaire pour ce chant d'adieu de la comédie italienne, composé par ceux qui en furent les principaux artisans : Scola, Age et Scarpelli. Car le temps du bilan est venu pour ces hommes de spectacle, ces barons de la politique et du journalisme, réunis le temps d'une soirée mondaine sur une terrasse à Rome. C'est la dernière parade pour regarder briller les derniers feux, reflets de leur impuissance, qu'elle soit créatrice ou sexuelle. Une fois parvenu au sommet, on ne peut en effet que redescendre, et c'est cette dégringolade désolante que nous invite à contempler Scola. La terrasse symbolise l'achèvement de l'édifice, du haut duquel les personnages vont constater leur déphasage, avec le monde comme avec eux-mêmes, et voir mettre à nu leurs hypocrisies.
Le film est construit comme une suite de sketches, prolongeant en cela une certaine tradition du cinéma italien (Les Monstres, Les Sorcières, La Trilogie de la vie, mais on pourrait aussi remonter à Paisa'). Avec à chaque fois un retour sur la terrasse, comme si les personnages étaient condamnés à un éternel recommencement, purgatoire avant le Jugement dernier. Pertinent, le dispositif n'en est pas moins froid, et j'avoue n'être guère touché par le spectacle de ces pathétiques destins. Si l'ambition du projet force l'admiration, la symbolique est parfois lourde, et le côté volontairement sinistre du film peut légitimement décourager.
Le film est construit comme une suite de sketches, prolongeant en cela une certaine tradition du cinéma italien (Les Monstres, Les Sorcières, La Trilogie de la vie, mais on pourrait aussi remonter à Paisa'). Avec à chaque fois un retour sur la terrasse, comme si les personnages étaient condamnés à un éternel recommencement, purgatoire avant le Jugement dernier. Pertinent, le dispositif n'en est pas moins froid, et j'avoue n'être guère touché par le spectacle de ces pathétiques destins. Si l'ambition du projet force l'admiration, la symbolique est parfois lourde, et le côté volontairement sinistre du film peut légitimement décourager.
La Nuit de Varennes, 1982
Ambitieuse coproduction européenne en costumes de la Gaumont. Et si on a bien ici un casting à première vue hétéroclite, il s'avère pleinement justifié puisque la nationalité des acteurs correspond précisément à celle des personnages qu'ils incarnent et qu'ils peuvent donc jouer avec leurs voix et accents. Ça donne à cette plongée dans le passé une saveur assez authentique, d'autant plus qu'on est bercé par des dialogues et une langue emplis de l'esprit des Lumières. De Mastroianni en Casanova formidablement touchant et écrasé sous le poids de son habit et de sa nostalgie, à Hanna Shygulla que j'aurais rarement vu aussi joliment filmée, en passant par Harvey Keitel en philosophe progressiste, ou Jean-Louis Barrault incroyable de vitalité, c'est un régal de passer du temps au milieu de cette troupe. Il faudra juste passer sur une mise en place un poil longue où l'on est un peu perdu parmi la multiplicité des points de vue proposés. Mais une fois que ça démarre, le voyage est étonnamment agréable.
J'ignorais totalement le traitement choisi par Scola et son coscénariste Sergio Amidei pour raconter la fuite de Louis XVI, et j'ai adoré le principe de n'aborder finalement la Grande Histoire que par la marge, en décalant très légèrement le point de vue pour ne pas montrer le protagoniste royal mais plutôt s'intéresser à ceux qui le suivent (un peu le principe d'Une journée particulière qui laissait se dérouler l'Histoire à l'arrière-plan). Le film s'apparente à une longue promenade, un road movie au rythme forcément tranquille d'un carrosse. C'est l'occasion d'assister à des discussions passionnantes et apaisées sur les idéaux de la Révolution, de commentaires non dénués de pertinence sur ce monde en train de changer, loin de Paris, des clichés et d'une vison surdramatisée des événements. On est avant la Terreur, à un moment où il n'est pas encore question de mettre à bas la Monarchie. Pas du tout écrasé par les gros moyens dont il dispose — vastes et convaincants décors extérieurs, figurants et costumes — Scola se montre toujours super précis dans sa mise en scène, s'offrant même quelques libertés de style avec des petits apartés qui viennent interrompre le récit. Et j'ai beaucoup apprécié la musique symphonique du fidèle Armando Trovajoli, qui intervient régulièrement pour colorer les images d'une tonalité mélancolique.
J'ignorais totalement le traitement choisi par Scola et son coscénariste Sergio Amidei pour raconter la fuite de Louis XVI, et j'ai adoré le principe de n'aborder finalement la Grande Histoire que par la marge, en décalant très légèrement le point de vue pour ne pas montrer le protagoniste royal mais plutôt s'intéresser à ceux qui le suivent (un peu le principe d'Une journée particulière qui laissait se dérouler l'Histoire à l'arrière-plan). Le film s'apparente à une longue promenade, un road movie au rythme forcément tranquille d'un carrosse. C'est l'occasion d'assister à des discussions passionnantes et apaisées sur les idéaux de la Révolution, de commentaires non dénués de pertinence sur ce monde en train de changer, loin de Paris, des clichés et d'une vison surdramatisée des événements. On est avant la Terreur, à un moment où il n'est pas encore question de mettre à bas la Monarchie. Pas du tout écrasé par les gros moyens dont il dispose — vastes et convaincants décors extérieurs, figurants et costumes — Scola se montre toujours super précis dans sa mise en scène, s'offrant même quelques libertés de style avec des petits apartés qui viennent interrompre le récit. Et j'ai beaucoup apprécié la musique symphonique du fidèle Armando Trovajoli, qui intervient régulièrement pour colorer les images d'une tonalité mélancolique.
Che ora e (Quelle heure est-il), 1989
Avec Drame de la jalousie et Nous nous sommes tant aimés, Che ora e est une autre merveille signée Scola qui me charme et me ravit. Un film aussi simple dans son dispositif que profondément touchant dans ce qu'il parvient à susciter. Le cinéaste, toujours inspiré, renoue avec son goût pour les films-concepts, ceux qui jouent sur l'unité de temps et / ou de lieu (Le Bal, La Terrasse, Une journée particulière, Le Dîner). Ici, entre deux trains, le spectateur est invité à partager les retrouvailles d'un père et de son fils en permission, le temps d'un après-midi pluvieux dans une petite ville morne du bord de mer. Ils ont beau être de la même famille, ce sont bien deux étrangers qui se retrouvent et vont être amenés à se découvrir. Épreuve de vérité, interrogation douloureuse du lien filial, le film observe avec une juste distance leur approche timide, attentif à capter le surgissement de révélations qu'on regrette, d'une parole qui se libère, teintée d'aigreur mais aussi de tendresse.
La mise en scène suit les déambulations du duo avec une précision qui aide vraiment à l'immersion du spectateur dans les rues tristes de la ville, offrant un merveilleux cadeau à ses acteurs, au sommet de leur talent : Mastroianni en monsieur qui a réussi et qui ne se projette plus dans son rejeton, et un Troisi épatant dans l'expression de son émancipation. Quelle intelligence dans l'écriture, dans l'exploitation de la durée, dans la manière de faire surgir au sein d'une conversation anodine des blessures longtemps gardées en soi. Mais il y a aussi tout ce qui ne sera pas dit. Et j'aime le fait qu'à la fin rien n'est vraiment résolu, on aura juste assisté à une parenthèse. Le destin des personnages ne va pas pour autant être foncièrement bouleversé par cette journée. Comme dans la vie.
La mise en scène suit les déambulations du duo avec une précision qui aide vraiment à l'immersion du spectateur dans les rues tristes de la ville, offrant un merveilleux cadeau à ses acteurs, au sommet de leur talent : Mastroianni en monsieur qui a réussi et qui ne se projette plus dans son rejeton, et un Troisi épatant dans l'expression de son émancipation. Quelle intelligence dans l'écriture, dans l'exploitation de la durée, dans la manière de faire surgir au sein d'une conversation anodine des blessures longtemps gardées en soi. Mais il y a aussi tout ce qui ne sera pas dit. Et j'aime le fait qu'à la fin rien n'est vraiment résolu, on aura juste assisté à une parenthèse. Le destin des personnages ne va pas pour autant être foncièrement bouleversé par cette journée. Comme dans la vie.
Splendor, 1989
Tourné dans la foulée avec le même duo d'acteurs, Splendor porte un regard amer sur le cinéma italien, loin de son âge d'or et bien enterré par les séductions faciles de la télévision. On a un peu injustement accusé Cinema paradiso d'avoir indirectement fait de l'ombre au film de Scola, que je n'ai même pas le souvenir d'avoir vu tenir l'affiche. Sortis en effet la même année, les deux œuvres traitent du même sujet, évocation nostalgique du cinéma à travers le passage des ans d'une salle de cinéma d'un petit village italien. Sauf que le Tornatore est en comparaison dix mille fois plus inspiré et réussi. Ici, Scola n'a bizzarement pas l'air passionné par son récit, qu'il déroule plutôt mollement et sans grandes trouvailles visuelles. La seule relative audace étant une construction en flashbacks mais qui paraît confuse par son recours un peu aléatoire au noir et blanc, qui n'aide pas vraiment à situer les différentes époques. Même Armando Trovajoli est en mode flemmard, se contentant d'une simple ritournelle au piano déglingué, pas franchement évocatrice. Bref, l'impression qu'en dehors du travail de reconstitution et du passage toujours plaisant d'extraits de film et d'affiches en arrière-plan, Scola (ici seul auteur du scénario) n'a pas tant de choses que ça à raconter.
Tourné dans la foulée avec le même duo d'acteurs, Splendor porte un regard amer sur le cinéma italien, loin de son âge d'or et bien enterré par les séductions faciles de la télévision. On a un peu injustement accusé Cinema paradiso d'avoir indirectement fait de l'ombre au film de Scola, que je n'ai même pas le souvenir d'avoir vu tenir l'affiche. Sortis en effet la même année, les deux œuvres traitent du même sujet, évocation nostalgique du cinéma à travers le passage des ans d'une salle de cinéma d'un petit village italien. Sauf que le Tornatore est en comparaison dix mille fois plus inspiré et réussi. Ici, Scola n'a bizzarement pas l'air passionné par son récit, qu'il déroule plutôt mollement et sans grandes trouvailles visuelles. La seule relative audace étant une construction en flashbacks mais qui paraît confuse par son recours un peu aléatoire au noir et blanc, qui n'aide pas vraiment à situer les différentes époques. Même Armando Trovajoli est en mode flemmard, se contentant d'une simple ritournelle au piano déglingué, pas franchement évocatrice. Bref, l'impression qu'en dehors du travail de reconstitution et du passage toujours plaisant d'extraits de film et d'affiches en arrière-plan, Scola (ici seul auteur du scénario) n'a pas tant de choses que ça à raconter.
Il a pourtant fait partie de cette Histoire, le cinéma italien étant évidemment particulièrement représenté dans le film. Il ne profite même pas de la présence du fidèle Mastroianni pour s'offrir des jeux de miroir avec la réalité. J'étais plutôt content de retrouver le comédien partager la vedette avec Troisi, comme s'ils n'avaient pu se résoudre à se séparer depuis leur magnifique Che ora e. Mais leur relation n'est pas particulièrement développée, on ne saisit jamais vraiment ce qui les anime et les relie. Mastroianni se contente de suivre les traces de son père, et Troisi devient projectionniste juste parce qu'il a un temps tenté de séduire l'ouvreuse (Marina Vlady). Le réalisateur échoue à solliciter l'émerveillement du spectateur dans son rapport à la salle de cinéma. Son intention était sans doute de faire un film fatigué, découragé et décourageant, prêt à reconnaître qu'il est temps de rendre les armes. Il y avait finalement davantage d'amour du cinéma exprimé dans une poignée de scènes de Nous nous sommes tant aimés (sous l'égide de De Sica et Fellini) que dans tout ce Splendor vieillot.
LE CINÉMA D'ETTORE SCOLA :
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