Le film est porté par un casting royal et rafraîchissant : les délicieux Jimmy Stewart et Ruth Hussey, d'un côté, Cary Grant et Katharine Hepburn de l'autre. Une nouvelle fois, Cukor confirme cette
capacité et ce talent à jouer sur deux tableaux à la fois : la pure screwball comedy avec
ses répliques qui fusent, et un ton un peu plus grave avec le personnage de
Tracy Lord (Hepburn, éblouissante) qui perd progressivement de son assurance et
s'interroge douloureusement sur elle-même. Ce mélange aboutit à un récit assez
riche, même si on peut avoir l'impression que peu d'efforts ont été faits pour
transcender la dimension théâtrale du scénario, adapté d'une pièce à succès, le film conservant l'unité de lieu et de temps.
Un petit
truc m'ennuie néanmoins : l'interprétation de Cary Grant, que je trouve
étrangement absent. On ne le sent pas du tout concerné par son rôle, et son
personnage échoue à attirer la moindre sympathie. C'est certes voulu au
début, mais on devint qu'il y a une volonté d'accorder le même traitement à chaque personnage, et la résolution de l'intrigue m'est apparue du coup très artificielle [SPOILERS : qu'Hepburn lâche son fiancé, soit. Mais qu'elle retombe si vite dans les bras
de Grant m'a paru trop soudain, et ne m'a donc pas du tout touché. ] En fait, les
seuls personnages dont je me souciais vraiment sont le couple de journaliste et photographe people interprétés avec malice et simplicité par Stewart et Hussey, que j'avais vraiment envie de voir
réunis. À la revoyure, mes petites réserves ont tout de même tendance à s'estomper, et le film se bonifie agréablement.
Two-faced woman (La Femme aux deux
visages), 1941
Une comédie
aux péripéties assez prévisibles mais tout à fait plaisante. C'est en effet parfois un peu lourdaud dans sa construction vaudevillesque, mais on se marre bien quand même grâce à quelques
répliques vives et piquantes sur le couple, l'amour et l'arrivisme. Dans un double rôle Garbo cabotine à mort, se lâchant complètement lors d'une scène hilarante où elle se cuite au champagne et invente une nouvelle danse en public. Et puis les
hurlements de rage "en toute discrétion" de Constance Bennett sont
assez irrésistibles. On est dans une pure production MGM avec
décors et costumes aussi luxueux qu'artificiels, où le réalisme compte moins que le souci du bon goût. Les scènes de montagne sont assez rigolotes pour
leur utilisation de transparences et de toiles peintes. Le film s'achève
d'ailleurs par un descente à ski assez spectaculaire et burlesque.
À certains moments, Cukor laisse entrevoir ce
qu'aurait pu être le film s'il s'était laissé aller à plus d'audace. En effet,
cette histoire de couple pas très bien assorti est parfois à la limite de
déboucher sur un drame, ce qui aurait pu le rendre vraiment intéressant, et plus profond. Au
final, une comédie quand même assez mineure, dont je n'ai pas plus que ça envie
de conserver le souvenir.
Winged victory, 1944
Darryl
Zanuck, George Cukor et le dramaturge Moss Hart s'associent ici pour participer à l'effort de guerre auquel se soumettait alors tout Hollywood. La production a eu les moyens de l'armée, tant en terme de matériel que de figurants. Certains plans sont d'ailleurs impressionnants, nous montrant en un long panoramique des milliers de soldats faisant leurs exercices pendant que des nuées d'avions traversent le ciel. Le générique indique que tous les acteurs sont d'authentiques membres de l'armée, leur leur nom se voyant précédé de leur grade. On y reconnaît à l'occasion Kevin McCarthy, George Reeve, Lee J. Cobb, Red Buttons, et Edmond O'Brien. L'essentiel du récit tourne autour de la camaraderie à l'œuvre chez ces good ol' american boys qui s'engagent dans l'U.S. Air Force remplis d'allégresse. Entre deux revues, l'humour se fait potache.
La plupart du temps on est porté à sourire face à la naïveté du propos. Mais parfois cette propagande devient dérangeante dans sa façon de ne jamais évoquer directement le conflit. Par exemple, le seul mort du film se crashe durant une séance d'entraînement. On ne verra aucun soldat ennemi et on se tiendra prudemment à distance du champ de bataille. C'est complètement décontextualisé histoire de n'effrayer personne, de montrer que la guerre c'est quand même cool, et qu'un bon patriote ne peut qu'avoir envie de rejoindre la troupe. Uncle Sam needs you ! Et le mot "victory" dans le titre est évidemment là pour rassurer. C'est limite si moi-même je me suis retrouvé avec l'envie de signer fissa mon engagement en sortant de la salle.
La plupart du temps on est porté à sourire face à la naïveté du propos. Mais parfois cette propagande devient dérangeante dans sa façon de ne jamais évoquer directement le conflit. Par exemple, le seul mort du film se crashe durant une séance d'entraînement. On ne verra aucun soldat ennemi et on se tiendra prudemment à distance du champ de bataille. C'est complètement décontextualisé histoire de n'effrayer personne, de montrer que la guerre c'est quand même cool, et qu'un bon patriote ne peut qu'avoir envie de rejoindre la troupe. Uncle Sam needs you ! Et le mot "victory" dans le titre est évidemment là pour rassurer. C'est limite si moi-même je me suis retrouvé avec l'envie de signer fissa mon engagement en sortant de la salle.
DOSSIER GEORGE CUKOR :
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