Les Revenants, 2012-2015
Une série créée par Fabrice Gobert, 2 saisons de 8 épisodes.
Avec : Anne Consigny, Frédéric Pierrot, Clotilde Hesme, Samir Guesmi, Ana Girardot, Céline Sallette, Jean-François Sivadier, Pierre Perrier, Guillaume Gouix, Yara Pilartz, Jenna Thiam...
Vrai coup de cœur pour la première saison de ce remarquable show, bel objet séduisant et atypique. N'ayant pas oublié le film de Robin Campillo, j'en connaissais le concept et la
participation d'Emmanuel Carrère au démarrage de l'écriture, mais n'étais pas
sûr que ça tienne la route sur la durée. Les scénaristes ne se privant pas de multiplier les strates narratives (le barrage, le serial killer, la medium...), j'ai compris assez vite que la série ne prévoirait pas d'apporter toutes les réponses
aux questions qu'elle pose, et qu'il faudrait accepter de rester sur ma faim lorsque celles-ci seraient au final laissées en suspens. Plus précisément, c'est le genre de série où je n'arrive pas à savoir
si les auteurs ont tout prévu du début à la fin, ou s'ils se sentent obligés de
rajouter des ingrédients à leur tambouille ne sachant pas de combien de saisons
on leur laissera disposer à l'arrivée. On n'échappe alors pas à quelques moments de flottement, où les personnages semblent faire du surplace, manquer de logique dans leurs réactions — mention spéciale à une gendarmerie d'une inquiétante incompétence — rejouer les mêmes scènes et revenir dans les mêmes lieux. Est-ce du à une écriture hésitante ou bien est-ce volontaire pour nous amener à nous interroger sur le statut de ceux dont on vient à douter qu'ils appartiennent au monde des vivants ?
Ce qui frappe c'est surtout la cohérence de l'objet : les paysages, l'architecture, les cadrages, la lumière, tout semble parfaitement travaillé pour composer un univers à la fois familier (on a l'impression de se balader dans ces lieux) et bizarrement décalé (cadrages répétitifs d'éléments urbains vides de figurants). Il y a d'ailleurs un constant souci d'indisctinction géographique qui, en plus de rendre la série certainement facilement exportable, participe de l'étrangeté qui règne tout du long, et il est impossible de ne pas faire ressurgir le souvenir de Twin peaks, sans pour autant que cette référence desserve le travail accompli ici.
Bénéficiant d'un casting solide, composé de plein de têtes que j'aime bien (Samir Guesmi, Frédéric Pierrot, Ana Girardot), le récit met en jeu la question de la culpabilité (qui se révèle toucher pratiquement tous les personnages) et du deuil, j'étais prêt à ce que ça joue davantage
sur l'émotion. Or, à l'exception de quelques moments permis surtout par la qualité de certains interprètes (Jenna Thiam en particulier est extraordinaire), on verse assez peu dans le mélodrame. La musique de Mogwai n'est pas le moindre atout de la série,
renforçant en sourdine l'atmosphère constamment tendue dans laquelle baignent les personnages. Et j'en
viens même à louer la qualité de la prise de son, puisque tous les dialogues
sont parfaitement audibles, ce qui semble être devenu rarissime dans l'audiovisuel
français aujourd'hui.
C'est peu de dire que la saison 2 déçoit. Manifestement pas intimidés pour un sou
par l'enjeu, les auteurs n'ont pas eu peur de rajouter encore des couches de
mystère à leur univers. La conséquence c'est qu'à défaut d'en affirmer la
cohérence... on ne comprend plus rien. Certes, on a l'impression d'avoir obtenu quelques réponses, mais ces mêmes réponses appellent instantanément de nouvelles
questions qui nous font juste prendre conscience d'improbabilités supplémentaires. Adieu le
trouble et l'émotion.
Il faut dire qu'on est pas aidé par des dialogues
désespérément sans éclats, et des acteurs qui n'ont plus rien à défendre. Anne Consigny est insupportable de monotonie, et j'espère que Laurent Lucas a
au moins profité du tournage pour faire de la randonnée, parce que son personnage
n'a ni intérêt ni épaisseur (et c'est vraiment un acteur que j'aime bien). Tout le monde semble tirer la tronche du début à
la fin, donnant presque envie de leur en coller une pour les secouer un peu. La série n'appellait évidemment pas
la gaudriole, mais un peu d'autodérision aurait pu y trouver place (il y avait
quelques répliques en ce sens dans la première saison).
La motivation des personnages nous échappent, et on se
contente de les regarder attendre on ne sait quoi, qui devant une fenêtre, un mur, ou sur un lit. La présence de militaires aurait pu apporter un peu de tension, de
confrontation plus directe avec une forme de rationalisme, mais même pas. Par
leur inefficacité et donc leur incompétence, leur comportement finit même par
devenir nanar. La première saison présentait déjà ces quelques errements,
mais ils semblent désormais constituer la matière première d'un récit qui cesse vite d'intriguer.
J'ai conscience d'être assez sévère. J'en suis le
premier navré, c'est vraiment comme si les auteurs avaient fini par casser leur très
beau jouet. J'ai accepté de m'accrocher parce que ça ne durait que 8 épisodes. Par contre, si suite il y a, ma curiosité s'est définitivement éteinte. Formellement, heureusement, ça reste toujours aussi soigné, et Mogwai ajoute quelques nouveaux thèmes très réussis qui permettront au moins de se consoler des oreilles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire