22 janvier 2016

Walt Disney pictures presents : Pixar (1995-2004)

Toy story 2, John Lasseter, 1999
Au-delà de son indiscutable importance historique, le premier Toy story réalisé par John Lasseter en 1995 tient encore le coup, et a déjà tout d'un classique. Le film parvient en effet à faire totalement oublier la technologie inédite qu'il employait alors pour mettre en avant son histoire et ses personnages. Pixar s'est ainsi imposé comme un studio de véritables conteurs, pliant l'outil informatique selon les exigences d'un scénario solide. 

Après l'excellent A bug's life (1001 pattes), délicieux mix entre Maya l'abeille et Les Sept samouraïs, Lasseter enchaîne avec la suite de son titre de gloire, qui reste à mon sens le film le plus équilibré du studio tant dans son humour que dans ses idées. Maniant avec autant de bonheur le pastiche, la parodie, la nostalgie et l'action, ce deuxième volet est un spectacle réjouissant. Les gags sont non seulement nombreux mais irrésistibles, le récit ne connaît pas de temps morts et ne manque pas de poésie. Le scénario extrêmement malin développe sans lourdeur une réflexion bien plus poussée que dans le premier film, sur le rapport entre le jouet et son propriétaire, et plus largement sur nos différents liens à l'enfance, celle dont on s'éloigne, celle qu'on retrouve. Le film pose sans en donner l'impression toute une série de questions assez vertigineuses mais avec toujours des solutions visuelles purement cinématographiques, exploitant à fond les rapports d'échelles entre monde des jouets et monde des humains. Et le rendu de ces derniers est lui-même bien plus convaincant que dans l'opus 1. Quant on pense que cette suite fut dans un premier temps destinée au marché vidéo. Mais le studio n'est manifestement pas capable de faire dans le sous-produit, et la qualité du film surpasse celle de ses prédécesseurs.




Monsters, inc. (Monstres et Cie), Pete Docter, David Silverman, 2001
Quatrième long-métrage Pixar, produit sous l'égide de Disney. Il faut se rendre à l'évidence : c'est complètement fou de posséder en son sein autant de talents. Le film respire l'intelligence dans chacun de ses choix. L'histoire est vraiment originale et agréable à suivre, l'humour fonctionnant par touches plus ou moins discrètes qu'une seule vision ne suffit pas à percevoir. En effet, la quantité de créatures curieuses qui se baladent dans les arrière-plans est phénoménale, tandis que Mike l'œil sur pattes est doté d'une logorrhée verbale telle qu'on ne saisit pas forcément toutes ses vannes dès la première écoute. Un revisionnage m'a par exemple permis de découvrir ce gag assez barré lorsque Mike et Sulli se retrouvent chez l'abominable homme des neiges. Celui-ci leur sort des cornets de glace jaunes qui inspirent à Mike une expression dégoûtée. Le yéti s'empresse de le rassurer en disant qu'il s'agit de glaces au citron...

Le rythme du film est particulier, consistant pour une grande partie en un jeu de cache-cache dans les couloirs de Monsters, inc. Et comme c'est pratiquement toujours le cas chez Pixar depuis Toy story, on nous réserve un numéro de bravoure en guise de climax, avec ce ride jouissif sur les portes, séquence d'action littéralement ébouriffante et encore pleine de gags, les personnages franchissant les portes pour se déplacer. La réalisation est impeccable, sans effets superflus. L'animation est impressionnante, autant par le réalisme de la fourrure de Sulli que par la capacité du studio à rendre expressif un personnage monoculaire. D'ailleurs tous les designs des monstres sont réussis et vraiment rigolos. La musique jazzy de Randy Newman emballe le tout avec une grande classe et le bêtisier du générique de fin est comme toujours bienvenu.

Mais la véritable réussite du film réside sans doute dans le personnage de Bouh, gamine complètement craquante dont les gestes et expressions ont été particulièrement soignés ainsi que son langage : on ne comprend pas ce qu'elle dit, parce qu'on est invité à adopter le point de vue des monstres. Il faut dire que les doubleurs sont tous excellents et apportent beaucoup de personnalité aux personnages. On notera notamment les noms de John Goodman, Billy Crystal, Steve Buscemi, James Coburn, Jennifer Tilly et Frank Oz. C'est peu de dire que le film s'achève sur une note absolument poignante, entre les yeux humides de Sulli et l'inoubliable tout dernier plan. Bref, humour, rythme et émotion au rendez-vous, que demander de plus ? On trouvera dans l'excellent DVD du film un court-métrage hilarant avec Sulli et Mike, intitulé Mike's new car, ainsi que les storyboards animés de concepts abandonnés qui montrent que le film devait être assez différent à la base (Sullivan n'étant qu'un ouvrier de bas étage se rêvant champion des scary monsters, tandis que Mike était l'assistant de Randall, le méchant caméléon). 





Finding Nemo (Le Monde de Nemo), Andrew Stanton, 2003 
De tous les Pixar vus, celui-ci reste celui qui m'a semblé le plus anecdotique, celui devant lequel mon enthousiasme est resté contenu. La linéarité de l'histoire ne m'a pas vraiment passionné, fonctionnant comme une suite de rencontres épisodiques à la légéreté très ciblée vers un public enfantin. Visuellement, les fonds sous-marins ne sont pas ce qu'il y a de plus variés, et même si le rendu est convaincant, ce n'est pas particulièrement réjouissant pour l'œil. 

Mais ça reste incontestablement un spectacle de très haute volée, et malgré les grosses ficelles conviées, je ne peux m'empêcher d'être saisi par l'émotion que cette quête du fils peut susciter. Plus gros succès du studio, Finding Nemo va l'air de rien confirmer que la technique du dessin animé en 3D doit s'imposer dans le monde entier. Désormais tous les gros studios d'animation hollywoodiens vont basculer à la 3D, de Disney à Dreamworks, condamnant sans appel l'industrie de l'animation traditionnelle.





The Incredibles (Les Indestructibles)Brad Bird, 2004
Voir ces super-héros en action fut un pur plaisir. Du combat contre la machine ingénieuse (dont la super-invincibilité n'est pas sans rappeller l'arme ultime qu'était aussi le Géant de fer), aux surfs sur glace de Frozone, de la course dans la forêt de Flèche, aux déanchements sensuels d'Elastigirl, on en prend plein les yeux et on finit la bave aux lèvres. Le film est magnifié par le superbe character design. Madame Indestructible est tout à fait charmante, tandis que la fille, par ses grands yeux, ses longs cheveux noirs, sa conscience de freak et son corps filiforme n'est pas sans évoquer certaines créations burtoniennes. Les expressions et les attitudes du personnage de Syndrome en particulier sont à tomber par terre, et l'ensemble est brillamment soutenu par les doubleurs. Et pour avoir vu les deux versions, je ne peux que féliciter le soin accordé par Disney à la VF. Je ne sais pas si ça a été fait consciemment, mais j'ai parfois vraiment eu l'impression que le film s'efforçait de ressembler à de l'animation en volume, tant la 3D est réussie. L'esthétique des décors, très 60's est un autre cadeau pour le spectateur. Sans parler de la beauté de la jungle.

Mais si ce film obtient tout mon respect, c'est par le travail incroyable de Brad Bird en tant que metteur en scène. Ce monsieur possède un sens de l'image proprement prodigieux. Usant à bon escient d'une grammaire parfaitement maîtrisée (passages type caméra portée, travellings de fous, raccords dans le mouvement plein de grâce), certains enchaînements de plans, certains cadrages sont époustouflants, profitant pleinement de la technique numérique sans abuser de ses possibilités, créant un dynamisme d'une maîtrise rare. Enfin, le score de Michael Giacchino, rendant clairement hommage à un style de films cools tels que pouvaient les accompagner John Barry, Henry Mancini ou Lalo Schiffrin, est démentiel. Véritablement révélé avec ce film, le compositeur entrait ici définitivement dans la cour des grands.

Si l'émotion est moins conviée que dans le bouleversant Géant de fer, elle n'en reste pas moins présente, et on peut vraiment louer Bird pour avoir su rendre cette famille si vite attachante. Les voir enfin réunis et se témoigner leur affection réciproque face au danger, est tout a fait touchant. De même toute la dimension critique liée au statut du super-héros, à sa difficile intégration dans la société, est exploitée avec intelligence et justesse, tout en restant dans les limites contractuelles du divertissement. Le film ayant été un carton commercial, qui plus est unanimement célébré par la critique, je ne m'explique toujours pas qu'une suite n'ait pas été entreprise. Pixar comme Disney ayant montré très tôt qu'ils ne sont pas du genre à s'en priver.




      

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