6 octobre 2016

Les Films de Richard Fleischer X. 1979-1983

Les années fastes sont terminées pour Richard Fleischer. À partir de Mandingo, succès commercial dont le final cut lui a échappé, il se retrouve attaché à des projets qui n'aboutissent pas ou se voit contraint de sauver des tournages en perdition. Lui qui abordait chaque nouveau film comme un défi à relever, semble étrangement avoir revu ses exigences à la baisse, au risque de passer pour un mercenaire de la pellicule. Malgré tout, nonobstant des conditions de production peu motivantes, demeure ce goût du travail soigné et une technique solide.


Ashanti, 1979
Le film avait été commencé par Richard Sarafian (Vanishing point). Insatisfait, le producteur suisse Georges Alain Vuille le renvoya avant d'appeler Fleischer à la rescousse. Une situation qui ressemble à The Last run, sauf que dans le premier cas Fleischer parvenait à réaliser un chef-d'œuvre et qu'ici il ne transcendera pas le caractère routinier de cette production. Du niveau d'un thriller de gare, le scénario se révèle vite dénué d'épaisseur, prétendant peut-être dénoncer une situation inhumaine mais n'ayant qu'une molle course-poursuite à proposer.

Nous sommes en Afrique. Au bout de dix minutes, la superbe femme (à la ville comme à l'écran) de Michael Caine se fait enlever par des trafiquants d'esclaves, une équipe de branquignols pas très inquiétants menés par un Peter Ustinov déguisé en arabe, qui a au moins le mérite d'être drôle dans sa façon de rouler les "r" en faisant des bons mots. Au détour du film on croisera également William Holden tout content d'avoir un hélicoptère à piloter et qui finit de façon assez minable, Rex Harrison qui tourne pour la troisième fois sous la direction de Fleischer, Omar Sharif en Prince du pétrole trouillard, et même la moustache de Jean-Luc Bideau. Malgré ce défilé de grands noms, tous ces personnages peinent à exister, défilant artificiellement l'un après l'autre et donnant surtout l'impression d'être là pour profiter de vacances au soleil, une fois leur scène dans la boîte. Caine se retrouve pendant une bonne partie du métrage à galoper à dos de chameau en compagnie d'un certain Malik, et rien n'est jamais construit entre eux deux. L'affrontement final est limite nanaresque : les deux compagnons d'aventure se lancent à l'assaut d'un yacht dont ils défont les gardes avec une facilité aberrante. Certes, Fleischer conserve un minimum de savoir-faire, et profite de très beaux décors naturels, nous faisant traverser le Sahara jusqu'à la Mer Rouge. Mais pour un tel sujet, le film manque cruellement de tension et d'émotion, donnant assez peu envie de le défendre.




Tough enough (La Force de vaincre), 1982
Un très joli film, aux prétentions modestes mais vraiment touchant, qui n'eut malheureusement pas les honneurs d'une sortie en France, et passa pratiquement inaperçu aux Etats-unis. Fleischer dépeint avec beaucoup de tendresse l'Amérique profonde avec ces héros du quotidien qui s'accrochent à des rêves plus grands qu'eux. L'histoire nous ballade entre le Texas et Detroit, avec un Dennis Quaid dans toute la fougue si communicative de ses jeunes années. Échouant dans son désir de vivre de sa musique, il se lance dans une compétition de boxe amateur à laquelle participe tout un tas de brutes et de losers. On le verra à différents moments taquiner de la guitare et ses chansons, qu'il interprète lui-même, sont charmantes, typiquement country western.

Remarquablement dialogué et interprété, le film met en scène des personnages très attachants. Les relations entre Quaid et sa femme sont particulièrement réussies, alternant engueulades et réconciliations. Pour son dernier rôle, Warren Oates incarne un organisateur de combat échappant heureusement à la caricature. Il pense avant tout à son business, exploitant à l'occasion les pauvres types en qui il voit du potentiel, mais sans être véreux pour autant. Question scènes de boxe, Fleischer assure le spectacle avec énergie et talent. Les combats sont nombreux, et souvent drôles étant donné qu'on est dans un cadre pas très professionnel qui autorise les coups tordus, ce qui aboutira à un affrontement final particulièrement impressionnant. Le film semble encore ancré dans les années désenchantées de la décennie précédente, je pense notamment à Deux filles au tapis d'Aldrich ou au Fat city de John Huston. Le succès de Rocky est encore frais, revitalisé par ses suites. Le rapprochement étant inévitable, le film de Fleischer l'anticipe et s'en amuse, avec cette scène hilarante où Quaid, en plein entraînement dans les rues de Detroit, se met à monter les marches d'un bâtiment avant d'être rappelé à la réalité par son coach. Au milieu de cette peu glorieuse dernière période du cinéaste, Tough enough est à mes yeux LA petite pépite qui mérite sa redécouverte, et l'un de ses films les plus attachants.




Amityville 3-D, 1983
Oublié depuis les fifties, le cinéma en relief connaît en ce début 80 un court regain de mode circonscrit au genre horrifique (Jaws 3D, Meurtres en 3 dimensions, Parasite). Gros succès de 1979, Amityville est vite promu au rang de franchise par le toujours opportuniste Dino De Laurentiis. Il confie le troisième volet à un Fleischer décidément pas rancunier, qui se serait apparemment montré ravi de cette nouvelle occasion de tourner en 3D, trente ans après la peu concluante expérience d'Arena. Passionné de technique depuis ses débuts et toujours prêt à innover, il va s'amuser à en exploiter ici tout le potentiel, quitte à basculer dans l'attraction de foire. 

C'est donc un quasi non-sens de voir le film en version plate, tellement chaque plan, chaque effet est pensé pour une projection en relief. Le réalisateur use et abuse de la profondeur de champ, avec objets en amorces, fixes ou mouvants. Des personnages tendent leur main, une lampe torche, un micro vers le spectateur, voire lui crachent à la figure. Et ça culmine au final avec la destruction de la maison maudite, très spectaculaire, où les cloisons sont pulvérisées, les tables volent, et des bouts de verre sont projetés. Toute cette séquence est une petite merveille d'effets mécaniques à l'ancienne. Le travail sur les effets sonores est également remarquable, notamment ces bruits étranges de craquement et autres grattements des murs et du parquet qui participent de cette volonté d'immersion. Autre séquence très réussie, un brutal accident de voiture percutant une remorque avec des barres de fer qui passent à travers le pare-brise, et l'objectif de la caméra.

Une fois l'intérêt du relief perdu, il faut bien convenir qu'on se retrouve face à un film d'horreur plutôt bas de gamme, plagiant trop visiblement et paresseusement les ingrédients d'un Poltergeist bien mieux tenu. Les personnages — adultes, ce qui change un peu des sempiternels ados idiots — s'acharnent à réagir aux événements surnaturels de la façon la plus absurde qui soit. Il y a déjà eu plusieurs morts liés directement à la maison, et le héros persiste à y demeurer, obstiné dans son rationalisme. Le pire étant peut-être le personnage du scientifique qui pratique des expériences sans intérêt et qui, confronté au monstre qui vit dans la cave, semble tout d'un coup parfaitement savoir quoi faire (et je vous épargne son improbable méthode). Les péripéties semblent s'enchaîner de façon si arbitraire, que ça en devient finalement assez rigolo, ruinant donc les intentions du film, lourdement soulignées par une musique caricaturale. Et ce n'est pas la présence d'une Meg Ryan à ses débuts qui suffira à augmenter l'intérêt. Bide à sa sortie, même pas distribué en France, ce troisième volet condamnera la saga à se poursuivre sur le marché vidéo, avant de se voir ressuciter par un inutile remake de plus.



DOSSIER RICHARD FLEISCHER :


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