6 août 2016

Nanars of the world

Nosutoradamusu no daiyogen (Fin du monde Nostradamus an 2000 / Catastrophe : 1999), Toshio Masuda, Japon, 1974
Un film catastrophe étonnant. Distribué en salles en France dans une version très charcutée, l'œuvre en devint d'autant plus agréablement nanarde, s'éparpillant en tous sens. Au centre de l'intrigue, un professeur japonais particulièrement alarmiste ne cesse de déplorer l'inconscience de ses contemporains qui polluent la Terre et se font la guerre, alors que la population souffre de la sécheresse et de la famine.

Abusant des stock shots d'actualité, le film dresse à la fois le constat effrayant de l'état du monde (la misère des pays pauvres, les bouleversements climatiques liés à la surproduction des pays riches) et divertit en mettant en scène différentes prospectives catastrophistes soit disant tirées de Nostradamus. C'est évidemment là que réside son aspect le plus amusant, avec la représentation de phénomènes parfois spectaculaires : raz-de-marée qui ravagent les grandes villes, rayons ultra-violets qui incendient l'atmosphère, animaux mutants, émeutes, cannibalisme (on bascule alors dans le gore de façon tout à fait inattendue), jusqu'à l'apocalypse nucléaire et l'émergence d'une nouvelle humanité. Pour appuyer le propos, on a droit à des schémas scientifiques et à des explications sur les différentes réactions possibles des gouvernements, un peu comme dans le terrifiant La Bombe de Peter Watkins. Formellement, c'est plutôt soigné, et on appréciera notamment le joli travail sur les effets spéciaux et les destructions de maquettes. On croise d'ailleurs au générique le nom de Yoshiro Muraki, le chef décorateur de Kurosawa.

Pas évident pour le spectateur de savoir quoi penser de ces avertissements, certainement pertinents, mais qui sont complètement torpillés par la complaisance totalement bis du résultat à l'écran, dans la plus pure tradition du cinéma mondo. Le réalisateur échoue en tout cas à faire naître de l'émotion avec ses personnages archétypaux, pas vraiment bien servis par des acteurs moyens, d'autant plus qu'ils sont drôlement doublés. Deux séquences sortent cependant du lot : l'une qui nous montre la fille du professeur exécuter une danse porteuse d'espoir sur la plage, sur fond de musique psychédélique bien lyrique, alors que dans le ciel apparaissent d'anormaux mais superbes arcs-en-ciel ; et l'autre qui voit de jeunes motards japonais se suicider en sautant du haut d'une falaise (longs et beaux plans au ralenti).




Huo xing ren (Mars men / Les Hommes d’une autre planète), Cheng Hun Ming, Taiwan, 1976
J'ai découvert ce titre lors d'une des Nuits excentriques organisées par Nanarland à la Cinémathèque française, vers 6h du matin... Directement inspiré des kaiju eiga japonais, Mars men est un film de monstres géants taiwanais complètement malade et inracontable. Comment décrire par exemple ces effets spéciaux parmi les plus laids que j’aie pu voir : incrustations hideuses, géants écrasant des maquettes d'immeubles en accéléré alors que la technique de base de ce genre d’effets implique au contraire de tourner en léger ralenti pour suggérer l’impression de pesanteur ? Comment donner une idée de la bande sonore atroce et de ses bruitages répétitifs et monotones qui nous ont vrillé les tympans jusqu’à la démence, entre rayons lasers et ordinateurs colorés ? Comment faire partager des dialogues d’une absurdité totale échangés par des scientifiques de pacotille vêtus de combinaisons dorées ? Et surtout comment évoquer la drôlerie cosmique des Martiens qui, étant affublés de masques fixes, sont obligés de se livrer à une pantomime outrancière lorsqu’ils s’expriment ? La façon dont leur Roi agite bras et cheveux en faisant des génuflexions hystériques est proprement irrésistible. 

Les trois derniers quarts d’heure ne sont qu’un interminable affrontement ayant plus ou moins lieu sur la Lune et opposant d’un côté le Roi Martien, son premier ministre idiot et deux dinosaures godzillesques, et de l’autre la fameuse "Statue du temple" et son copain "Astronaute américain" (et ils s'interpellent réellement sous ces noms insensés, pour notre plus grande joie). Je me demande si on peut encore utiliser le terme de "combat final " face à une bagarre s’étalant sur une durée aussi aberrante. Tous les coups bas sont permis, et ceux qui tombent à terre n’en finissent pas de se relever. C'est à ce moment-là que j’ai définitivement perdu la raison. L’hystérie avait de toutes façons gagné toute la salle, bien réveillée, hurlant à plein poumons pour soutenir ses héros jusqu’à une véritable libération orgasmique lorsque le méchant big boss finit enfin par exploser sous le feu de son propre rayon destructeur. Je me suis alors instinctivement levé pour offrir à Statue du temple et Astronaute américain une standing ovation, bave au menton, cervelle fumante et yeux fondus.




Os Trapalhões na guerra dos planetas (Brazilian star wars), Adriano Stewart, Brésil, 1978 
Un film vraiment dangereux, qu'il m'a été humainement impossible de regarder sans user de l'avance rapide. Le genre de truc à vous laisser lobotomisé, le cerveau coulant par les oreilles. Je ne l'évoque donc ici qu'à titre documentaire, comme un avertissement aux générations futures qu'aurait oublié de noter Nostradamus, afin qu'elles sachent jusqu'où leurs ancêtres ont pu aller dans l'ignominie.

Tourné manifestement sans le moindre souci de scénario, donc dans une incohérence parfaitement assumée, le film donne davantage l'impression de relever d'une émission spéciale de télévision. On y découvre quatre copains brésiliens, lointains cousins des Stooges ou de nos Charlots, embarqués sans trop de conviction à bord d'un vaisseau spatial en carton. Les voila plus ou moins aux ordres de clones moisis de Luke Skywalker et Chewbacca, histoire de surfer sans trop d'effort sur le grand succès ciné d'alors, comme d'autres le feront partout dans le monde (coucou Luigi Cozzi...). Dénués du moindre charisme, nos héros vont profiter de leur aventure intersidérale pour rencontrer tout un tas de créatures affreuses, comme autant d'injures à la rétine, dans des décors d'une pauvreté innommable manifestement bricolés par des criminels en réinsertion, avec des effets spéciaux vidéos baveux dont même Pat LeGuen n'aurait pas voulu.




Samson dan Delilah (La Revanche de Samson), Sisworo Gautama Putra, Indonésie, 1985
Il s'agit évidemment d'une relecture de la légende biblique de Samson et Dalilah, audacieusement transposée en Indonésie à l'époque coloniale. Les Hollandais sont donc les méchants et Samson le héros dont l'invincibilité menace directement la stabilité du gouvernement impérialiste. Sur la musique de Conan le barbare, la terre tremble et s'ouvre, Samson — interprété par un culturiste au sourire ravageur coiffé d'une immonde perruque — fait du kung fu avec des adversaires aux pouvoirs magiques : un cyclope, un sorcier qui se débite en tranches, des monstres. Et l'on s'amuse de voir les soldats hollandais avec leurs fausses moustaches collées à l'envers préférer utiliser des pots de fleur en guise d'arme au lieu de faire marcher leurs fusils.

Totalement décomplexé, le réalisateur se permet à l'occasion quelques inserts gores qui détonnent joyeusement avec le ton plutôt bon enfant du film. Notons également une mémorable scène de sexe à base de banane, de miel et de dialogues à double sens d'une parfaite lourdeur. Le doublage peut d'ailleurs être considéré comme la cerise sur la chantilly, tant certaines répliques et la conviction avec laquelle elles sont prononcées stupéfient régulièrement le spectateur. Les doubleurs semblent n'être pas plus de trois, se partageant sans trop de variations les nombreux personnages (mention spéciale au gouverneur de la province et à sa lassitude palpable à chaque fois qu'il apprend que Samson a encore échappé aux pièges minables qu'il lui tend). Bref, on est là face à un film hautement réjouissant, bien rythmé, généreux en effets spéciaux et maquillages craignos. Sans conteste un nanar de premier choix. 

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