Welt am Draht (Le Monde sur le fil), 1973
Une œuvre de science-fiction sur la réalité virtuelle assez
étonnante et vraiment très en avance sur son temps, puisqu'elle annonce
clairement des thèmes qui seront traités plus tard dans Tron, Abre los ojos, Existenz, The Matrix ou Avalon. Il s'agit d'une
mini-série, qui pâtit peut-être un peu de son excessive durée. Pour autant, Fassbinder ne
dilue jamais son style, même si sur la longueur sa mise en scène m'a semblé un
peu manquer d'idées, tournant finalement à vide à l'image de son protagoniste. Ce qui
est donc tout à fait à propos mais rend peut-être le spectacle un peu trop
lisible, trop littéral ?
Si le sérieux semble de mise, la dimension satirique reste discrètement présente, notamment par sa vision du journalisme ou lorsqu'il s'agit de dévoiler les liens entre
les gros industriels et l'État, et certaines scènes sont même très drôles dans leur
absurdité. Relativement distrayant, le film patine un peu à trop jouer la carte de l'opacité, puisqu'il est question de complot et de manipulation, mais l'inattendue touche de romantisme lui apporte in fine une
profondeur assez inespérée. On notera ici encore une
utilisation du son, toujours très travaillé chez Rainer Werner, qui brasse
musique classique, airs populaires à l'accordéon et électronique parfaitement en
accord avec toute l'esthétique profondément ancrée 70's du film (le mobilier et
les diverses machines qui ont gagné aujourd'hui leurs galons de kitsch).
Angst essen Seele auf (Tous les autres s'appellent Ali),
1974
Un conte à la fois d'une tendresse infinie (le bouleversant
couple formé par Brigitte Mira et El Hedi ben Salem) et d'une
cruauté sans complaisance dans sa démonstration (le racisme et l'hypocrisie de
tous les autres personnages). Avec son histoire d'amour contrarié, le film revendique l'héritage des mélos flamboyants de Douglas Sirk. Mais l'époque à changé, et la trivialité domine désormais. Toujours prêt à mettre son spectateur dans l'inconfort,
Fassbinder sait aussi faire place au comique, ce dernier surgissant donc toujours mêlé à un
certaine tristesse (la scène du restaurant de luxe). Le cinéaste s'autorise également des allusions toujours
éloquentes au passé nazi de l'Allemagne dont les traces sont loin d'avoir été
effacées.
Contrairement à ce que voudrait faire croire Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire des films, Fassbinder avait beau multiplier les tournages, il n'en accordait pas moins à sa mise en scène le plus grand soin, preuve définitive d'un talent hors du commun. Ce film en particulier est réalisé au cordeau, offrant son lot de plans inoubliables mettant en évidence l'isolement des amants. Avec une économie de moyens admirable, et une inspiration débordante, le réalisateur se révèle maître dans l'art de nous emporter dans des torrents d'émotion insoupçonnée. Tirant vraiment parti de la couleur en se la jouant Technicolor, la photographie est magnifique. C'est l'occasion de louer ici l'impressionnant travail de restauration réalisé par Carlotta Films qui a véritablement ressuscité le cinéma de Fafa au début des années 2000. Les copies sont superbes et permettent aujourd'hui de voir ses films dans des conditions idéales. Une image vieillie et des couleurs délavées auraient en effet vite fait de nous rendre pénible la vision de cette Allemagne des 70's avec ses tables en formica, et ses moquettes au mur, derrière lequel on aurait à peine été surpris de voir surgir l'inspecteur Derrick.
Contrairement à ce que voudrait faire croire Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire des films, Fassbinder avait beau multiplier les tournages, il n'en accordait pas moins à sa mise en scène le plus grand soin, preuve définitive d'un talent hors du commun. Ce film en particulier est réalisé au cordeau, offrant son lot de plans inoubliables mettant en évidence l'isolement des amants. Avec une économie de moyens admirable, et une inspiration débordante, le réalisateur se révèle maître dans l'art de nous emporter dans des torrents d'émotion insoupçonnée. Tirant vraiment parti de la couleur en se la jouant Technicolor, la photographie est magnifique. C'est l'occasion de louer ici l'impressionnant travail de restauration réalisé par Carlotta Films qui a véritablement ressuscité le cinéma de Fafa au début des années 2000. Les copies sont superbes et permettent aujourd'hui de voir ses films dans des conditions idéales. Une image vieillie et des couleurs délavées auraient en effet vite fait de nous rendre pénible la vision de cette Allemagne des 70's avec ses tables en formica, et ses moquettes au mur, derrière lequel on aurait à peine été surpris de voir surgir l'inspecteur Derrick.
Mutter Küsters fahrt zum Himmel (Maman Kusters s'en va au
ciel), 1975
Très démonstrative et néanmoins touchante, cette nouvelle fable sur la perte des
valeurs de la société des 70's est un conte cruel mais d'une logique
implacable, et un nouveau cadeau du réalisateur au talent de Brigitte Mira. Elle incarne le seul personnage constamment digne du récit, qui permettra au film de basculer du pathétique au bouleversant. Autour de la Muti Küsters, les pantins que sont ses enfants, les médias ou les militants
gauchistes révèlent progressivement leur totale inhumanité mais sans jamais
vraiment tomber dans la caricature. Ceci est du sans doute à une certaine forme
de non-jeu des acteurs et dont Ingrid Caven sort championne. Au fond,
le même vide moral règne chez les familles ouvrières et les couples bourgeois
sans enfants. La fin est aussi inattendue que géniale.
Tout étant ici une question de différence de perception sur des événements donnés, je pense qu'on peut raisonnablement trouver ce film drôle,
voire le considérer comme une comédie (noire, certes). Le discours de Karlheinz Böhm en
est un bon exemple : je me retenais de pouffer constatant à quel point on avait
là une caricature de langue de bois, rendue encore plus risible par le
commentaire du type qui le remercie pour la clarté de son exposé ! Les
mesquineries des grands enfants sont en comparaison plus dérangeantes parce que
montrées sans vernis dramaturgique. C'est presque trop réel, miroir trop juste
de nos propres existences. Bref, loin de se la jouer donneur de leçon, Fassbinder trousse ici un film qui bouscule de façon assez salutaire.
Satansbraten (Le Rôti de Satan), 1976
Réalisé avec peu de moyens et certainement en très peu de
temps, le film ne cesse d'être drôle. Sa cruauté sans appel n'est jamais
étouffante ou claustrophobique. La troupe de Fassbinder a du bien s'amuser sur le plateau, encouragée à aller à fond dans l'outrance. Le personnage de la femme de l'écrivain est le
seul à peu près sain dans l'histoire, et parvient même à être émouvant, alors qu'on est plongé dans un monde qui semble nx'exprimer que dégoût et ignobles instincts.
Du début à la fin du film, on ne quittera jamais le miroir déformant, le grotesque le plus décomplexé, la misanthropie la plus impitoyable, tel un véritable jeu de massacre qui devient réjouissant. Revendiquant ses artifices, le film est volontairement très théâtral ce qui ne l'empêche pas d'être formellement travaillé, avec de très beaux plans qui mettent bien en valeur les décors, et une musique de Peer Raben qui vient assez subtilement apporter parfois un contrepoint mélancolique aux comportements aberrants des personnages.
Du début à la fin du film, on ne quittera jamais le miroir déformant, le grotesque le plus décomplexé, la misanthropie la plus impitoyable, tel un véritable jeu de massacre qui devient réjouissant. Revendiquant ses artifices, le film est volontairement très théâtral ce qui ne l'empêche pas d'être formellement travaillé, avec de très beaux plans qui mettent bien en valeur les décors, et une musique de Peer Raben qui vient assez subtilement apporter parfois un contrepoint mélancolique aux comportements aberrants des personnages.
DOSSIER RAINER WERNER FASSBINDER. :
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