James B. Stewart, Le Royaume enchanté (Disney war), 2005, traduit de l'américain par Barbara Schmidt, éditions Sonatine, Paris, 2011
J'ai l'impression que l'éditeur français Sonatine a sucré les photos de l'édition originale et c'est un peu dommage — en plus d'un titre et d'une couverture que je trouve trop anonymes, alors que ça aurait valu le coup de faire connaître le sujet avec plus d'évidence pour attirer le lecteur.
Le livre est un pavé formidablement touffu et prenant du début à la fin. Le Royaume enchanté du titre, c'est l'usine à rêve de Mickey, ou plutôt de l'Oncle Picsou. L'auteur retrace en effet ici les quelques vingt années de règne de Michael Eisner (photo ci-dessous) à la tête du groupe Disney, de 1984 à 2005. C'est l'époque décisive du renouveau de l'animation qu'a connu la firme à la fin des années 1980, du développement du label Touchstone, de la mise en place d'Eurodisney, de l'émergence de Pixar et de l'acquisition d'ABC.
D'un creux de la vague à un autre, c'est l'histoire d'une formidable ascension suivie d'une désolante décadence, où il est question de querelles d'ego, de paranoïa, de mauvaises intuitions comme de coups de génie. Stewart relate ce périlleux virage des années 80 qui virent le passage de relais entre la jeune génération et celle qui travailla sous la houlette de Walt Disney lui-même. Les coulisses dévoilées ici sont aussi passionnante qu'édifiantes et qu'il s'agisse d'Eisner ou de Jeffrey Katzenberg, les portraits sont loin d'être flatteurs. Dans ce monde merveilleux du divertissement, la dimension artistique est évidemment la dernière roue du carrosse (...de Cendrillon) puisqu'il s'agit avant tout de valoriser les investissement d'actionnaires et de luttes de pouvoir au sein d'un conseil d'administration composé de millionnaires.
Stewart passe évidemment en revue la dimension créative de l'entreprise, mais on n'a évidemment pas affaire ici à un ouvrage de critique ciné qui donnerait envie de revoir les films. Le département animation apparaît comme une des nombreuses branches d'activité de la firme, et est même moins bien traité que la gestion des parcs et des réseaux télévisés.
Ce qui est intéressant c'est justement que Stewart n'est pas du tout un journaliste spécialisé dans le cinéma mais plutôt un grand analyste économique des dérives financières dans le monde de l'entreprise. C'est un avocat, plutôt publié dans le Wall street journal que dans Variety, et dont le travail a notamment été récompensé d'un prix Pulitzer, soit une valeur sûre. Grâce à des témoignages et des documents de première main, son livre nous projette au cœur d'un empire industriel qui brasse des milliards, et c'est une expérience à la fois rare et vertigineuse, qui nous fait assister de l'intérieur aux tractations et trahisons, reconstituant notamment les conversations de bureau, avec une rigueur journalistique exemplaire qui impose de vérifier et croiser ses sources. On ne met donc rien en doute de ce qui nous est donné à lire, et c'est franchement passionnant. Cette enquête m'avait d'ailleurs tellement enthousiasmé à sa publication que j'ai déjà eu envie de la relire.
Le livre est un pavé formidablement touffu et prenant du début à la fin. Le Royaume enchanté du titre, c'est l'usine à rêve de Mickey, ou plutôt de l'Oncle Picsou. L'auteur retrace en effet ici les quelques vingt années de règne de Michael Eisner (photo ci-dessous) à la tête du groupe Disney, de 1984 à 2005. C'est l'époque décisive du renouveau de l'animation qu'a connu la firme à la fin des années 1980, du développement du label Touchstone, de la mise en place d'Eurodisney, de l'émergence de Pixar et de l'acquisition d'ABC.
D'un creux de la vague à un autre, c'est l'histoire d'une formidable ascension suivie d'une désolante décadence, où il est question de querelles d'ego, de paranoïa, de mauvaises intuitions comme de coups de génie. Stewart relate ce périlleux virage des années 80 qui virent le passage de relais entre la jeune génération et celle qui travailla sous la houlette de Walt Disney lui-même. Les coulisses dévoilées ici sont aussi passionnante qu'édifiantes et qu'il s'agisse d'Eisner ou de Jeffrey Katzenberg, les portraits sont loin d'être flatteurs. Dans ce monde merveilleux du divertissement, la dimension artistique est évidemment la dernière roue du carrosse (...de Cendrillon) puisqu'il s'agit avant tout de valoriser les investissement d'actionnaires et de luttes de pouvoir au sein d'un conseil d'administration composé de millionnaires.
Stewart passe évidemment en revue la dimension créative de l'entreprise, mais on n'a évidemment pas affaire ici à un ouvrage de critique ciné qui donnerait envie de revoir les films. Le département animation apparaît comme une des nombreuses branches d'activité de la firme, et est même moins bien traité que la gestion des parcs et des réseaux télévisés.
Ce qui est intéressant c'est justement que Stewart n'est pas du tout un journaliste spécialisé dans le cinéma mais plutôt un grand analyste économique des dérives financières dans le monde de l'entreprise. C'est un avocat, plutôt publié dans le Wall street journal que dans Variety, et dont le travail a notamment été récompensé d'un prix Pulitzer, soit une valeur sûre. Grâce à des témoignages et des documents de première main, son livre nous projette au cœur d'un empire industriel qui brasse des milliards, et c'est une expérience à la fois rare et vertigineuse, qui nous fait assister de l'intérieur aux tractations et trahisons, reconstituant notamment les conversations de bureau, avec une rigueur journalistique exemplaire qui impose de vérifier et croiser ses sources. On ne met donc rien en doute de ce qui nous est donné à lire, et c'est franchement passionnant. Cette enquête m'avait d'ailleurs tellement enthousiasmé à sa publication que j'ai déjà eu envie de la relire.
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